Atelier

Langue et patrie



Christophe Charle (Université de Paris I, IHMC, IUF)



Ferdinand Brunot a connu une postérité curieuse et contrastée. Avec Lavisse, il est l'un des seuls maîtres de la nouvelle Sorbonne qui a eu l'honneur d'un article dans ce Panthéon de papier de la fin du XXe siècle que sont Les Lieux de mémoire[i]. Immortalité accessible au plus grand nombre, son nom est devenu un toponyme central du 14e arrondissement, puisqu'il désigne la place la mairie, juste rétribution de son dévouement pendant la guerre de 1914 comme premier magistrat (1910-1919) de ce quartier alors plutôt déshérité[ii]. Immortalité traditionnelle mais un peu ironique pour un tenant des idées modernes, il a été élu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1925 après une première candidature en 1914. Immortalité littéraire relative, son nom est cité à quatre reprises par Péguy dans l'édition des Œuvres en prose de la Pléiade. On se doute que ce n'est pas en très bonne part chez le pourfendeur de la nouvelle Sorbonne, mais son score est modeste comparé au nombre des mentions de Lavisse ou de Lanson. Surtout les quolibets qu'il récolte de la part de l'auteur de Notre jeunesse sont plutôt bénins à l'aune de ceux dont furent gratifiés ses autres collègues: “J'ai pour les travaux de M. Brunot, moi écrivain, tout le respect qu'un soldat qui a fait la guerre a pour un historien des poudres et salpêtres qui ne l'a pas faite, tout le respect qu'un peintre, qui a fait des tableaux, a pour un historien de la boîte à couleurs qui n'en a point faits”[iii]. Cette attaque motivée par la sortie d'un compte rendu dithyrambique du tome 3 de l'Histoire de la langue française sous la plume de Gustave Rudler ne touche, on le voit, qu'à une querelle de personnes et réactive des oppositions classiques du monde intellectuel: écrivain contre critique, artiste contre philologue, honnête homme contre docte. Mais il n'est rien dit des nombreuses prises de position publiques de Brunot qui avaient, on va le voir, tout pour irriter l'imprécateur de la rue de la Sorbonne. C'est Brunot le mandarin aux disciples empressés, Brunot le “patron de la grammaire” pour citer de nouveau Péguy qui est en cause et non le défenseur des modernes qu'il n'appréciait pourtant guère.

Cette image publique en demi-teinte et plutôt banale a été renforcée par le culte de ses disciples ou de ses héritiers dans le domaine de la linguistique et de la grammaire. Tout se passe comme si la monumentale Histoire de la langue française avait fait oublier les ardeurs du polémiste, le tenant de toutes les réformes, l'homme engagé pour les causes modernes de son temps: réforme universitaire, défense de Dreyfus et de la République, réforme de l'enseignement secondaire, réforme de l'orthographe, modernisation des méthodes de la grammaire, défense de l'enseignement féminin, propagande pour la diffusion du français à l'étranger. Il est rare qu'un universitaire de cette époque présente une telle cohérence entre ses prises de position dans son œuvre, ses engagements et ses combats qu'ils soient intellectuels, sociaux ou politiques. C'est cette cohérence resituée dans le contexte si polémique de ces années tournantes qui vont de l'affaire Dreyfus à l'affaire Agathon qu'on va essayer d'illustrer à travers trois épisodes principaux dans cette communication: l'enquête sur l'enseignement secondaire de 1899, la querelle de l'orthographe de 1905, la lutte pour les humanités modernes et l'essor du français avant et après la Grande guerre.


I. CHANGER LE LYCEE

Pour qui a lu l'ensemble des dépositions recueillies par la Commission Ribot en 1899, l'intervention de Ferdinand Brunot tranche sur celle de la plupart de ses collègues de la Sorbonne, même les plus critiques. Les commissaires en ont bien conscience puisque le président note dans le bref dialogue introductif de la déposition:“vous appartenez à la jeune génération universitaire”[iv]. En effet Brunot, à l'époque, n'a que 38 ans et il n'a enseigné qu'un an dans l'enseignement secondaire, étant devenu maître de conférences à l'âge de 23 ans à la Faculté des lettres de Lyon. Il s'agit là, comme je l'ai montré ailleurs, d'un nouveau profil de carrière, à l'allemande, où la séparation secondaire/supérieur est beaucoup plus nette que dans les générations antérieures. Cette distance à l'objet en débat, la pratique pédagogique et les problèmes internes des lycées, pourrait disqualifier l'avis de Brunot. En fait, ce dernier à l'époque entretient de nombreux liens indirects étroits avec l'enseignement secondaire. Maître de conférences à la Faculté des lettres, il a pour tâche à d'examiner tous les ans les candidats au baccalauréat et peut donc juger de leur niveau scolaire en fin de parcours. Membre du jury de l'agrégation de grammaire, il recrute les professeurs qui enseigneront dans les premières classes des lycées de la 6è à la 3è. Il a d'ailleurs publié à ce sujet ses réflexions dans la Revue universitaire[v]. La déposition de Brunot, à partir des questions posées par la commission, propose un ensemble de réformes radicales aussi bien du personnel, des programmes, des finalités et des sanctions pour l'adapter à la société moderne. Le philologue s'appuie aussi bien sur des considérations sociales et politiques que sur des observations issues de son expérience d'examinateur ou d'historien de la langue et donc de son enseignement. Nous retrouverons cette méthode historique et positive (au sens de fondée sur l'enquête et l'expérience) tout au long des autres prises de position de Brunot dont certaines sont d'ailleurs esquissées dès ce texte global. Tout ceci atteste la continuité des idées de Brunot contre vents et marées et de son absence de timidité à s'en prendre aux institutions les plus vénérables: l'agrégation, les langues anciennes, l'orthographe, etc.

Les considérations sociales et politiques situent nettement Brunot dans le camp anticlérical. Pour lui, le malaise des établissements publics tient d'abord à un tournant conservateur et clérical de la bourgeoisie qui par “snobisme” veut élever ses enfants dans l'environnement protégé des collèges catholiques. Brunot n'est pas totalement aveugle sur certains défauts éventuels des lycées et collèges publics. Comme beaucoup d'autres intervenants, il souligne le manque de pratique pédagogique des professeurs et le défaut d'encadrement moral offert aux élèves qui, au contraire, est l'un des points forts des établissements religieux. A ces faits structurels, il apporte deux réponses réformistes: il faut modifier le concours d'agrégation pour remédier aux faiblesses pédagogiques des futurs professeurs et, surtout, recruter les répétiteurs parmi les maîtres de l'enseignement primaire dont il fait un éloge vibrant:“ceux -là ont la foi”[vi]. On notera ce recours à une notion religieuse pour qualifier le dévouement nécessaire des fonctionnaires publics s'ils veulent répondre à la concurrence des religieux enseignants. Il y a là, à l'évidence, un a priori favorable pour les vertus des “primaires” qui repose certes sur le discours républicain officiel mais manque un peu de la rigueur scientifique que Brunot par ailleurs prétend défendre dans ses analyses.

Son second ensemble de propositions sur la formation des futurs professeurs est à l'unisson de ceux qui ont porté les réformes des deux décennies antérieures. Brunot retrouve ici les idées de Lavisse ou de Seignobos qui souhaitaient accroître l'autonomie de la formation universitaire par rapport aux contraintes de l'enseignement secondaire qui, à l'époque précédente, dictait en fait sa loi aux cours des facultés. Brunot invoque d'ailleurs le modèle des études d'histoire où la partie professionnelle et la partie scientifique (le diplôme d'études supérieures) sont distinctes et complémentaires. Il préconise un système analogue pour la formation des professeurs de lettres et remet même en cause le principe du concours traditionnel:

“Il faut que la partie scientifique devienne un simple examen de faculté – non pas un concours, mais un examen que les professeurs de faculté pourront faire subir dans leurs facultés. Après cet examen on exigera soit un stage, soit un concours ou mieux un examen – car il n'est pas nécessaire non plus que ce soit un concours – où on pourrait tenir grand compte des aptitudes et des mérites professionnels. Je ne verrais même aucun scandale à ce que des hommes dont l'instruction est un peu inférieure, mais qui, par leur dévouement aux élèves, par une sorte d'instinct de l'enseignement, valent et surpassent dans beaucoup de classes tout au moins, sinon partout, des professeurs plus instruits, jouissent des mêmes avantages qu'eux.”[vii]

Le plus frappant est que ce discours radical soit tenu par un ancien cacique de l'agrégation de grammaire et futur président du jury de ce même concours. Cette annonce d'une possible transgression des privilèges du corps hérité de l'Ancien Régime sera, on le sait, une pomme de discorde permanente entre les diverses catégories d'enseignants du second degré comme nous le rappelle le livre récemment paru d'Yves Verneuil sur les agrégés[viii]. L'audace iconoclaste d'un pur produit du système des concours n'en est que plus remarquable.

Les analyses de Brunot sont encore plus critiques à propos des programmes de l'enseignement classique et du complexe de supériorité affichée par les tenants des classiques alors que la réalité dément leur prétention. La véritable pierre de touche de cet enseignement, ce ne sont pas ses idéaux mais ce qu'il parvient à véritablement transmettre dans les classes et surtout ce qu'il en reste dans l'esprit des élèves. Or, en tant qu'examinateur au baccalauréat, il constate un niveau très faible de connaissances, en particulier en grec et même pour des textes faciles d'accès. Cette médiocre compétence se retrouve aussi chez les futurs agrégés de grammaire quand il s'agit d'improviser sans préparation:

“Cette année même, nous avons discuté la question de mettre à l'agrégation, comme texte improvisé de l'Homère. Eh bien, ce n'est pas possible.
M. Marc Sauzet. A l'agrégation de grammaire?
M.Brunot. Parfaitement; nous n'avons pas osé porter l'Iliade.
Voilà la vérité vraie, monsieur le président.”[ix]

Ce thème de l'échec des études grecques au niveau secondaire n'est pas propre à Brunot, bien d'autres professeurs interrogés vont dans le même sens. Mais le latin n'est pas beaucoup mieux loti selon lui. La maîtrise linguistique est plus réelle mais la capacité littéraire de compréhension des élèves rencontre vite ses limites. Les auteurs les plus difficiles, comme Tacite et Sénèque, leur sont inaccessibles et même un auteur réputé simple comme Cicéron n'est pas compris dans toute sa subtilité. Il en résulte qu'il faut abandonner cette ambition d'un autre temps de rendre les élèves capables de comprendre les littératures anciennes:

“L'enseignement gréco-latin, tel qu'il a existé, est fini; mais entendons-nous bien, - je ne voudrais pas que mon expression dépassât ma pensée - cet enseignement est fini comme type unique d'enseignement secondaire.”[x]

Implicitement, Brunot rejoint ceux qui veulent réserver le véritable enseignement classique à une élite scolaire au lieu de l'imposer à une masse d'élèves qui le subit par nécessité sociale (il est nécessaire pour accéder à certaines filières ou carrière) mais n'ont aucune aptitude pour en profiter. A la différence de ces réformistes qui veulent faire la part du feu, il est cependant un véritable moderne au sens où, pour lui, cette évolution est inscrite dans le sens de l'histoire, non seulement en France mais dans l'ensemble de l'Europe puisque les mêmes questions sont posées en Allemagne. Il inscrit ce changement dans une mutation qui a commencé au XVIe siècle. Il s'agit de se libérer du culte des anciens hérité de l'Eglise et des Universités médiévales et de donner à la “langue vulgaire” dans la formation la place qu'elle a conquise dans tous les domaines de la vie sociale: l'administration, la justice, la médecine, la science, la vie culturelle. L'enseignement secondaire est donc le dernier fortin d'une citadelle démantelée en trois siècles, celle du monopole des clercs latinistes sur la vie intellectuelle. Brunot inscrit ainsi sa position moderne dans la continuité de la grande querelle des Anciens et des Modernes, puis dans celle des Philosophes contre le cléricalisme et dans celle de la République pour la liberté de pensée. Il reprend aussi implicitement un schéma emprunté à son auteur favori Victor Hugo, le fameux “ceci tuera cela” de Notre Dame de Paris:

“D'où est venu, messieurs, ce progrès? Au début, je crois, il a été secondé par une de ces causes irrésistibles que sont les faits d'ordre économique.
Je veux parler du développement de l'imprimerie. Il est certain que, du jour où l'on a fait des livres au lieu de manuscrits, la situation a changé.
Comme les ateliers très nombreux ne pouvaient vivre qu'à la condition d'avoir un public très étendu, il leur fallait des lecteurs en dehors de ceux qui savaient le latin; par conséquent ils étaient dans l'obligation d'imprimer en français. C'est ainsi que la réforme est partie des grandes imprimeries de Lyon.”[xi]

Il y ajoute une considération sociale, la nécessité d'offrir une culture en français à la noblesse et un moteur politique créer l'unité du royaume autour de la langue de la capitale. Mais ni la monarchie (il évoque Richelieu), ni les Parlementaires au moment de l'expulsion des Jésuites au XVIIIe siècle, ni la Révolution n'ont osé aller jusqu'au bout en réduisant la part des études anciennes pour émanciper la culture moderne de leur emprise. On a ajouté de nouvelles matières sans retrancher les langues anciennes aboutissant à un enseignement superficiel de toutes les disciplines, puisque le temps imparti à chacune est devenu insuffisant pour atteindre un niveau satisfaisant. Ce refus de choisir et de trancher provient, selon Brunot, de la réussite d'une ligne de défense des classiques complètement fallacieuse: la nécessité du grec et du latin pour vraiment maîtriser le français et la gymnastique intellectuelle favorable au développement de l'intelligence que permet le passage d'une langue à l'autre. S'appuyant sur sa compétence d'historien de la langue et sur son expérience personnelle d'ancien excellent élève de la section classique mais aussi de praticien des langues modernes, Brunot affirme que ces deux justifications ne tiennent pas. Contre l'inspecteur général Foncin, il défend l'idée de la possibilité d'un enseignement véritablement historique du français, indépendamment de l'apprentissage du latin. Toutefois, actuellement, il n'existe pas parce que tous les professeurs de français, même ceux de l'enseignement moderne, ont suivi une formation classique. Il admet certes en partie le bien fondé de la seconde justification:

“Je reconnais que la version latine est plus difficile, qu'elle exerce davantage l'esprit de l'élève, parce que la langue est plus loin de la nôtre et que l'effort est plus considérable[xii].”

Mais il corrige cette considération par une thèse chère aux modernes. Ne vaut-il pas mieux aujourd'hui connaître en profondeur les grands auteurs des littératures européennes qui forment la culture commune des contemporains plutôt qu'une culture passée qui isole de son temps et du plus grand nombre? Il est même féroce contre la littérature latine. Puisque, comme il l'a dit plus haut, le grec n'est pas su et que le latin ne permet d'accéder qu'aux auteurs les plus pauvres, on ne met à la disposition des élèves qu'une littérature passée pour l'essentiel médiocre si on la compare à la française, à l'anglaise ou à l'allemande. Le plus grave est que la superstition du latin contribue à un mauvais enseignement des langues vivantes qu'on inculque comme des langues mortes par contamination.

Pour bien profiter de la connaissance des langues étrangères, il faut donc rompre avec ces méthodes en commençant très tôt (comme on le faisait pour le latin au temps de sa splendeur). Il préconise aussi la création de collèges en langue étrangère comme il en existe en Russie. Surtout, il faut mettre fin au statut déprimé de l'enseignement moderne qui est la véritable origine de certains de ses défauts. Les professeurs de lettres formés à la littérature ancienne y sont nommés à leur corps défendant et cherchent à le quitter dès que possible pour enseigner dans les filières plus prestigieuses. Ce turnover diminue la considération des élèves qui se sentent mal aimés car il n'existe pas ce que nous appellerions une véritable équipe pédagogique qui partage le même idéal.

Le projet de réforme auquel aboutit Brunot est donc double: dans un premier temps, donner l'égalité de sanction aux deux secteurs des lycées; dans un second temps, accélérer le développement du moderne, seul adapté à l'époque actuelle et aux attentes du plus grand nombre, tout en laissant subsister quelques îlots de culture classique pour maintenir la tradition et éviter que certaines familles ne se réfugient dans les collèges catholiques:

”Je serais désolé que la culture du grec disparût tout à fait et qu'un courant grec, voire même latin, ne continuât pas à circuler par quelques canaux dans la nation française.[xiii]

Brunot manifeste un solide optimisme dans sa cause qui est portée par l'histoire. Les années qui suivent la réforme de l902 vont lui démontrer en revanche la puissance des forces de conservation et même de tradition. Contre elles, il ne va cesser de se battre en 1905 à propos de l'orthographe comme en 1911, pour le français et les humanités modernes.


II. MODERNISER L'ORTHOGRAPHE

En 1903, la question de la réforme de l'orthographe est relancée par la nomination d'une commission à l'initiative du ministre de l'Instruction publique,Chaumié. Présidée par Paul Meyer, directeur de l'Ecole des Chartes, elle comprend sept membres du Conseil supérieur de l'Instruction publique, trois «spécialistes (Louis Havet, professeur au Collège de France, Antoine Thomas et Ferdinand Brunot, professeurs à la Sorbonne) et deux députés, Maximilien Carnaud socialiste anticlérical et Lucien Cornet, radical-socialiste, partisan de l'espéranto[xiv]. Mis à part, Octave Gréard, présent en tant qu'ancien vice-recteur de l'Académie de Paris, elle n'inclut aucun membre de l'Académie française ce qui explique en partie l'opposition de celle-ci aux conclusions rendues en 1904 car elle s'estime dépossédée d'une de ses prérogatives[xv]. A ce premier obstacle académique, s'ajoute une mobilisation hostile dans le milieu de la presse, de la littérature et des académies. La Revue Bleue, dont le lectorat se recrute notamment dans le milieu universitaire au sens large, anime notamment cette campagne contre l'idée de réforme. Elle ouvre ses colonnes à des écrivains ou à des philologues hostiles à la commission Meyer. Dans son numéro du 18 février 1905, un manifeste reçoit l'assentiment d'une première liste de 120 signataires, en majorité issus de la presse, des revues et plus partiellement du monde universitaire. 294 noms supplémentaires sont cités dans trois autres listes publiées dans des numéros ultérieurs. On y relève ceux de quelques célébrités académiques habituées des manifestes conservateurs, comme J. Lemaître, V.Sardou, F. Coppée, Albert Vandal, mais aussi de savants qui se rangeaient plutôt dans le même camp que Brunot lors de l'enquête de 1899 ou au moment de l'affaire Dreyfus, tels Berthelot, Aulard, Michel Bréal, Bouché-Leclercq. Parmi les écrivains, les anciens clivages littéraires ou politiques semblent s'effacer devant la défense de la tradition écrite que la réforme mettrait, selon eux, en péril. Le nom du romancier dreyfusard Lucien Descaves voisine ainsi avec celui du poète patriote nationaliste Déroulède, le poète symboliste F. Viélé-Griffin joint sa signature à celle de l'auteur de boulevard Maurice Donnay, le député radical Caillaux se trouve non loin du député conservateur Denys Cochin, l'homme qui a révolutionné le théâtre, André Antoine, rejoint sur les mêmes positions des dramaturges qu'il n'apprécie guère, plutôt habitués de la Comédie française comme François de Curel ou Henry Bernstein, dans une sorte d'appel à l'union sacrée face aux réformateurs imprudents. Même André Gide, l'iconoclaste, prend rang au milieu de gros bataillons de membres de l'Institut, de l'Académie de médecine ou même d'académies locales et de rédactions de journaux de province.

Au début de ces listes, on peut lire les considérants suivants en complet décalage avec les attendus de Ferdinand Brunot:

“Depuis cent ans, l'orthographe, en notre pays, est à peu près fixée. Les plus nobles génies du XIXe siècle s'y sont soumis. Les grands modèles classiques eux-mêmes se présentent à nous dans une forme qui nous est encore familière.
Un décret bouleversant soudain l'orthographe traditionnelle aurait pour effet de prêter une figure étrange ou archaïque à tous les chefs-d'œuvre édités depuis le XVIIe siècle, ceux-ci fussent-ils même contemporains. Une barrière plus haute s'élèverait entre la foule et les lettrés; ce serait enfin risquer tôt ou tard de compromettre toute la beauté plastique de notre langage, et de nuire par là au prestige universel de la littérature française.
Les soussignés forment le vœu qu'il ne soit pas donné suite à ce projet, qui ne tarderait pas à mettre en péril les lettres nationales.[xvi]

Quant il rédigea son pamphlet, La réforme de l'orthographe. Lettre ouverte à M. le ministre de l'Instruction publique[xvii], Brunot était bien conscient de ce mouvement de résistance venu du monde littéraire et appuyé sur l'invocation toujours intimidante dans la culture française du sacrilège contre les grands écrivains. Pour réduire la portée de l'argument, il ne manque pas de collecter alors (les originaux se retrouvent dans ses papiers personnels sous forme de photographies ou de fac similés) des extraits d'illustres auteurs fondés sur les manuscrits ou les éditions originales pour souligner que la modernisation actuelle leur a fait prendre une physionomie graphique déjà radicalement différente de ce que eux-mêmes avaient écrit ou laissé imprimer sans qu'on n'y trouve plus à redire.

Pour sortir de l'impasse, le ministre J.B. Bienvenu-Martin nomme une nouvelle commission chargée de proposer des solutions acceptables par les deux camps. Présidée par Alfred Croiset, le doyen de la Faculté des lettres, elle comprend quatre anciens membres de la commission précédente, mais s'ouvre à l'opposition académique modérée en la personne d'Emile Faguet. Le rapport final est rédigé par Brunot en 1906. S'il est de ton plus modéré que la Lettre ouverte, pour ménager certains membres de la commission et les résistances académiques, il s'appuie sur les mêmes considérants sociaux et pédagogiques que ceux déjà rencontrés dans sa déposition devant la commission Ribot[xviii]. Il s'agit de rendre la lecture et l'écriture accessibles au plus grand nombre, sans vaines difficultés, au lieu de consommer un temps disproportionné à apprendre des graphies et des règles absurdes et injustifiables sinon par la routine:

“On oublie trop ce fait que, pour une portion considérable de la nation, le français n'est pas encore la langue maternelle, mais une langue acquisitive, que les enfants apprennent à l'école par les exercices oraux sans doute, mais aussi par la lecture. On oublie également que, pour tous ceux qui ne sont pas allés au delà de l'école primaire, une foule de mots restent inconnus; quand ces enfants devenus adultes, lisent les journaux, ces mots non entendus sont pour eux comme des mots étrangers, qu'ils lisent de la façon la plus baroque, parce qu'il les lisent comme ils sont écrits.
De ces barbarismes, les gens lettrés rient volontiers, sans se douter qu'ils en font eux-mêmes, et en quantité.” [xix]

Une deuxième considération, plus politique encore, est présentée dans la Lettre ouverte au ministre de l'Instruction publique. Pour Brunot, la langue française recule dans le monde parce que son orthographe difficile décourage les étrangers ou les habitants des colonies qui voudraient l'apprendre. Cet hermétisme profite donc aux autres langues plus simples.

Cette vision qui anticipe sur la francophonie ou sur la plus grande France est explicitée par un exemple parlant et pittoresque qui fleure bon le colonialisme de la Belle époque:

“Quelles réflexions peut se faire un jeune Annamite auquel on enseigne dans nos colonies que l'écriture est l'art de “retracer la parole “par des signes convenus” (Académie) et auquel on apprend que pour écrire oiseau, on emploie un o , un i , un s, un e, un a et un u, alors que pas un des sons ne se fait entendre dans le mot oiseau.”[xx]

Brunot s'appuie aussi sur l'histoire pour montrer que les conventions actuelles sont des inventions récentes et que leur respect ne s'est imposé en fait qu'au XIXe siècle sous la férule des lycées et collèges fondés par l'Empire et de leurs manuels. Il cite nombre de “grands écrivains” pris en flagrant délit d'ignorance et souligne à l'envi toutes les incohérences de nombreuses graphies adoptées tardivement certaines par pur pédantisme étymologique obsolète:

“Les signes de l'écriture sont des signes “convenus”. Ils ne sont point inhérents aux mots. Ils ont été changés tantôt par les scribes, tantôt par les imprimeurs, tantôt par les grammairiens, tantôt par l'Académie, tantôt par le public: une convention a commencé, une autre a continué, et puis une autre a succédé.” [xxi]

Ce que l'histoire récente a créé, l'histoire peut le changer pour peu que le pouvoir politique prenne ses responsabilités. Et là, de nouveau, Brunot invoque l'exemple de tous les régimes qui se sont attachés à faire du Français l'instrument de l'unité nationale. La République, en rompant avec l'arbitraire orthographique, parachèvera ce que la monarchie n'a pu faire puisqu'elle ne disposait pas de l'école et de la presse universelles: rendre la langue et l'écriture, facilitées par la réforme, accessibles à tous. Elle améliorera ainsi l'unité nationale en supprimant le privilège des lettrés qui, eux, par la fréquentation prolongée de l'enseignement secondaire, peuvent maîtriser cette orthographe de classe, alors que le peuple n'y parvient pas ou l'oublie aussi vite qu'il l'a apprise et souffre ainsi d'un handicap permanent dans le maniement de l'écrit ou même de la prononciation correcte de ce qu'il lit. On voit que ce programme modernisateur dépasse largement son aspect technique. Il s'agit de rendre le Français transparent à tous, lecture et écriture, pour fonder une communauté nationale sans barrière culturelle. Quand Brunot va au-delà des positions de compromis de la commission, il rêve même de la création d'une graphie scientifique, de type phonétique, et dont les principes de juste prononciation seraient établis à partir d'enquêtes phonographiques sur le bon usage afin d'éviter les décalages constants entre une écriture qui fige des usages anciens et les prononciations admises par le plus grand nombre. Brunot fournit même une version rectifiée de Booz endormi dans la nouvelle orthographe pour démontrer qu'elle est parfaitement accessible au lecteur habitué à l'orthographe traditionnelle[xxii].

Féru de littérature française, notamment du XIXe siècle, dont il appréciait qu'elle ait enrichi une langue appauvrie par un classicisme figé, Brunot invoque trois arguments contre la mobilisation des lettrés. Par définition, toute réforme bouscule quelques habitudes, mais la société moderne et l'intérêt national l'exigent[xxiii]. Les lettrés sont enfermés dans leur monde privilégié et oublient les nouvelles couches qui ont accès à l'instruction et doivent, elles aussi, partager cette littérature mais au moindre coût, faute de temps. Enfin, d'autres groupes tout aussi dignes d'intérêt que les écrivains se mobilisent pour cette réforme: l'Alliance française qui accroît le rayonnement de la France dans le monde[xxiv], les professeurs de français à l'étranger qui le maintiennent dans les nouvelles générations[xxv], les instituteurs qui perdent des heures innombrables à rabâcher des règles absurdes au détriment de l'enseignement, précisément, de la vraie culture fondée sur l'intelligence et le raisonnement[xxvi]. La langue est une affaire nationale dont l'Etat est responsable au même titre que les poids et mesures et il est de son devoir de passer outre aux conservatismes, qu'ils émanent de l'Académie française ou des littérateurs en général:

“Là où cela est faisable, autant que cela est faisable, il doit donc et à la langue et à la nation de faire la police de notre idiome, comme il fait la police des poids et mesures. Une orthographe nationale a dit Gaston Paris, est une des formes de la vie publique.[xxvii]

Même les positions les plus modérées, adoptées par la commission, ne furent pas acceptées en haut lieu et Aristide Briand, le nouveau ministre, enterra le rapport qui d'ailleurs ne satisfaisait ni Brunot, ni les modérés, ni a fortiori les antimodernistes[xxviii].


III. DEFENDRE LE FRANÇAIS POUR DEFENDRE LA PATRIE

L'engagement patriotique de Ferdinand Brunot est un fait ancien avéré puisqu'il adhère à la Ligue des patriotes et à l'Union patriotique du Rhône au moment où il est nommé maître de conférences à Lyon en 1883. Originaire de Saint-Dié, la ville de Jules Ferry, l'auteur de l'Histoire de la langue française a été marqué dans son enfance par la guerre franco-allemande, par l'occupation allemande qui suivit et par la proximité de la nouvelle frontière, la fameuse ligne bleue des Vosges. Ses positions sur l'enseignement secondaire et la réforme de l'orthographe sont justifiées, on l'a déjà vu, par des considérations autant patriotiques que sociales. Il s'agit de faire partager au plus grand nombre la même culture pour renforcer l'unité nationale. La langue et la littérature que celle-ci illustre sont aussi des armes du combat patriotique pour la grandeur française.

Appartenant à une génération qui a échappé au devoir militaire (il n'a que dix ans à la déclaration de guerre en 1870), confronté à l'essor d'un nationalisme militariste au moment de l'affaire Dreyfus, Brunot vit la montée des périls à partir de la crise marocaine au moment où les idées de réforme qu'il défend sont battues en brèche par une forte réaction conservatrice tant culturelle que nationaliste. Face à ce mouvement en arrière chez une partie des lettrés et des universitaires qui contredit l'optimisme qu'il affichait au début du siècle, déçu par la pusillanimité des gouvernements radicaux qui l'avaient pourtant sollicité comme conseiller, Brunot continue sans se décourager son combat permanent pour ce qu'il pense être le progrès et le bien de la France. Il a déjà été beaucoup écrit sur cette querelle de la Nouvelle Sorbonne, sur la campagne d'Agathon autour de la crise du français et de la germanisation de l'Université[xxix]. Mais l'étude a toujours été faite à partir du point de vue des assaillants. Grâce à la consultation des dossiers conservés par Ferdinand Brunot déposés dans ses papiers personnels à la Bibliothèque de l'Institut, on peut rétablir la perspective inverse, celle des défenseurs de la Nouvelle Sorbonne, trop souvent caricaturés par leurs successeurs même universitaires alors que les héritiers des écrivains ou des courants politiques à l'origine de la campagne ont pieusement entretenu le souvenir de cette bataille comme d'une victoire essentielle de l'intelligence et de la culture françaises[xxx].

Comme on le sait la querelle de la nouvelle Sorbonne débute au moment où le gouvernement publie des décrets accordant l'équivalence du baccalauréat pour l'inscription dans les facultés des lettres et de sciences à des diplômes sans latin le 28 avril 1910. Se mêlent ainsi deux débats que souligne le sous-titre même du livre qu'Henri Massis et Alfred de Tarde tireront de la série d'articles publiés en juillet-août 1910 sous le pseudonyme commun d'Agathon: celui sur la perte de la vocation littéraire de la Sorbonne et celui sur la nocivité de l'abolition des barrières fondées sur le latin qui ne peut qu'aggraver l'involution de l'enseignement supérieur rénové vers l'érudition mécanique et la spécialisation, à mesure que les étudiant(e)s seront issus des filières sans latin. Brunot n'est pas partie prenante lors des débuts de la querelle où les premiers professeurs à répondre aux attaques d'Agathon sont Lavisse (21 août 1910), Faguet (15 septembre), le doyen Alfred Croiset (5 novembre), Alphonse Aulard (23 novembre), Célestin Bouglé (29 novembre). Il s'agit des professeurs les plus connus du grand public ou les plus “politiques” qui collaborent régulièrement à la grande presse[xxxi]. Brunot, lui, ne se mobilise qu'en janvier 1911 en publiant un article de revue intitulé “La crise du français”[xxxii]. Il réagit ainsi à la seconde phase de la polémique relancée par le fait qu'en octobre 1910 le ministre de la Guerre remet en cause les points supplémentaires accordés aux titulaires d'un baccalauréat comportant l'enseignement du latin pour l'entrée à l'Ecole polytechnique. Le point de départ est la protestation du président du comité des forges, lui-même ancien élève de l'Ecole polytechnique, Florent Guillain. Cette querelle apparemment technique permettait de revenir sur les effets supposés de la réforme de 1902 qui aurait affaibli les études littéraires, ce que laisseraient apparaître les résultats déclinants des concours. Les adversaires qui s'étaient affrontés lors de l'Enquête sur l'enseignement secondaire retrouvaient ainsi l'occasion d'échanger à nouveau leurs arguments. Fervent tenant des modernes à l'époque, Brunot ne pouvait manquer l'occasion de remonter au créneau. Partant de la protestation de Guillain, il ironise sur le raisonnement arithmétique qui le sous-tend. En 1910, il est mathématiquement impossible qu'un élève formé dans le nouveau cadre défini en 1902 soit déjà ingénieur de l'Etat compte tenu de la durée des études[xxxiii]. L'argument invoqué par Guillain d'un déclin du niveau de langue des ingénieurs faute d'une bonne culture humaniste ne traduit qu'un préjugé arbitraire et une incapacité inquiétante de celui-ci à savoir calculer, ce qui est pour le moins fâcheux de la part d'un ancien polytechnicien. Face aux détracteurs de la Sorbonne qui se drapent dans la défense du français classique fondé sur les humanités anciennes, Brunot souligne que ce sont les facultés des lettres les meilleures propagatrices de cette langue depuis qu'elles attirent des étudiants du monde entier, ce qui est une preuve de la valeur de leur enseignement:

“On ne prétend pas, je suppose, que le français ait perdu de son prestige au dehors. Il y a longtemps que ce prestige n'avait été aussi grand. Le génie de la race nous fait regagner d'un côté le terrain que des causes économiques et politiques nous enlèvent d'un autre. Et si une part de cette belle victoire, la plus grande, est due aux lettres françaises, une autre appartient au personnel enseignant. L'Alliance française, l'Université de Grenoble, celle de Nancy, la Sorbonne, l'odieuse Sorbonne, ont su faire retrouver à des hommes de tous pays les routes qui mènent en France, en particulier celle de la montagne autour de laquelle la foule du moyen âge se rangeait par nations, et elles ont ainsi plus fait pour la langue française que ceux qui crient au monde son irrémédiable décadence. (…) Malgré les injures de ceux qui croient rétablir la grandeur nationale en couvrant de boue quiconque ne partage point leur opinion politique, quels que soient d'ailleurs les services rendus, les ouvriers, je le sais, ne sont pas près de quitter leur œuvre. Bientôt, au contraire, une grande Ecole supérieure de langue française s'ouvrira à Paris même, où la semeuse éternelle jettera une fois encore sous le ciel clair la graine féconde.[xxxiv]"

Ce ton patriotique trahit certes l'atmosphère si particulière de ces années mais aussi le lien essentiel que Brunot établit entre son travail d'universitaire et l'engagement au service des intérêts de la France. Il ne supporte donc pas ces attaques des nationalistes qui se contentent de dénigrer leur pays et ses institutions les plus modernes au nom de combats passéistes qui jouent contre l'image internationale de leur pays et visent au repli frileux sur la tradition[xxxv].

Mais la querelle politique contre la Nouvelle Sorbonne est aussi une querelle sociale qui recoupe là aussi les combats antérieurs de Brunot. Sous couvert d'attaques sur le germanisme et le déclin du latin, c'est une entreprise de réaction sociale face aux réformes antérieures que Brunot identifie. C'est pourquoi il élargit sa réponse en réactivant une association qu'il avait fondée à la veille de la réforme de 1902, la Société des amis de l'éducation moderne. Dans son discours à l'assemblée générale du 19 mars 1911, il définit ainsi les enjeux de la polémique des mois précédents:

“Les mots de tradition française, de culture française sont de ceux-là. L'imprécision même des idées qu'ils contiennent les rendent d'autant plus redoutables; s'ils éclairent peu l'esprit, ils retentissent puissamment dans le cœur. L'amour du Français se confond presque avec l'amour de la France. Dire que le Français était en péril, c'était une façon de déclarer la patrie en danger, et vous savez de reste ce que des formules comme celles-là, font éclater de sentiments violents.”
“Je veux même oublier qu'en défendant l'ancien plan d'études, plusieurs n'ont eu, en réalité pour objet que de conserver au groupe social auquel ils appartiennent, le monopole de certaines carrières considérées comme les plus honorables et les plus avantageuses. Il reste que dans l'Université et hors d'elle, on est parvenu à créer une certaine inquiétude sur les dangers que courait la culture française.[xxxvi]

La mobilisation des partisans de la culture classique et du rejet des réformes de 1902 s'amplifie au cours des polémiques qui marquent le printemps 1911. Une première ligue est fondée par Eugène Montfort au mois de mai 1911 sous la présidence d'Anatole France. Une seconde plus radicale, La ligue «Pour la culture française» dont Massis et de Tarde, le véritable Agathon, sont les secrétaires et Jean Richepin l'académicien, le président, voit le jour peu après. On croit assister alors à une sorte de répétition de la guerre des ligues de l'affaire Dreyfus. L'ancien dreyfusard Brunot s'en prend violemment à cette ligue homologue de la Ligue de la Patrie française de 1899, dans un article du 13 juin publié dans L'Action sous le titre «la ligue des fils de famille». Il la signe symboliquement et ironiquement C. Gracchus.

Dans la deuxième quinzaine de juin, il rédige un manifeste, reproduit dans de nombreuses circulaires diffusées à ceux qui partagent ses convictions, son association, des universitaires réformateurs, des professeurs de langues des lycées, des membres de l'enseignement primaire et primaire supérieur mobilisés par l'intermédiaire du journal Le Réformiste, animé par Jean Barès qui avait soutenu sa croisade pour la réforme de l'orthographe ou des réseaux d'amicales d'instituteurs. Comme le firent les animateurs des campagnes de pétitions dreyfusardes, Brunot et ses premiers soutiens dressent les listes de sympathisants potentiels. Ils se fondent sur les réponses des universitaires connus pour leurs positions «modernes» par l'enquête de 1899 ou sur les réseaux ou catégories qui partagent les mêmes convictions et luttent pour la fin des privilèges des langues anciennes notamment dans l'enseignement primaire[xxxvii]. Certains noms connus manquent toutefois à l'appel comme Durkheim Meillet ou G. Milhaud qui marquent leur désaccord avec l'appel dans des lettres adressées à leur «collègue» Brunot. Quand une liste suffisante de signataires est rassemblée, on les convoque à une première réunion le samedi 1er juillet 1911 au café Voltaire, place de l'Odéon. La nouvelle association, Les amis du français et de la culture moderne, présidée par Brunot a adopté le texte d'un appel où l'on reconnaît sans peine toutes les idées déjà évoquées de ce derniermais exprimées sur un ton plus défensif face à l'offensive des classiques:

«Les Amis du français et de la culture moderne,
Ecartent toute pensée d'hostilité contre la culture latine, à laquelle ils estiment qu'une place doit appartenir dans la formation de la jeunesse. Ils verraient même avec plaisir instituer une culture grecque véritable.
Mais ils rappellent que la culture latine est donnée dans trois sections de l'enseignement secondaire sur quatre et ils refusent de considérer cette culture comme la seule possible et la seule efficace.
Ils estiment même qu'elle ne présente plus sur les autres formes de culture aucune supériorité qui puisse lui assurer un privilège quelconque.
Ils protestent contre le préjugé que seule l'étude du latin peut permettre d'arriver à la possession complète du français.
Ils sont persuadés au contraire que la vieille méthode indirecte qui prétend enseigner le français à travers le latin, si elle peut donner des résultats à condition d'être appliquée pendant de longues années, demeure dans la plupart des cas insuffisante et inefficace, qu'elle empêche le développement de méthodes infiniment supérieures, qui consistent à enseigner le français par lui-même et pour lui même, et retard la création sin nécessaire des humanités françaises.
Ils signalent les résultats excellents et incontestables obtenus dans l'enseignement primaire et secondaire non latin des garçons et des jeunes filles.
Ils en appellent aussi et surtout au témoignage de tant d'hommes ou de femmes de talent qui, sans culture latine, ont été l'honneur des lettres françaises.
En conséquence ils demandent aux pouvoir publics de ne pas suivre dans une réaction injustifiée ceux qui, sans même attendre les résultats de la réforme de 1902, refusent, sous prétexte de sauver la culture française, de laisser plus longtemps à l'histoire, aux langues vivantes et aux sciences leur place légitime dans le développement des esprit,
Veulent restaurer le monopole du latin et fermer à tous ceux qui n'auront pas fait d'études latines l'accès des Facultés et des carrières libérales,
S'efforcent sans souci des goûts et des besoins de la société moderne, de ramener l'éducation nationale aux programmes de 1860 au risque de porter à la culture et aux intérêts français un coup funeste,
Font enfin à notre langue dans le travail de tant de générations, le génie de tant d'écrivains ont définitivement assuré l'indépendance, l'injure de lier sa destinée à celle d'un idiome mort depuis quinze siècles[xxxviii]".

Une liste de 115 noms suit ce manifeste, bientôt amplifiée par d'autres adhésions au cours du mois de juillet[xxxix].Cette guerre des manifestes et des ligues est abondamment relayée par la presse qui y trouve une manne inespérée pour prolonger la querelle de la Nouvelle Sorbonne, recueillir interviews et contre interviews ou lettres et réponses des principaux protagonistes[xl]. Brunot se trouve ainsi de par ses responsabilités associatives en première ligne et polémique abondamment contre le camp adverse et notamment Agathon, accusé de faire le jeu de l'Allemagne dans un article paru le 20 août 1911 dans Le Siècle intitulé «Nos bons chauvins». Alfred de Tarde y répond dans le journal de droite l'Eclair dans «Classiques et modernes» le 30 août, et ainsi de suite[xli].


CONCLUSION

Au-delà de ces années particulièrement conflictuelles, Brunot continue de défendre ses positions modernes mais ses nouvelles fonctions (maire du 14e arrondissement à partir de 1910, doyen de la Sorbonne à partir de 1919, membre de l'Académie des inscriptions en 1925) et surtout le travail démesuré que lui demande son Histoire de la langue française dont chaque nouveau volume est plus long que prévu et plus ample que le tome précédent réduisent le temps disponible à un engagement intense. Probablement déçu par l'enlisement de certaines réformes qu'il avait soutenues au temps du Bloc des gauches et persuadé du manque de courage des hommes politiques en matière pédagogique et linguistique, tout se passe comme si son combat pour la modernité se centrait à présent sur le pouvoir universitaire ou le pouvoir local au nom du pragmatisme, de l'efficacité et de la vanité de ces grandes querelles rhétoriques où s'échangent éternellement les mêmes arguments et les mêmes préjugés où s'expriment avant tout les inconscients de classe, au double sens du terme.

Au-delà de la période sur laquelle nous avons centré l'étude, Brunot a tout de même dû être confirmé dans ses certitudes fondées sur une vision progressive de l'histoire: le rapprochement du primaire et du secondaire redevient d'actualité avec le mouvement des Compagnons de l'Université nouvelle après la guerre. La diffusion du français à l'étranger connaît un nouvel essor dans le cadre de la politique culturelle internationale de la France et de l'expansion de la Cité universitaire qu'il a contribué à fonder. Malgré la réforme restauratrice des langues anciennes de Léon Bérard directement issue du combat de 1911 contre la réforme de 1902, la cause moderne n'a cessé d'aller de l'avant jusqu'au ministère Jean Zay moment où Brunot disparaît sans avoir connu, heureusement pour lui, le désastre final du régime pour lequel il s'était tant battu.



Premier signataires de la pétition des amis du français et de la culture moderne

(juillet 1911).

Alekan[xlii] professeur au lycée Buffon,V. Basch, professeur à la Faculté des lettres de Paris, L. Balzagette, homme de lettres, Henri Bérenger, homme de lettres, Dr Bernheim, professeur honoraire à la Faculté de médecine de Nancy, Bertaux, professeur agrégé d'allemand, Besnard secrétaire de la Mission laïque,Bevenne, professeur au lycée Buffon, Billaz, professeur au lycée Buffon, Bony, inspecteur primaire à Paris,E. Bourgin, professeur au lycée Voltaire, Brucker professeur au lycée de Versailles, F. Brunot, professeur à la Faculté des lettres de Paris,Clément professeur à la Faculté des lettres de Lille,Coulom, directeur de l'Ecole Turgot,Couyba, sénateur, Croiset, Doyen de la Faculté des lettres de Paris, Denoix, sénateur, L. Descaves, homme de lettres, Droin, professeur au lycée Buffon,Esmonin, professeur agrégé d'histoire,Fleurent, Docteur ès sciences, professeur à l'Ecole des Arts-et-Métiers, Fournière, maître de conférence à l'Ecole polytechnique,L. Frapié, homme de lettres, Frey, professeur au lycée Michelet, Godart, professeur au lycée Condorcet, Gourio[xliii], professeur au lycée Buffon, Grévy, professeur agrégé de l'Université,Gromaire, professeur au lycée Buffon, Hadamard, professeur à la Faculté des sciences de Paris, Hanns[xliv], professeur au collège Rollin, Hauvette, professeur à la Faculté des lettres de Paris,Laclef, président de l'Association des Inspecteurs primaires et des Directeurs d'Ecoles Normales, Langevin, professeur au Collège de France, Ch. V. Langlois, professeur à la Faculté des lettres de Paris, Lanson, professeur à la Faculté des lettres de Paris, Lapicque, professeur au Museum d'histoire naturelle, V. Litschfousse, homme de lettres, Mähl, ingénieur,

Marotte, professeur au lycée Charlemagne, Matruchot, professeur à la Faculté des sciences de Paris, Métin, député, Mornet, professeur au lycée Louis-le-Grand, Noblan[xlv], professeur au lycée Voltaire, Paoli, professeur au lycée Louis-le-Grand, Perrin, professeur à la Faculté des sciences de Paris, Poinsot, homme de lettres, Mme Poinsot[xlvi], professeur, Rancès[xlvii], membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique, Risson, membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique, Rosenthal, professeur au lycée Louis-le-Grand, Th. Rosset, professeur à la faculté des lettres de Grenoble, Roubaudi, professeur agrégé de l'Université, J. Royère, homme de lettres, directeur de la Phalange, Rudler, professeur au lycée Louis-le-Grand, Schlienger, professeur au lycée Janson de Sailly,Schmitt, professeur au lycée Louis-le-Grand, Spire, homme de lettres, Sudre, professeur au lycée Louis-le-Grand, Talut[xlviii] professeur au lycée Charlemagne, Albert Thomas, député,Toutey, inspecteur primaire, Varton, homme de lettres, Weil, professeur au lycée d'Orléans,L. Weill professeur au lycée Louis-le-Grand, Melle Weiler[xlix], professeur au lycée Racine, L. Werth, homme de lettres.

2°)Seconde liste complémentaire (lettres manuscrites):

Bernède, sous-chef à la Banque de France,V. Basch, Aimé Cotton, maîtres de conférences ENS, Léopold Sudre, professeur Louis-le-Grand, St Cloud, Ferdinand Lot, L. Bertrand, député, René Maire, professeur à la Faculté des sciences Alger, L. Cazamian, maître de conférences à la Faculté des lettres de Paris, Debidour, professeur à la Faculté des lettres de Paris, inspecteur général honoraire de l'Instruction publique, E. de Martonne, F. Gaiffe, professeur au lycée Carnot, J. Kont, chargé de cours à la Faculté des lettres de Paris, Francis Vielé-Griffin

G. Goujon, surveillant général ENS ST Cloud, Edouard P?? inspecteur général de l'IP, G. Darboux, professeur à la Faculté des sciences Marseille, Alfred Roussy, docteur en médecine Marseille.

3°)Ajouts manuscrits sur la liste imprimée:

Andler, Appell, J. Barès, Chamard, Delobel, Léon Paul Fargue, homme de lettres, Ferdinand Hérold, homme de lettres, Lévy-Bruhl, Georges Perin, homme de lettres, Seignobos, Viélé Griffin, M. Ray, homme de lettres, K Solomou, Albert Thibaudet, homme de lettres, Delobel, Cazamian, Dr V. Morax, ophtalmologiste Lariboisière, E. Rist, médecin Laënnec, Prudhommeaux, Docteurr ès lettres de l'Université, Yvon, agrégé Lakanal, Dr R.Sorel, Dijon, Barrier, agrégé lycée Marseille, Berhneim, lycée Charlemagne, Le Monnier professeur fac des sc Nancy, Aulard, Faculté des lettres de Paris, Camille Bloch chargé de conférences à la Faculté des lettres de Paris, Lichtenberger, prof Faculté des lettres de Paris, E. Kahn prof agrégé Ecole Arago, Gaiffe, lycée Carnot.

Adhésions tardives: Charles Rist (17 juillet 1911), Ch. Cestre, Dulac (Lyon).

Ont refusé de signer: Antoine Meillet (Collège de France), Emile Durkheim (Faculté des lettres), G. Milhaud (Faculté des lettres).

Source: Bibliothèque de l'Institut, Papiers Brunot MS 7787



[i] Jean-Claude Chevalier, “L'Histoire de la langue française de Ferdinand Brunot”, in P. Nora (dir.), Les lieux de mémoire. III Les France 2 Traditions, Paris, Gallimard, 1992, pp. 421-459.

[ii] «Hommage à Ferdinand Brunot», Annales de l'Université de Paris, tome 31, n°2, 1961, p. 161.

[iii] Ch. Péguy, “Un nouveau théologien: Fernand Laudet”, Cahiers de la Quinzaine, 2è cahier de la 12è série, 24 septembre 1911, in Œuvres en prose 1909-1914, Paris, Gallimard, Pléiade, 1961, p. 1002.

[iv] Enquête parlementaire sur l'enseignement secondaire, p. 364.

[v] “Projet de réforme de l'agrégation de grammaire”, Revue universitaire 1896, 1, p. 17-29 et “Rapport sur le concours de l'agrégation de grammaire”, Revue universitaire, 1900, 1, pp. 438-448.

[vi] Enquête, op. cit., p. 365.

[vii] Enquête, op. cit., p. 366.

[viii] Y. Verneuil, Les agrégés. Histoire d'une exception française, Paris, Belin, 2005, p. 101 et s.

[ix] Enquête, op. cit., p. 367.

[x] Ibid., p. 367.

[xi] Ibid., p. 368.

[xii] Ibid., p. 369.

[xiii] Ibid., p. 371.

[xiv] J. Jolly, dir., Dictionnaire des parlementaires français, Paris, PUF, 1963, tome 3, p. 875 et p. 1134.

[xv] Monika Keller, La réforme de l'orthographe. Un siècle de débats et de querelles, Paris, Conseil international de la langue française, 1999, pp. 72-80.

[xvi] Revue bleue, 18 février 1905, p. 203; autres listes: 25 février 1905, 4 mars 1905 et 11 mars 1905 .

[xvii] Paris, A. Colin, 1905, 72 pages.

[xviii] Une copie du rapport se trouve dans les Papiers Brunot déposés à l'Institut (MS 7786). Brunot dans un passage de sa déposition abordait la question de la réforme de l'orthographe: “Cette culture latine n'a-t-elle été pour notre langue que profit. J'en doute fort. On oublie qu'elle nous a donné une orthographe qui est un malheur national, qui est un obstacle invincible au progrès de l'enseignement primaire et à la diffusion de notre langue à l'étranger.” (p. 369).

[xix] Rapport présenté au nom de la commission chargée de préparer un arrêté relatif à la simplification de l'orthographe (Direction de l'enseignement primaire 2è bureau), p. 3.

[xx] Rapport cité, p. 4.

[xxi] La réforme de l'orthographe, op. cit., p. 29.

[xxii] Rapport cité, p. 65.

[xxiii] “Si le repos de la “république des lettres”doit être troublé, parce qu'on écrira veu ainsi qu'aveu, euf comme neuf, seur comme douceur, téorie comme trône ou comme <i>colère, frénologie comme frénésie, c'est que ce repos qu'on veut n'est plus la paix, mais la mort.” La réforme de l'orthographe, op. cit.,p. 43.

[xxiv] La réforme de l'orthographe, op. cit.,p. 18.

[xxv] La réforme de l'orthographe, op. cit.,p. 63.

[xxvi] “Comme tout y est illogique, contradictoire, que, à peu près seule, la mémoire visuelle s'y exerce, il oblitère la faculté de raisonnement, pour tout dire, il abêtit.” La réforme de l'orthographe, op. cit., p. 7.

[xxvii] La réforme de l'orthographe, op. cit.,p. 19.

[xxviii] M. Keller, op. cit., p.85.

[xxix] Agathon, L'Esprit de la Nouvelle Sorbonne. La crise de la culture classique. La crise du français, Paris, Mercure de France, 1911. Brunot y est mis en cause p. 49 et 130. Voir aussi H. Massis, Evocations. Souvenirs 1905-1911, Paris, Plon, 1931, ch. VIII où Brunot est accusé de «socialisme grammatical».

[xxx] Ainsi J. Robichez qui préface l'ouvrage très complet et nuancé de Claire Françoise Bompaire-Evesque, Un débat sur l'Université au temps de la troisième République. La lutte contre la nouvelle Sorbonne, Paris, Aux amateurs de Livre, 1988, reprend purement et simplement les attaques outrancières de Massis contre Brunot en caricaturant ses positions: “Pour ou contre le latin, des ligues se créent, non sans arrière-pensées politiques: la culture moderne recrute ses défenseurs dans l'électorat de gauche, le latin est réactionnaire, bourgeois et clérical (…) Ferdinand Brunot, pour mieux l'accabler, l'attaque aussi sur le plan scientifique au mépris des évidences les plus aveuglantes.” (p. 11).

[xxxi] C.F. Bompaire-Evesque, op. cit., pp. 92-95: Faguet et Lavisse sont membres de l'Académie française, Aulard occupe la chaire la plus en vue d'histoire de la Révolution française et est proche des radicaux, Bouglé écrit régulièrement dans le grand journal radical La Dépêche de Toulouse.

[xxxii] “La crise du français”, Revue hebdomadaire, 17 janvier 1911 p. 160-176 et 21 janvier 1911 pp. 304-326.

[xxxiii] Lanson développe le même raisonnement dans la Revue bleue du 24 décembre (texte repris partiellement dans Agathon, op. cit., p. 335-36) avec la réponse de C. Colson, membre de l'Institut, conseiller d'Etat, ingénieur des ponts et chaussées qui affirme que ce n'est pas la réforme de 1902 qui est visée mais l'ensemble des mesures qui depuis 1880 ont fait reculer les études classiques. L'objectif réactionnaire est bien avoué (pp. 336-342).

[xxxiv] F. Brunot, art. cit., p. 163-64.

[xxxv] Agathon déplore en effet que la Sorbonne soit devenue une tour de Babel: «je ne sais si l'on ne doit pas préférer l'ancienne Sorbonne, où quelques fervents venaient s'instruire, à cette tour de Babel moderne, où se bousculent des étrangers de toute langue, qu'on attire, qu'on flatte et qu'on séduit, foule cosmopolite au milieu de quoi les étudiants français désorientés, perdus, ne se sentent plus chez eux.» (op. cit., p. 204).

[xxxvi] Discours cité p. 2, in Papiers Brunot MS 7787 Bibliothèque de l'Institut.

[xxxvii] Document manuscrit conservé dans le même dossier MS 7787:«projet de signatures: Education moderne, Saint Cloud, prof Ec normale, insp primaire, langues vivantes, langues méridionales, La Phalange (hommes de lettres), ancien[nes] él[èves] Sèvres, Rosset, Elbel, Mornet, Rudler, Gaffiot, sciences Brücker, Sorb[onne] Aulard, Seignobos, Lanson Durk[heim], Bouglé, Andler, Basch, Lichtenb[erger], Lapicque, Muséum, Gley, Coll[ège de France].

Noms favorables extraits de l']enquête de 1900: Buisson, Fernet, G. Blondel, ch[ambre] de commerce Angoulême, Armentières, Bourges, Dieppe, Bordeaux, Elbeuf, Chailley-Bert, prof Ecole des sc[iences] pol[itiques], Ch[ambre] de commerce Rouen, Lille, Lyon, Paris, Pinloche, Foncin, S. Rocheblave, Dr Bouchard (me Ac[adémie de] méd[ecine]), Ducrocq prof fac droit Paris, Mercadier Ec[ole] polyt[echnique]; Buquet Dir Ec[ole] Centrale, J. Gautier, Aubert prof Charlemagne, Morel, Lakanal, Boudhors, Henri IV, Beck, Ecole alsacienne». (Nous avons restitué entre crochets pour la clarté les mots abrégés dans l'original manuscrit).

[xxxviii] Le manifeste est publié dans Le Temps le 17 juillet 1911 et dans Le Siècle, le 21 juillet.

[xxxix] MS 7887. Voir l'annexe.

[xl] C.F. Bompaire-Evesque, op. cit., pp. 170-206 en fait la chronique détaillée qu'il est inutile de refaire ici.

[xli] Tous ces articles figurent, avec d'autres, dans les dossiers constitués par Brunot et conservés dans MS 7887 (Bibliothèque de l'Institut). Voir aussi F. Brunot,“Le mal latin”, La Phalange, t. XI, 20 août 1911, pp. 97-113 et réponse à Albert de Bersaucourt, ibid. t. XI, 20 septembre 1911, pp. 211-216.

[xlii] Allemand.

[xliii] Anglais.

[xliv] Allemand.

[xlv] Anglais.

[xlvi] Diplômé Ecole des langues orientales, 2 rue Malebranche.

[xlvii] Anglais, agrégé lycée Condorcet.

[xlviii] Espagnol.

[xlix] Allemand.



Christophe Charle

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Dernière mise à jour de cette page le 7 Octobre 2005 à 10h38.