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Autant la notion de champ est, parmi tous les concepts forgés par Pierre Bourdieu, une des plus largement reprises et diffusées, autant elle est aussi celle dont l'épaisseur conceptuelle est la plus menacée ; et il semble que, si la réflexion sociologique et anthropologique de Bourdieu suscite moins qu'avant « la fureur ou l'horreur » (Raisons pratiques 1994, p. 149)- ce qui reste encore à vérifier -, elle est aujourd'hui moins desservie par ses détracteurs que par sa diffusion extrême, dont le signe le plus patent est la reprise généralisée d'un terme comme celui de « champ », terme dont on précise aussitôt qu'il faut l'entendre « au sens de Bourdieu » - comme on entend territoire « au sens de Deleuze » et discours « au sens de Foucault » - tous procédés qui présentent le triple avantage de la caution intellectuelle, de la fiction de communauté (ceux qui ont lu Bourdieu), et surtout de l'élimination subreptice d'une réflexion présentée comme initiale et donc dépassée, alors même qu'elle pourait remettre en cause la pensée qui prétend la prendre pour objet - Bourdieu donc, menacé par sa diffusion ; paradoxe en apparence seulement, et exemple caractéristique de ce qu'il faut bien appeler une « récupération ». Ainsi le champ n'est pas un « terrain » - l'analogie initiale n'est pas rurale mais physique -, n'est pas un « domaine », et est encore moins un « milieu » ; et le champ littéraire n'est pas le milieu littéraire, ni l'espace littéraire (« au sens de Blanchot »....), et encore moins la littérarité, comme on a pu l'écrire (Le Champ littéraire, P. Citti et M Detrie (éd), Vrin, 1992, p. 8).


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Vincent Debaene

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Dernière mise à jour de cette page le 8 Février 2010 à 15h09.