Atelier


Génétique et autobiographie, par Philippe Lejeune.

Extrait de la communication de Philippe Lejeune lors de la session CLELIA 2007.

Article également paru dans la revue Lalies n°28, Paris, Éditions Rue d'Ulm - Presses de l'École Normale Supérieure, 2008. Numéro disponible en ligne sur numilog.fr (pdf et e-book).
Ce texte est reproduit dans l'atelier de Fabula avec l'aimable autorisation de Daniel Petit (pour l'association CLELIA et la revue Lalies) et des Éditions Rue d'Ulm).



Génétique et autobiographie

Je voudrais, sur l'exemple de l'autobiographie, donner une idée de ce que sont les études génétiques. Je partirai de mon expérience. Ce texte liminaire en dessinera les grands cadres. Ensuite je tracerai un croquis de chacun des huit «dossiers» génétiques sur lesquels j'ai travaillé depuis 1985. On pourra les lire tous, ou cliquer suivant sa curiosité. J'ai travaillé sur la genèse des Mots de Sartre (de 1985 à 1996), de W ou le souvenir d'enfance de Perec (de 1986 à 2003), d'Enfance de Nathalie Sarraute (en 1988 et après), du Journal d'Anne Frank (à partir de 1989), du Temps immobile de Claude Mauriac (à partir de 2001), pour citer les corpus les plus illustres ou les plus récents – mais aussi sur le projet autobiographique de Marie d'Agoult (1805-1876), sur une entrée du Journal de Paul Léautaud, et sur l'apprentissage du journal par une petite fille de sept ans, Ariane Grimm (1967-1985)…

On entendra ici par autobiographie tous les textes (récits, journaux, lettres) dans lesquels on parle de soi en s'engageant, vis-à-vis d'autrui ou de soi-même, à dire la vérité.

Mais qu'est-ce que la génétique? Non, ce n'est pas exactement l'étude des brouillons, ou «avant-textes»: ils ne sont que les lieux ou les moyens, certes privilégiés, de la recherche, mais parmi d'autres possibles. Un «dossier génétique» peut inclure des lettres, des entretiens, des témoignages extérieurs, etc. Le but de la génétique est de comprendre pourquoi et comment quelqu'un a créé quelque chose. Que ce soit un texte, un tableau, une symphonie, un film. Ce n'est pas une «méthode critique» particulière, comme les diverses méthodes ou approches psychologiques, sociologiques, poéticiennes ou autres… Ces méthodes-là, d'ailleurs, elle peut elle-même à l'occasion les mettre à contribution, parmi d'autres instruments de description ou d'interprétation. Ce qui lui est propre, c'est la dimension diachronique de l'étude: elle va faire l'histoire d'une production. Comme toute science historique, elle aura ses exigences et ses méthodes: l'établissement de toutes les traces laissées par le processus de production, leur description méticuleuse, leur chronologisation. C'est un travail si énorme qu'on peut s'y perdre, et perdre de vue le but, qui est de comprendre. On ne se lance pas dans la génétique pour une semaine, ou pour une communication à un colloque: c'est un engagement de longue durée. Il suppose que l'on attribue grande valeur au produit final. On ne va pas perdre des années pour expliquer la création d'une chose médiocre. Nécessaire, cette fétichisation de l'œuvre a ses dangers: l'illusion rétrospective. D'où le côté hygiénique des études d'échecs ou d'abandon chez des auteurs dont par ailleurs on étudie les réussites. La fin n'était pas au début: le but envisagé n'est pas toujours le but atteint. La création, c'est souvent la découverte progressive de ce qu'on voulait faire, en le faisant. La génétique ainsi conçue est-elle une «science»? Ni plus ni moins que l'histoire elle-même. C'est-à-dire qu'elle a ses méthodes, mais qu'elle n'a ni credo ni doctrine. Elle discerne des régularités, classe des manières de faire. Chez un auteur, ou chez plusieurs, ou dans un genre. Son rêve serait d'établir des lois générales. Pour l'instant, elle en est loin, et c'est peut-être mieux. Elle s'est substituée à l'ancienne «philologie», qui avait pris ses habitudes à l'époque où les manuscrits étaient indéfiniment recopiés, et où l'on analysait leurs «variantes» ou leurs «leçons». Elle est devenue possible à partir du moment où les créateurs eux-mêmes ont accordé de l'importance à l'histoire de leur création, et en ont gardé soigneusement les traces, c'est-à-dire depuis le début du XIXe siècle. Il s'agit pour nous d'entrer dans l'atelier du créateur. Pour en dégager des lois? Ce serait bien ambitieux – disons: pour y prendre des leçons. Faire une étude génétique, c'est un peu faire un stage chez un artisan. On devrait en revenir, sinon plus savant, du moins plus créatif…

Voilà ce que je dirais si on me demandait de définir la génétique. Il y a plus de vingt ans que je suis tombé dans ce chaudron-là, vers 1985, quand s'est créé l'équipe «Sartre» de l'ITEM. Mais s'il fallait faire la genèse de ma passion, je remonterais bien plus haut. Presque à mes débuts. En 1963, j'ai eu une illumination. J'ai découvert que la fameuse madeleine de Proust n'était, dans une version antérieure, qu'une vulgaire biscotte! J'en ai déduit que la sensualité toute féminine de cette valve rainurée avait été choisie, et en publiant en 1971 mon étude mi-génétique, mi-psychanalytique, j'ai coiffé au poteau Serge Doubrovsky qui avait eu une intuition parallèle, d'où il tira d'autres conséquences, aussi imprudentes. De cette aventure fondatrice (pour moi), je tirerai une première conclusion. C'est qu'à l'origine de toute étude génétique, il y a un événement. Et derrière cet événement, un désir. J'essaierai, ci-dessous, pour chacune de mes aventures génétiques, de dire quel a été le déclic. Un généticien est forcément un amoureux. Il a des interprétations, des hypothèses. Il est à la recherche d'un secret. Il joue au limier, il prend le génie en filature. Le déclic, c'est quand il découvre un corpus d'avant-textes qui semble pouvoir porter réponse à des questions qu'il se posait. Il se précipite. Parfois trop vite: péché de jeunesse! C'est ce qui m'est arrivé avec Proust – du moins pour la petite madeleine. Mais la philologie calme vos effervescences. Vous mettez vos questions de côté: un train peut en cacher un autre. Vous apprenez la patience, l'attention.

Avec Proust lui-même, j'ai essayé de me racheter, en étudiant, plus tard, tous les avant-textes d'une phrase (la description des carafes plongées dans la Vivonne), c'était plus sérieux, moins exaltant, mais très poétique. Je m'étais fait aider par une vraie généticienne, Claudine Quémar, qui m'avait préparé le dossier sur lequel j'ai raisonné. Puis à pas de loup, je me suis rapproché de l'autobiographie, gibier de choix pour la génétique. Ma théorie est que, du point de vue du lecteur, l'autobiographie n'entretient pas avec ses avant-textes le même rapport que les autres genres littéraires. Le texte publié d'un roman, d'un poème, d'un essai, se suffit à lui-même: la connaissance des avant-textes et de l'histoire de l'œuvre correspond à un type d'intérêt différent, et peut brouiller la jouissance de l'œuvre accomplie. Rien de tel avec l'autobiographie: le dossier génétique répond à la même curiosité que l'œuvre, et offre un terrain de vérification privilégié aux engagements pris avec le pacte autobiographique. Je ne puis guère mener enquête, hors texte, sur la vie de l'auteur pour évaluer sa sincérité ou l'étendue de ses fantasmes ou reconstructions; en revanche, avant-texte contre texte, je puis repérer par quels déplacements, inversions, omissions s'est élaborée son identité narrative.

À pas de loup: à partir de 1976, à différentes occasions, je me suis senti une âme de détective. J'ai eu l'attention éveillée par des discordances, des transformations, des omissions, et même des mensonges. Je vais en donner trois exemples. J'ai mis le doigt dans l'engrenage de la génétique, juste le doigt, parce que dans chaque cas, il finissait par manquer quelque chose pour continuer.

1976: sortie publique du film Sartre par lui-même, d'Alexandre Astruc et Michel Contat. C'est un montage d'entretiens tournés en 1972. La mère de Sartre, Mme Mancy, est morte en 1969 et Sartre se sent désormais libre de parler de son adolescence «mise sous la cendre», comme il le dit parallèlement dans un entretien accordé à Francis Jeanson. Il apparaît que sa «névrose littéraire» ne prend pas origine dans une enfance en réalité heureuse et choyée, ni dans le manque de père, mais dans une adolescence brisée par le remariage de sa mère. Toute la construction des Mots (1964) est décalée et… faussée, le respect humain l'ayant empêché jusqu'au bout d'exprimer la blessure causée par un remariage vécu comme une trahison. En voyant ce film, j'ai compris ce qui clochait dans Les Mots, et la raison des failles que j'avais constatée dans l'apparemment rigoureuse construction dialectique du récit: j'avais eu raison de trouver absurdes, dans mon étude du texte publié, tous les enchaînements finaux, et je me suis mis à soupçonner, en amont, d'autres… arrangements. Mais je devais en rester au soupçon puisqu'en 1976, Sartre bien vivant, ses manuscrits étaient inaccessibles. Dans l'immédiat, je dérivai ma pulsion génétique sur le film lui-même, je fis une explication de texte minutieuse des 90 secondes dans lesquelles cet homme âgé exprimait sa douleur d'enfant trahi. J'analysais les gestes, la voix, je remontais jusqu'aux «rushes» du film pour retrouver l'intégralité de l'entretien utilisé. C'était une pierre d'attente.

1978: vers 1970, mon père m'avait confié l'ensemble des manuscrits inédits de son grand-père, Xavier-Édouard Lejeune (1845-1918), employé de commerce, écrivain du dimanche. Occupé, à l'époque, par de prestigieux chefs-d'œuvre, j'avoue avoir jeté un œil condescendant sur la prose (et les vers) de mon aïeul. En 1978, mon père découvre un ultime cahier qui nous alerte: cet homme apparemment naïf s'y révèle capable d'un discours ambigu: mis à la retraite d'office, il distille à son patron des éloges… amers. Nous reprenons l'ensemble de son autobiographie (Les Étapes de la vie) pour y découvrir sous l'aspect conventionnel d'une vie calme et édifiante, l'expression cryptée d'épouvantables tragédies familiales. Le cher homme a menti (en tout bien, tout honneur) à la fois sur sa naissance (il est né de père «non déclaré» - mais pas inconnu pour cela, puisqu'il se venge bien de lui!) et sur son mariage (sa mère, qui l'a d'abord empêché de se marier, a fini par croupir dix-sept ans dans un asile psychiatrique…). L'état civil n'est pas un «avant-texte», et la longue enquête en archives que nous avons menée, mon père et moi, n'a rien d'une étude génétique classique… et pourtant! Nous n'avions qu'une version de cette autobiographie: mais l'analyse de ses… anomalies internes et de sa discordance avec la réalité historique nous a permis de reconstruire le trajet de sa création. Nous avons publié le récit de Xavier-Édouard encadré par notre enquête (Calicot, 1984). C'était une hypothèse.

1980: je m'intéresse depuis deux ou trois ans à «l'autobiographie de ceux qui n'écrivent pas»… mais sont néanmoins publiés! Récits recueillis dans une perspective ethnologique ou populiste par des journalistes ou écrivains qui certainement, après avoir provoqué et transcrit ces récits oraux, ont dû les métamorphoser par le montage et la réécriture. C'est de bonne guerre, mais de bonne guerre aussi d'enquêter pour savoir comment ils ont fait, et leur part dans ce que nous consommons. Me voilà à la recherche d'enregistrements originaux pour des «sondages» génétiques. Deux fois j'y parviens. Avec Mémé Santerre, d'abord, mais l'écart est si grand, si près de l'imposture, qu'il n'y a pas grand-chose à en tirer. En décembre 1980, en revanche, Adélaïde Blasquez retrouve pour moi une cassette de ses enregistrements de Gaston Lucas, serrurier (Plon, «Terre Humaine», 1976), livre dont j'avais admiré le travail d'écriture. Cette fois, c'est passionnant: la comparaison de la bande sonore et du livre me permet d'analyser comment Adélaïde s'y est prise pour créer sur le papier l'illusion de la parole, mais aussi de découvrir la réalité des rapports d'identification et… d'utilisation sous l'apparence de la relation «ethnologique». Adélaïde, belle joueuse, accepte que je publie le récit de mon enquête. C'est un essai.

Me voici mûr pour entrer en génétique. Ces différents essais m'ont fait déjà éprouver combien il est délicat de transmettre les résultats d'une recherche en ce domaine. Mais ce n'est rien par rapport à ce qui va suivre. J'avais commencé par le plus facile. Quand il va s'agir d'expliquer comment s'articulent des transformations entre des séries de plans, d'ébauches puis de versions qui s'étendent parfois sur des centaines de pages, il faut avoir une mémoire exercée et fraîche! On a soi-même du mal à tout tenir sous son regard. Que va-t-on faire quand on s'adressera à des gens, intéressés certes par l'auteur ou par le problème, mais qui ne connaissent pas le dossier génétique et ses stratifications? Il faut d'abord les «mettre à niveau», sans les saturer ni les épuiser, pour qu'il leur reste un peu d'attention pour apprécier, in extremis, les résultats intellectuels de la recherche. Avouons-le: quand on reprend soi-même, après un arrêt de quelques mois, une recherche génétique entamée, on est dans la même situation. Il faut se rebâtir une mémoire, réapprendre laborieusement le labyrinthe de ses propres hypothèses. D'où l'aspect un peu «société secrète» des études génétiques. Délits, ou délices, d'initiés…

Avant d'entamer mon récit, j'ai un dernier scrupule: j'ai peut-être trop souligné jusqu'ici le côté «policier», «ère du soupçon», de mes enquêtes. Il y a un autre aspect, aussi important, sinon même plus: la création de formes, l'invention de nouveaux systèmes d'expression. Je ne suis pas seulement un «vérificateur» de pactes autobiographiques, un contrôleur d'identités narratives. Je suis en même temps un autobiographe amateur, un diariste impénitent, venu aux études autobiographiques avec passion pour suivre un stage auprès des meilleurs maîtres, auprès d'inventeurs que j'admire. Je crois que l'autobiographie est un genre en train de naître. On en est aux balbutiements, dans l'état où était le roman il y a trois siècles. Il y a plein de choses à inventer. Si j'ai consacré un livre à Michel Leiris (Lire Leiris. Autobiographie et langage, 1975), c'était pour essayer de m'approprier les secrets de son écriture poétique. On verra que parmi les auteurs ici étudiés, il y a au moins quatre novateurs de génie, Sartre, Nathalie Sarraute, Georges Perec et Claude Mauriac. J'ajouterai une autre précaution de méthode, évidente: impossible de faire des études génétiques sans avoir d'abord étudié l'œuvre achevée. Cette étude permet d'arriver devant les brouillons avec des questions, des hypothèses, des désirs et de refaire en compagnon de route averti le trajet de sa création.

Et puis tout de même un dernier mot sur un problème qu'on découvrira au fil de mes esquisses: si l'on comprend bien ce qu'est la genèse d'une autobiographie, puisque c'est une œuvre, on voit moins clairement ce que pourrait être la genèse d'un journal, puisque c'est une accumulation d'écritures immédiates, et que sa valeur tient à l'absence de toute élaboration ultérieure. Les journaux peuvent faire partie du «dossier génétique» d'autres œuvres, c'est même fréquent, ils peuvent être ou devenir des brouillons, mais peuvent-ils eux-mêmes en avoir? J'essaierai de montrer que l'écriture du journal naît elle aussi d'un travail, mais qui ne laisse pas de traces: il faut imaginer des systèmes d'observation indirects pour trianguler les ruminations silencieuses et les variations progressives qui engendrent ses mouvements et déplacements. Les études sur Paul Léautaud et Ariane Grimm touchent à ce problème délicat entre tous…

Mes recherches n'ont pas été solitaires: dès le départ, en 1985, j'ai été intégré dans une communauté. L'Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM/CNRS), fondé au début des années 1970 par des germanistes (Louis Hay) et des proustiens est un «laboratoire» très original, qui s'est développé par la création d'équipes sur corpus (Flaubert, Zola, Proust, Valéry, Joyce, Sartre…) et d'équipes transversales sur des problèmes ou champs (codicologie, linguistique, philosophie, arts plastiques, etc.). L'ITEM propose un séminaire général, des publications théoriques (comme les Éléments de critique génétique d'Almuth Grésillon, PUF, 1994), une revue semestrielle, Genesis (depuis 1991), des programmes de coopération avec des pays étrangers (la génétique passant souvent pour une «spécialité française»). En 1985, comme les manuscrits des Mots de Sartre commençaient à arriver à la BNF, Michel Contat a fondé à l'ITEM une équipe Sartre, que j'ai quittée en 1996 lorsque notre travail sur Les Mots a abouti à une publication d'ensemble, et que l'équipe s'est tournée vers le théâtre. Mais, entre temps, j'avais proposé au Conseil de laboratoire la création d'une équipe «générique», «Genèse et autobiographie», qui fonctionne depuis 1996 (direction: Catherine Viollet). Cette équipe, fréquentée par de jeunes chercheurs et des passionnés d'autobiographie, a eu l'occasion d'entendre, dans son séminaire mensuel, des exposés sur plus d'une centaine de corpus différents, français et étrangers, elle organise des Journées d'étude (récemment: «Genèse et autofiction», 2006; «Cinéma, autobiographie et genèse», 2007), elle a ses publications (récemment: Métamorphoses du journal personnel, 2006). J'ai présenté devant elle presque toutes les recherches dont je vais maintenant parler.

Ces huit études sont-elles l'ensemble de mes contributions aux études génétiques? Oui, sans doute. Au-delà, je m'aventure dans d'autres territoires. Étudier comment le texte des Confessions de Rousseau a été coupé par ses premiers éditeurs, c'est plutôt une étude de réception. Étudier les transformations des écritures autobiographiques de Rétif de la Bretonne, en revanche, c'est peut-être encore de la génétique, mais «transformiste», comme je la définirai à propos de Paul Léautaud et d'Ariane Grimm.

Ai-je d'autres chantiers génétiques en cours, d'autres projets? Oui et non. Je travaille de plus en plus sur le journal. Mon intention est d'éclairer, par des séries de monographies, la naissance du journal personnel en France entre 1750 et 1815. On trouvera sur mon site «Autopacte» l'état actuel du projet. C'est un travail d'historien plus que de généticien, même s'il m'arrive, à propos de tel ou tel journal, de croiser des problèmes de génétique. Au terme de ce petit parcours, j'ai plaisir à saluer un homme génial et candide, Hyacinthe Azaïs (1766-1845), qui est peut-être un des inventeurs de la génétique. En 1801, élaborant dans son journal sa grande théorie philosophique des Compensations dans la vie humaine (publiée en 1808), il a eu l'idée étonnante (et juste!) qu'il serait plus intéressant pour un lecteur de voir naître ses idées dans son journal que de lire leur exposé dogmatique dans un livre. Je lui laisse la parole pour finir.

«Je me dis quelquefois que d'après la forme que j'ai maintenant donnée à ce tableau de moi-même, je ne pourrais jamais faire d'ouvrage qui puisse lui être préféré: en effet j'y dépose, depuis quelques temps, les pensées, les observations et les sentiments que j'ai le projet de réunir en corps d'ouvrage particulier. Dans mon journal, ces pensées et ces observations ne sont pas toujours liées entre elles; mais elles sont liées à moi-même; elles viennent dans mon journal comme elles me sont venues; leur place se trouve ainsi naturelle; car c'est ma nature qui a fixé le moment et la circonstance où elles devaient se placer dans ma tête et dans mon cœur. Cette liaison est plus intéressante et même plus vraie que l'ordre méthodique.»

Journal inédit, Paris, Bibliothèque de l'Institut, 14 vendémiaire (6 octobre1801)


Philippe Lejeune, 3 novembre 2007


  • Sommaire des huit dossiers:


Études mentionnées

  • «Écriture et sexualité», Europe, février-mars 1971, p. 113-143 (Sur Proust).
  • «Les carafes de la Vivonne», Poétique, n° 31, 1977, p. 283-305 (repris dans le volume collectif Recherche de Proust, Seuil, coll. « Points », 1980).
  • «Ça c'est fait comme ça», Poétique, n° 35, 1978, p. 269-304 (Sur une séquence du film Sartre par lui-même).
  • Xavier-Édouard Lejeune, Calicot, enquête de Michel et Philippe Lejeune, Paris, Ed.Montalba, 1984, 368 p.
  • «Ethnologie et littérature: Gaston Lucas serrurier», in Moi aussi, Seuil, 1986, p.273-291.
  • «Rousseau coupé», in Genèse, censure et autocensure, sous la direction de Catherine Viollet et Claire Bustarret, CNRS Éditions, 2005, p. 37-58.
  • «Archéologie de l'intime: Rétif de la Bretonne», in Métamorphoses du journal personnel, Catherine Viollet et Marie-Françoise Lemonnier-Delpy éd., Louvain-la-Neuve (Belgique), Academia Bruylant, 2006, p. 11-28.
  • «Un journal d'Azaïs», in De Perec etc., derechef, Mélanges offerts à Bernard Magné, recueillis et présentés par Éric Beaumatin et Mireille Ribière, Paris, Joseph K., 2005, p. 275-285.

Genèse et autobiographie

  • Philippe Lejeune, Les Brouillons de soi, Seuil, 1998, 430 p.
  • Genèses du «Je». Manuscrits et autobiographie, sous la direction de Philippe Lejeune et Catherine Viollet, CNRS Éditions, 2000, 245 p.
  • Autobiographies, n° 16 de Genesis, 2001, sous la direction de Philippe Lejeune et Catherine Viollet, 232 p.
  • Métamorphoses du journal personnel, sous la direction de Catherine Viollet et de Marie-Françoise Lemonnier-Delpy, Louvain-la-Neuve (Belgique), Academia Bruylant, 2006, 236 p.
  • Catherine Viollet et Marie-Françoise Lemonnier-Delpy, «Genèse de l'écriture de soi», in Le Propre de l'écriture de soi, sous la direction de Françoise Simonet-Tenant, Téraèdre, 2007, p. 32-42.

Sites

· ITEM: http://www.item.ens.fr/

· Philippe Lejeune: http://www.autopacte.org/


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