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Achever Bérénice : Corneille, Racine et Brasillach

par Marc Escola et Bénédicte Louvat


Dossiers Théâtre, Politique




Achever Bérénice
Corneille, Racine et Brasillach


De 1937 à 1938, Brasillach s'est voué à l'œuvre de Corneille, en imaginant d'abord un cycle de conférences qui devaient être accompagnées de représentations d'extraits de pièces et faire la part belle à des œuvres alors négligées; un extrait de Notre avant-guerre (1941) donne un témoignage de l'enthousiasme du conférencier:

Nous répétions pendant des soirées entières les pièces les moins connues, parfois les plus belles, le grave et merveilleux Suréna, et Tite et Bérénice, et Attila, et nous montions un acte de Nicomède dans un décor arabe, et la scène centrale de Sertorius, en chemises noires fascistes […][i].

Le cycle, organisé dans la Salle des Sociétés savantes, fut très vite interrompu par la mort, en février 1938, de la fondatrice de la Société de Conférences «Rive gauche» à laquelle Brasillach collaborait, mais ces conférences furent pour l'auteur une sorte de prélude à l'ouvrage publié très vite ensuite sous le titre de Corneille et qui constitue, avec celui de Schlumberger, l'une des toutes premières lectures de l'ensemble de l'œuvre du dramaturge.


Dans les pages consacrées à Tite et Bérénice, il tentait alors de manifester sa préférence pour la version cornélienne et notamment pour le traitement réservé par Corneille au personnage de Titus. Pourtant, deux ans plus tard à peine, c'est apparemment au seul texte de Racine que songe Brasillach lorsqu'il entreprend de rédiger, durant sa période de captivité de l'été 1940 dans un Frontstalag alsacien, une Bérénice en cinq actes[ii]. Le privilège accordé à Racine est patent au vu de la distribution, qui convoque Antiochus aux côtés des deux protagonistes flanqués de leurs confidents raciniens, Phénice et Paulin, comme à la lecture de la didascalie initiale qui précise que «la scène, ainsi que le dit Racine, est à Rome, “dans un cabinet qui est entre l'appartement de Titus et celui de Bérénice”.»[iii] Donner sa propre Bérénice, c'est sans doute pour Brasillach rivaliser avec les deux dramaturges classiques; mais c'est aussi pour le champion de Corneille rejouer quelque chose de la confrontation des deux, quitte à brouiller le parallèle.


On devine cependant que le projet même d'une «Bérénice 1940» ne relève pas seulement pour Brasillach d'une ambition esthétique, mais qu'il engage des préoccupations ouvertement idéologiques qui seraient, si l'on en croit une phrase du Journal d'un homme occupé (date?), très largement antérieures au livre sur Corneille et indépendantes de l'actualité immédiate: Brasillach en effet date de «son année de seconde», l'envie d'écrire une pièce sur Bérénice […] fondée sur les deux faits historiques que Bérénice était juive et qu'elle avait quatorze ans de plus que Titus. La fameuse rupture a été en somme la conclusion logique d'une liaison trop longue entre un Chéri et une Léa, en même temps qu'un drame de la race.[iv]


Cette brève réflexion opère un singulier déplacement, qui attache à Bérénice non plus la qualité de «reine », mais l'épithète de «juive», ramenant ce sujet à un «drame de la race». Pour spectaculaire qu'il soit, un tel déplacement n'est possible qu'au prix de deux glissements moins sensibles: de la «fameuse» légende vers deux éléments historiques négligés par Racine et Corneille (qui n'exploitent pas davantage la différence d'âge que la religion de Bérénice : il suffit qu'elle soit reine et étrangère); du théâtre classique vers le roman contemporain et l'un de ses thèmes privilégiés (l'amour d'un jeune homme pour une femme plus âgée que lui qu'illustre aussi en 1923 Le Diable au corps de Radiguet), soit: de Corneille et Racine vers Colette, dont le roman, paru en 1920, a probablement été lu par Brasillach au cours de cette année de seconde. Vue par Brasillach, l'histoire de Bérénice et Titus oppose non plus une «reine» étrangère et un empereur romain mais une vieille femme juive et un représentant encore jeune de la race des vainqueurs. On peut supposer que l'essentiel de l'effort hypertextuel devra porter sur la substitution à la fatalité politique mise en œuvre par Racine comme par Corneille, d'une nécessité d'un autre ordre et elle-même double puisqu'elle est à la fois sexuelle et raciale.


Si l'on ne saurait donc distinguer l'ambition esthétique du propos idéologique, on partira cependant d'un examen des enjeux proprement poétiques de cette «pièce sur Bérénice» qui est et n'est pas une troisième Bérénice.



Entrer dans le parallèle: Racine et Corneille


Le commentaire de Tite et Bérénice s'insère, dans le livre sur Corneille de 1938, dans l'un des nombreux passages que Brasillach consacre à la confrontation entre les deux dramaturges classiques. Le critique fait régulièrement valoir, contre la vulgate du temps, l'originalité chez Corneille d'une «tendresse virile», particulièrement sensible dans les dernières pièces, et qu'il juge supérieure à la tendresse «toujours assez fade» des héroïnes raciniennes[v]. La comédie héroïque de 1670 est ainsi l'occasion de confesser son goût pour la tendresse mélancolique dont Titus donne l'exemple; Brasillach n'instruit d'ailleurs le parallèle que sur le seul personnage de l'empereur:

[…] J'avoue que je ne puis préférer le Titus de Racine, qui parle toujours de se tuer et ne le fait jamais, et paraît pourtant si sec, au Titus de Corneille, tout aussi galant, tout aussi romanesque, mais dont le cœur me paraît si singulièrement désespéré et fataliste. […] Titus s'ennuie, la vie l'ennuie, rompre l'ennuie, le retour de Bérénice l'ennuie, il devient une image presque ridicule de l'homme que harasse une vieille maîtresse — mais il se plaît à attendre, il jouit de sa douleur, avec une conscience étonnante de poète du désespoir. […]. Il a la peur du bonheur, il a le goût de la malchance, comme un héros de roman russe. […] Certes, il y a dans la Bérénice de Racine des vers admirables, que n'oublieront jamais ceux qui sont sensibles à la pureté, à la cruauté, à la beauté. Mais serait-il tout à fait juste d'oublier pour eux les rêveries aussi pures, aussi cruelles, aussi belles, de Titus?

Ma raison s'en veut faire en vain un sacrifice
Tout me ramène ici, tout m'offre Bérénice;
Et même je ne sais par quel pressentiment
Je n'ai souffert personne en son appartement;
Mais depuis cet adieu, si cruel et si tendre,
Il est demeuré vide, et semble encor l'attendre.[vi]

Le commentaire sur la pièce reste cependant hâtif et se garde bien de confronter les deux sujets et d'évaluer les variantes. L'analyse, en réalité, reste de part en part commandée par le souvenir de la pièce de Racine et de sa fameuse préface, au point que Brasillach considère Suétone comme l'unique source des deux dramaturges, envisage ensuite le couple formé par Domitie et Domitian comme une «invention» de Corneille venant brouiller la belle simplicité de la formule latine invitus invitam dimisit[vii] et ne s'attache finalement, dans la version cornélienne, qu'au seul caractère de Tite — constamment baptisé Titus («le Titus de Corneille»)[viii]…


La pièce de Corneille n'est pourtant pas oubliée dans la Bérénice de 1940. Brasillach reverse localement, dans sa récriture de la pièce de Racine, le souvenir des deux tirades de Tite retenues dans le commentaire de 1938. En témoignent les regrets de Titus à l'acte III:

Pourquoi es-tu revenue? […] Maintenant, mon père mort, je pouvais spontanément et de moi-même oublier Bérénice. Reconquérir en un jour cette vie à moi, cette vie brève et unique, que j'ai peut-être gâchée dans les soucis des camps, l'obéissance filiale, les devoirs civiques et un immense et exigeant amour. Et la petite personne peinte reparaît pour jeter bas cet édifice d'espérance et pour ramener Titus aux ombres vacillantes de sa vingt-septième année.

Où l'on entend le Tite de Corneille, à la scène 5 de l'acte III (v.943-955):

Hélas, Madame, hélas, pourquoi vous ai-je vue,
Et dans quel contretemps êtes-vous revenue?
[…] Votre absence et le temps m'avaient fait quelque grâce
J'en craignais un peu moins les malheurs où je passe, […]
Et j'allais être heureux, du moins aux yeux de tous,
Autant qu'on le peut être en n'étant point à vous,
J'allais…

Le Titus de Brasillach et le Tite de Corneille ont encore mêmes soupirs à l'évocation de l'appartement laissé vide par le précédent départ de la reine de Césarée; ce sont dans Tite et Bérénice les vers déjà cités dans le Corneille:

Ma raison s'en veut faire en vain un sacrifice
Tout me ramène ici, tout m'offre Bérénice;
Et même je ne sais par quel pressentiment
Je n'ai souffert personne en son appartement;
Mais depuis cet adieu, si cruel et si tendre,
Il est demeuré vide, et semble encor l'attendre.

Et dans la pièce de 1940, cet échange entre Antiochus et Phénice (II,1):

Antiochus: […] Elle est revenue à l'appartement qu'elle occupait dans le palais, comme si elle ne l'avait jamais quitté.
Phénice: Elle a retrouvé tout en ordre. Tout était prêt. Tout l'attendait. Aucun meuble n'avait été seulement changé de place. Son parfum même y flottait encore. Je le sais. Nous le savons toutes.

Alors que le texte racinien est constamment supposé vif encore dans la mémoire du spectateur, Brasillach fait comme si la pièce de Corneille était assez oubliée pour que l'on puisse y puiser librement.


Mais pour qui connaît suffisamment la version cornélienne, il apparaît que Brasillach emprunte à Tite et Bérénice précisément le ressort qui fait la singularité de la comédie héroïque, à savoir le «retour» de Bérénice — élément capital que le critique avait pourtant négligé dans sa lecture de 1938: on sait que, fidèle à la version de Dion Cassius, Corneille dramatise le retour, au lendemain de la mort de Vespasien, de la reine qui avait été une première fois congédiée; c'est la seconde séparation des deux amants que Corneille porte à la scène. Le vieux dramaturge qui, en 1670, ignorait sans doute tout de la version concurrente, n'avait évidemment pas rapporté la rupture antérieure que présuppose ce retour de la reine à la crise racinienne. Brasillach, pour sa part, ne cesse de convoquer la pièce de Racine au titre de l'épisode originel de la légende. Mieux encore: en imaginant un second retour de Bérénice, il tente d'inscrire dans une sorte de succession non pas seulement sa pièce et celle de Racine mais les deux pièces classiques et la troisième Bérénice.



D'une Bérénice l'autre


Brasillach connaît sa poétique classique: respectueuse de l'unité de lieu et de la liaison des scènes, sa tragédie en cinq actes (et en prose) observe scrupuleusement l'unité de temps; commencée «au début de l'après-midi» et achevée « le lendemain matin avant midi », l'action représentée est entée sur une durée beaucoup plus longue, dont les personnages nous entretiennent régulièrement ; on apprend ainsi que la rencontre de Titus et Bérénice, au siège de Jérusalem, remonte à dix ans; qu'ils ont vécu trois ans de vie commune à Rome avant une première séparation imposée par Vespasien ; que Bérénice a tenté un premier retour un an avant le début de l'action pour se voir à nouveau exilée; que Vespasien enfin est mort depuis quinze jours, laissant à Titus tous les pouvoirs.


C'est donc un deuxième retour qui nous est annoncé à la fin du premier acte par l'empereur en personne. En dramatisant ainsi un second retour, dans une sorte de surenchère sur le retour cornélien, Brasillach peut tenter de placer les trois Bérénice dans une exacte succession. Dans la pièce de Racine en effet, la séparation intervient alors que Bérénice n'a pas quitté Rome, où elle a suivi Titus à la fin de la guerre; dans celle de Corneille, Bérénice revient au terme d'un premier exil imposé par Vespasien pour tenter en vain de reconquérir Titus: «où finit Bérénice commence Tite et Bérénice», selon le mot de Georges Forestier[ix]. C'est bien à l'une ou à l'autre de ces séparations et idéalement à la succession des deux que Brasillach nous laisse songer à chaque fois que se trouve mentionnées les ruptures antérieures, la première sept ans auparavant, la seconde l'année précédente.


Les premières mentions demeurent encore relativement allusives; ainsi, Paulin face à Phénice, à la scène 2 de l'acte I (qui, en amont de l'annonce du retour de Bérénice, constitue la vraie scène d'exposition): «Je sais ton histoire de belle étrangère, claquemurée dans le palais, renvoyée deux fois, absente des années, jamais oubliée, toujours accrochée à son princier amant. C'est une légende qu'on entretient.»; à l'acte II, Bérénice se laisse aller à cette évocation poétique de ses allers-retours, devant une Phénice pleine de révérence pour la légende des deux amants et qui va accéder progressivement au statut de confidente (c'est ici leur première entrevue):

Le retour de Bérénice, quelle nouvelle à annoncer par crieur, à la sortie des ateliers, dans les réunions de femmes! Je n'y suis pas insensible, sais-tu, à cette rumeur. J'ai trop pensé à mes deux départs, le premier, par une nuit pourrissante d'automne, mouillée de pluie tiède, de ces nuits où l'univers entier nous abandonne […]. Je partais, j'abandonnais ma vie, mon amour, ma jeunesse morte. Je regagnais les petites cours orientales, les confitures de roses, les femmes, le cumin et la laine brodée. C'était fini. Quelle affreuse nuit de déchéance! Et l'autre fois, c'était à mon premier retour, l'an dernier, un matin aigre de février, je m'en souviens. J'étais chassée, j'avais passé deux jours à Rome, j'avais à peine vu l'Empereur. C'était l'échec absolu, total, irrémédiable. Mais dans le vent frais, quel extraordinaire espoir de printemps, sur la route de l'exil, m'a saisie? Je me suis juré de revenir.

Mais c'est dans la scène unique de l'acte III, dans le long face à face des deux protagonistes, que la chronologie se trouve entièrement fixée; Titus peut ainsi dire à Bérénice, dont c'est pour lui la «troisième apparition»: «Lorsque je t'ai quittée pour la première fois, il y a sept ans, je suis entré dans un engourdissement merveilleux. Ton retour si bref, l'année passée, m'en a tiré à peine. Il n'était pas plus réel que ces rêves où tu m'apparaissais chaque nuit.»


Brasillach a tout fait pour que les deux séparations antérieures au temps de l'action représentée coïncident dans l'esprit du spectateur avec les deux Bérénices classiques: la première séparation serait celle traitée par Racine, la deuxième celle de Tite et Bérénice. Ainsi s'explique-t-on que Phénice puisse saluer l'entrée en scène d'Antiochus au début de l'acte II par cette citation fameuse, que les points de suspension laissent ouverte à toute la rumeur intertextuelle: «Dans l'Orient désert, quel devint votre ennui…» — rappel qui ne surprend en rien Antiochus[x] : «Je vois que vous êtes sensible à la légende de Bérénice.» Tout se passe comme si les personnages gardaient une exacte mémoire de « l'épisode » racinien.


La «légende» est apparemment bien antérieure au premier retour de Bérénice auquel Antiochus n'a pas été associé et qu'il semble même ignorer: c'est que Brasillach nous invite à rapporter ce premier retour non plus à la tragédie racinienne mais à l'action cornélienne, puisqu'il est dit que Bérénice a passé «deux jours» seulement à Rome l'année précédente — séjour à peine plus long que celui porté à la scène par Corneille dans Tite et Bérénice.


La «pièce sur Bérénice» à laquelle avait songé Brasillach semble donc se donner, en 1940, non pas comme une Bérénice mais comme une continuation des deux Bérénice antérieures: La Reine de Césarée (c'est le titre qui fut donné à la pièce de Brasillach par l'actrice Alice Cocéa lors de sa création en 1957) commencerait où finit Tite et Bérénice.


Or on ne saurait représenter à la suite Bérénice et Tite et Bérénice, en dépit de la formule fameuse de G. Forestier, et pas davantage la pièce de Brasillach à la suite de l'une, de l'autre ou des deux pièces classiques. En réalité, les trois dramaturges portent bien à la scène la même séparation, celle qui intervient après la mort de Vespasien, la seule susceptible de nourrir une tragédie et qui tient dans un «paradoxe» qui est le sujet même des deux pièces classiques: «c'est quand Titus peut tout qu'il congédie Bérénice»[xi]. Reste à savoir si c'est bien le sujet de la pièce de Brasillach.


Dans les trois pièces, l'action débute certes au même moment, soit: au lendemain de la mort de Vespasien.


— Chez Brasillach, Phénice à Paulin (I, 2):

[…] tu ne comprends pas ton Empereur, ton Maître, ton Chef, comme vous l'appelez. Tu ne saisis pas cette libération merveilleuse, quand le gros vieux s'en est allé, qu'on a eu fabriqué les derniers mots historiques, bien empaqueté les dernières cendres. Il est jeune encore, notre Empereur, il a assez vécu sous une étouffante dalle, et maintenant…

— Chez Racine, Arsace à Antiochus (I, 3, v. 55-60):

Titus, après huit jours d'une retraite austère,

Cesse enfin de pleurer Vespasien son père.

Cet amant se redonne aux soins de son amour ;

Et, si j'en crois, Seigneur, l'entretien de la cour,

Peut-être avant la nuit l'heureuse Bérénice

Change le nom de reine au nom d'impératrice.

— Chez Corneille, Plautine à Domitie (I, 1, v. 19-22):

Avant qu'il vous aimât, il aimait Bérénice,

Et s'il n'en put alors faire une impératrice,

À présent il est maître, et son père au tombeau

Ne peut plus le forcer d'éteindre un feu si beau.

Mais l'effet d'une première lecture, où l'on peut croire à une suite plutôt qu'à une récriture, tient précisément à la façon dont Brasillach nous laisse oublier que, chez Corneille comme chez Racine, c'est la mort de Vespasien qui fonde le sujet en plongeant d'abord Titus dans un dilemme authentique et en donnant ensuite à la séparation son caractère irrémédiable; en d'autres termes: on ne peut reconnaître dans les mentions qui sont faites des deux premières séparations les pièces respectives de Racine et Corneille qu'à condition de négliger leur ressort fondamental. Qu'à condition donc de concéder que ce ressort de nature politique n'est qu'un des ressorts possibles du sujet, qu'il est d'autres causes à l'ultime séparation des deux amants, et que c'est tout autre chose que le froid impératif de la vieille loi romaine qui se joue dans le destin de Titus et de Bérénice. Si tout l'effort de Brasillach comme des deux autres dramaturges vise à rendre définitive la séparation (fût-elle la troisième du genre), la pièce de 1940 ne peut passer pour une troisième Bérénice que si l'on considère que le sujet tient seulement dans le caractère irrémédiable de la séparation — quelle que soit la façon dont la rupture définitive se trouve motivée : peu importe au fond que Bérénice soit reine ou qu'elle soit juive. On approche ainsi de ce qui fait le vrai scandale de l'invention de Brasillach : il ne s'agit pas seulement d'accepter de croire que toutes les causalités se valent et que c'est toujours la même histoire qui se joue, mais d'entériner peu à peu l'idée que la causalité qui se substitue à la loi romaine est la seule qui soit véritablement transcendante.


On aurait donc tort de lire cette Bérénice comme l'élégant et inoffensif exercice d'un normalien qui connaît ses classiques[xii]. On verra que le jeu intertextuel est précisément ce par quoi Brasillach entend maquiller le propos antisémite.


Quels sont en effet dans la pièce de Brasillach les conséquences de la disparition de Vespasien? Elle n'est pas pour Titus l'occasion d'un dilemme où le nouvel empereur se trouverait directement confronté à l'impératif de la loi romaine, et n'aurait d'autre choix que de s'y soumettre en l'intériorisant ou de l'enfreindre à ses risques et périls : si l'idée d'une liberté retrouvée par Titus figure bien dans la brève réplique de Phénice plus haut citée (significativement interrompue par Paulin), elle ne joue ensuite aucun rôle fonctionnel. On montrera que la mort de Vespasien n'intéresse l'action dramatique à venir que dans la mesure où elle fonde la possibilité d'un ordre politique nouveau que préfigure le discours de Paulin au lever du rideau: «cet État neuf que nous voulons construire», et qui n'est rien d'autre que l'État fasciste.



Fascisme et romanesque


Sur quoi s'ouvre donc le rideau? Sur un entretien entre le nouvel empereur et un jeune chef des gardes belliciste qu'on peut croire son confident. Ce Paulin est d'emblée campé en «jeune milicien» botté auquel ne manque que la chemise noire et qui attend impatiemment du «vainqueur des Arabes et des Juifs» qu'il mène la jeunesse romaine vers une «grandeur» nouvelle. Mais le propos est aussitôt mis à distance et le personnage est tour à tour raillé par sa fiancée Phénice pour sa «jeunesse abstraite et impatiente» (I, 2; le mot est repris par Titus au début de la scène 3) et pour le «fameux réalisme de [sa] génération de petites brutes» (II, 2); par Antiochus pour son «ton furieux qui ne laisse point deviner la sérénité habituelle aux forts» (IV, 1); par Titus encore qui voit en lui «un drôle de petit personnage» (V, 2); et enfin par Bérénice au tout début de la scène capitale où Paulin cherche à la convaincre de renoncer à Titus: «Ne pense pas, petit Romain, me toucher avec tes grands mots.» (IV, 3). La raideur et l'excès du personnage sont d'autant plus sensibles qu'ils sont régulièrement confrontés à la sensibilité de Phénice, dans laquelle Paulin ne veut voir qu'une «modiste dans [sa] robe de quatre sous», une petite fille «sotte et romanesque», une de ces «ouvrières qui le soir […] se saoulent de quelque conte enluminé, avec de belles amours, de beaux personnages titrés, des couronnes délaissées, des pères intransigeants et des courtisanes mélancoliques» (I, 2). C'est cette même Phénice qui invite Bérénice à rester au nom de sa propre légende (II, 3), et qui prétend parler au nom de l'autre jeunesse romaine — au lendemain de l'annonce de la «nuit» partagée par les deux amants, elle peut ainsi dire à Paulin : «C'est moi qui ai gagné. C'est la vraie jeunesse romaine qui a gagné, contre les vieux dont tu es, avec ton moralisme de sénateur et tes préjugés.», IV, 2).


Il semble dès lors que l'ironie qui s'exerce sur le discours du jeune milicien a essentiellement pour fonction de valoriser, en contrepoint, le romanesque, naïvement assumé par Phénice au premier acte, mais tour à tour porté par les autres personnages, et tout particulièrement par les protagonistes. À l'exception de Paulin, tous les personnages voudraient faire triompher la tendresse, disent leur appétit de bonheur, et bénéficient à l'évidence de la sympathie du dramaturge. La victoire, certes provisoire, de Phénice, est bien celle de l'amour et de la légende sur le «réalisme» professé par Paulin à l'instar d'un nouvel Horace.


Car Brasillach projette manifestement sur le couple formé par Paulin et Phénice la thèse de 1938 d'un Corneille partagé entre la «tentation de la volonté» et la «tentation du romanesque», cette dernière ayant apparemment la faveur du critique; Phénice et Paulin, s'ils doivent leur nom à Racine, sont bien des personnages «cornéliens» — tels du moins qu'en eux-mêmes Brasillach les rêve. Il faut ici revenir à un passage du livre sur Corneille où l'opposition entre l'exaltation de la volonté et la tentation du romanesque est subtilement orchestrée pour voiler, par l'instabilité des postures énonciatives, l'ambiguïté de la position propre de Brasillach.

Il existe par le monde des êtres de fer, à qui l'exercice d'un pouvoir sans limites a donné une âme redoutable, parfois un cœur de tortionnaire, presque toujours une infaillibilité auprès de la quelle celle du pape n'est que doute, modestie et indécision. Ces êtres, qu'un subterfuge de menuiserie tient élevés au-dessus de leurs peuples, leur apparaissent d'autant plus grands et d'autant plus à craindre que ces peuples sont en général de petite taille. D'où viennent les droits de ces seigneurs? On ne le sait. On les appelle les Maîtres. Ils enseignent la fierté, la morale, la rigueur, l'empire sur les passions. Ils ont contribué plus que tous autres à tirer de Corneille une formidable législation, un appareil de pompe et d'orgueil qui les aide à mâter ceux qui leur sont soumis. De même que les régimes totalitaires exaltent les musiciens, les poètes, les romanciers qui ont pratiqué l'orthodoxie de la doctrine et vénéré la force, de même le régime établi par ces despotes impose le respect de Corneille, qu'ils feraient prince de Montenevoso si Corneille s'appelait d'Annunzio, qu'ils joueraient dans les congrès nazis si Corneille s'appelait Wagner. Rien n'est plus beau, plus grand, que l'exercice sans limites de la puissance d'homme. Rien n'est plus digne de cette morale imposée aux races pures. Ces maîtres que nous connaissons tous entraînent à leur suite leurs sujets aux représentations cornéliennes comme ils les entraîneraient à la suite de Mlle Leni Riefensthal devant les écrans où se déploie Le Triomphe de la Volonté, et ce titre du plus célèbre des films hitlériens formerait une assez belle épigraphe à l'œuvre entière de leur poète. Telle est l'idéologie du Troisième Reich, mais telle est aussi l'idéologie de la Troisième A. Ces êtres de fer, ces despotes, on les a reconnus : ce sont les professeurs.[xiii]

Ce Corneille-là, le «poète de la volonté toute pure», «le Kant du théâtre tragique», ce n'est pas exactement, nous dit Brasillach, «son» Corneille; c'est le Corneille qui lui a été enseigné par quelque «ami des héros mal payé par son gouvernement et méprisé par sa concierge» — un professeur disciple de Jules Lemaître; le «Corneille de son enfance» dont il garde la nostalgie; c'est celui des autres, à l'occasion celui des fascistes — et c'est aussi le sien, s'il est cependant permis à l'âge adulte de préférer Mussolini à Hitler:

Ce sont les professeurs en effet qui ont contribué à accuser chez Corneille cet aspect volontaire, qui existe sans doute, mais dont l'importance ne nous paraît pas au premier abord aussi grande que l'importance de la tentation romanesque. Toutefois, en souvenir de notre enfance […], il nous faut bien convenirque Corneille a vraiment subi, presque toute son existence, la tentation de la volonté. Et je ne sais pas si, chemin faisant, nous ne pourrions pas découvrir que cette tentation l'a rendu en somme plus près de nous que nous ne le croyons, et si, quand Mussolini invite la Comédie-Française à jouer au Forum, il ne retrouve pas, justement, dans ce Corneille de notre enfance, le précurseur génial, hardi, anti-bourgeois, anti-capitaliste et anti-parlementaire, du fascisme moderne.

Faut-il s'étonner que cette saisissante profession de foi vienne, dans le texte du Corneille immédiatement après une analyse d'Horace qui illustre d'abord, pour Brasillach, la pertinence de la thèse d'une double polarité des créations cornéliennes, entre exaltation de la volonté et triomphe de la tendresse?

[Pour revenir au théâtre après le silence consécutif à la Querelle du Cid, Corneille] a écrit sa pièce rigide et simplifiée, en beaux vers bien sonnants, bien romains, bien carrés, et il a dressé ces images outrancières qui plaisent aux professeurs de troisième et aux poètes de la revanche. Il arrive ainsi que l'écrivain fasciste simplifie, il faut bien l'avouer, que son ardeur et sa foi lui inspirent des œuvres un peu courtes, un peu primaires. La magnificence de la langue ne nous empêchera jamais de ranger Horace précisément dans ces œuvres-là.[xiv]

Ce n'est pas en effet sans réserves que Brasillach salue en Horace, selon une formule fameuse, «le patriotisme aveugle et nécessaire» du jeune nazi quand Curiace incarne pour sa part «le soldat forcé des régimes dramatiques et du service militaire obligatoire»:

Le patriotisme aveugle et nécessaire, il n'est pas douteux que Pierre Corneille l'a incarné avec une simplification qui nous gêne un peu. […]Nous aurions pu apprécier [dans le jeune Horace] une ardeur vigoureuse de jeune nazi : convenons qu'elle manque un peu à ce bon élève costaud et emphatique, encore que la scène où il s'oppose, fier de ne pas réfléchir, fier de son parti, de son sang, de sa race, de son empire, au soldat conscient d'être trompé, pourrait emprunter à la lueur blanchâtre des éclats d'obus sur quelque tranchée crayeuse un pathétique éternel :

— Albe vous a nommé, je ne vous connais plus !

— Je vous connais encore, et c'est ce qui me tue.

Le «tendre et viril» Curiace est regardé par Brasillach comme «le plus beau personnage de l'œuvre», qui sauve la pièce de son insupportable raideur; et c'est lui encore qui permet à Brasillach de

découvrir chez l'inventeur d'Horace, chez le fabricant de thèmes latins rudes et patriotiques, doucement obstiné à survivre, acharné jusqu'à la fin, clignant de l'œil vers les belles spectatrices et pleurant sur sa guitare au moment le plus inattendu, une sorte de Tino Rossi du poème dramatique ?[xv]

Ne rions pas trop vite ; le commentaire obéit à la même rhétorique retorse que le développement précédent: en dénonçant comme simplificatrice la valorisation exclusive du patriotisme pour exhausser en retour, dans la pièce, la tendresse et le romanesque, Brasillach fait passer l'essentiel — même s'il lui faut prêter à d'autres une lecture fasciste, il aura fait admettre que Corneille est bien un écrivain fasciste; les réserves qu'il manifeste à l'égard du héros éponyme peuvent bien être sincères: il ne fait aucun doute qu'Horace est aux yeux du critique l'incarnation du fascisme, et Corneille aura eu le tort d'accuser le trait, faisant perdre toute crédibilité au personnage et aux thèses qu'il professe — sauf, et c'est tout l'intérêt de la chose, lorsqu'on les absout à l'acte V.


Il se pourrait en effet qu'il y ait eu, pour Brasillach, une leçon d'Horace: perplexe devant les valeurs du jeune Horace, plein de sympathie pour la morale humaine de Curiace, quel spectateur songe encore à s'interroger sur ce qui est au fond le vrai scandale, l'absolution du coupable par le roi au terme de l'acte V? Autrement dit: en caricaturant le personnage ouvertement porteur des valeurs fascistes et à la faveur des sympathies spontanées du spectateur pour les personnages romanesques en lutte avec lui, on peut faire valider ces mêmes valeurs à un niveau supérieur sans que nul ne s'en indigne vraiment…


Il n'en va pas autrement dans sa version de Bérénice; Brasillach ne se contente pas de concevoir Paulin comme un nouvel Horace: il utilise le couple que forment Paulin et Phénice, dont les entretiens rythment l'avancée de l'action[xvi], pour valoriser le lyrisme et le romanesque du thème amoureux, la puissance de la légende, aux dépens du « national-réalisme » professé lourdement par le milicien; ce personnage doit être caricatural pour concentrer sur lui seul le rejet du spectateur — lequel ne percevra plus ensuite ce que les moments donnés comme romanesques peuvent avoir eux-mêmes d'antisémite. Démonstration.



Pourquoi les histoires d'amour finissent mal


Le premier entretien de Paulin et Phénice, avant l'annonce du retour de Bérénice, offre déjà un double portrait de la reine alors même qu'aucun des deux confidents ne l'a jamais vue. Pour Phénice, elle est cette belle étrangère qui donne à rêver à toutes les filles romaines:

L'été, je crois. L'été. C'est ce mot qui me vient à l'esprit quand je pense à elle. Chaude et dorée, elle est venue, un jour, elle est repartie. [I, 2]

Paulin pour sa part ne veut voir en elle qu'une Orientale sur le retour, lascive et débraillée :

[Les] filles romaines] font une fée, une déesse, de quelque catin d'Orient sortie de son bazar, toute suante de parfums, et revenue finir sa carrière dans les lupanars d'Alexandrie ou de Gabès. [I, 2]

À l'acte II et après l'arrivée de Bérénice, nouveau double portrait ; Phénice est sous le charme, et le spectateur avec elle, d'une reine fidèle à la légende :

Une petite personne, mais dorée, mais émouvante et parfumée, et puis, je ne sais quoi d'aigu dans le regard, soudain, et tout à coup tendre. Des yeux immenses et merveilleux, des yeux d'ailleurs. Une voix si douce, un peu d'accent étranger qui lui donne plus de charme encore. Elle n'a qu'à paraître, elle est la reine. [II, 2]

Quant à Paulin, il ne veut voir dans la reine de Césarée qu'un rejeton de « la famille la plus tarée de l'Orient et de l'Occident », une « vieille Orientale qui vient rattraper la dernière occasion », et dans la passion de Titus et Bérénice le prolongement aberrant d'un « amour de garnison » :

En campagne, après la chasteté des camps, je comprends que sur une natte tressée on se laisse aller à caresser quelque femelle glapissante. Ou cela, ou un petit Arabe de quatorze ans, un petit Chleuh de la montagne, c'est d'aussi peu d'importance. Je comprends même vois-tu, qu'on se laisse prendre, ensuite, à ses mimiques, et qu'on l'emporte avec ses cantines comme on emmènerait une guenon, un jaguar femelle. Mais les guenons vieillissent vite, et les jaguars sentent très fort à l'âge adulte. Titus, crois-moi, a passé le temps des fantaisies coloniales.

Paulin aura tout dit quand il aura confessé qu'« elle est ce que déteste le plus instinctivement toutes les femmes et tous les hommes de [s]a race ». On commence à comprendre ici le sens qu'il faut donner au « réalisme » de Paulin : le réalisme consiste à « voir les choses comme elles sont », c'est-à-dire Bérénice comme une vieille juive.
À ce stade de la pièce, il ne fait guère de doute que le spectateur a choisi, qu'il intègre le camp de ceux que le détestable Paulin qualifie d'esprits romanesques, en accordant toute sa sympathie aux deux amants que l'acte III réunit enfin et laisse seuls face à face. Cette longue scène vient apparemment valider le sensible portrait de Phénice : Bérénice y déploie son charme oriental, la sensualité de sa voix, un indéniable érotisme, une nostalgie contagieuse qui s'alimente encore à la différence d'âge[xvii]. Et pourtant, la progression même de la scène valide souterrainement le portrait donné par Paulin : le charme oriental de cette nouvelle Salomé qui envoûte Titus et le spectateur est bien cette sombre magie par laquelle le peuple juif s'empare des esprits pour asseoir son pouvoir et œuvrer insensiblement à la corruption de la nation qui l'accueille. Cette scène d'envoûtement, pivot de la pièce tout entière, voit Titus céder progressivement à la voix de Bérénice jusqu'à réciter avec elle le Cantique des cantiques et, en rejouant les noces spirituelles de Salomon et la Sulamite, abjurer sa propre religion :

Titus : Dis-les moi, les mots de ta race […]. Commence-la, ta musique de perdition. Je n'attends plus qu'elle, je ne veux plus de mon salut. […]

Bérénice : Tu les as donc prononcées toi aussi les paroles du Cantique ! […] Ainsi s'unirent Salomon et la Sulamite. Ainsi s'unissent les hommes et les femmes de mon pays. Qu'importent désormais les paroles de tes prêtres et les écharpes de tes administrateurs.

Le spectateur le plus méfiant ne peut qu'être sensible à ce moment d'intense communion des deux amants et à ces noces mystiques qui mènent les deux personnages au delà de la légende ; et c'est bien là le piège : notre émotion vient entériner, en dépit même de nos convictions, l'idée de l'insidieux pouvoir de contagion que les antisémites prêtent au peuple juif, qu'incarne ici cette étrangère entraînant l'empereur romain au reniement volontaire de sa propre identité et à la trahison de sa race.
Veut-on une description plus précise des effets que Brasillach attendait d'un tel dispositif ? On la trouvera dans la très suspecte préface que donna un certain M. B. dans lequel il faut sans doute reconnaître Maurice Bardèche à une édition isolée de la pièce [xviii]: « on se demande pourquoi », s'interroge le préfacier, « cette pièce a soulevé tant de passions » ; « il est clair pourtant que le “fascisme” de Brasillach dans Bérénice est particulièrement discret et feutré de toutes sortes de réserves » ; c'est Titus, incarnation d'« une certaine conception du bonheur individuel » aux antipodes des valeurs du fascisme, qui est le « porte-parole de l'auteur », et non pas Paulin, « qui représente le jeune militant fasciste » et que tous regardent « avec quelque ironie, jeune prêtre absolu et implacable que la vie et l'amour et l'expérience n'ont pas encore adouci ». Bérénice pour Brasillach ?

Il n'est pas moins surprenant qu'on ait accusé la pièce d'antisémitisme. L'héroïne juive est manifestement l'objet d'une certaine tendresse secrète de l'auteur. Elle lui plaît, il est sensible à son charme étranger, tout comme Titus. […] N'est-ce pas un hommage inattendu à la plus pure culture juive que ce récitatif solennel du poème le plus illustre de la littérature hébraïque, le cantique de Salomon à la Sulamite ?

L'intérêt de la pièce est ailleurs, assurément, que dans la pesée minutieuse de pareils reproches. Il est dans […] cette mélancolie de la fatalité qui […] donne à la pièce son éclairage poétique et sa beauté. Elle est belle comme une messe en ré, comme un requiem.[xix]

Être sensible à ce « requiem », c'est ne pas voir, et donc accepter, ce que Paulin formule à l'acte V comme une alternative quant au dessein exact de la reine de Césarée et qui masque mal la fatalité propre du sujet telle que Brasillach l'entend : « Plus tard, […] ce n'est pas sans une certaine curiosité que je me représenterai cette femme orgueilleuse, qui ne savait pas très bien si elle venait retrouver son plus grand amour, ou fonder la puissance juive […] ». La formule ne fait qu'exhiber in fine la duplicité que Brasillach a constamment prêtée au personnage féminin et qui, à ce stade de la pièce, ne peut plus apparaître comme le seul fantasme de Paulin. Une relecture attentive confirme le soupçon que le jeune milicien fait peser sur Bérénice : son amour pour Titus n'est, aux yeux de Brasillach, que le masque d'un projet d'établissement de la puissance juive que la perspicacité de Paulin aura seule permis de contrecarrer. On entendra mieux maintenant des déclarations comme celle que Bérénice fait à Phénice dès son entrée en scène :

Ce n'est pas dans le combat que se joue le destin de mon peuple. Les besoins de mon peuple sont ailleurs, la puissance de mon peuple est ailleurs. Vaincu sur les champs de bataille, ce ramassis de marchands, de philosophes, d'usuriers, de révolutionnaires et de banquiers que tiendraient en respect cent gardes à cheval […], peut être pour ses vainqueurs une aide assez considérable. Il faut nous faire notre place, sinon nous nous la ferons. (II, 3)

Et dans l'acte III les inquiétudes trop vite oubliées de Titus, devant cette race « dépouillée de toute terre », « cette nation effrayante qui n'a pas besoin de sol pour être une nation » dont tout l'orgueil tient, comme celui de Bérénice, dans une feinte humilité.
Ce sont ces mêmes inquiétudes que l'on retrouve, sans nulle trace d'ironie désormais à l'égard du personnage, dans les propos de Paulin décidé à obtenir de Bérénice qu'elle consente d'elle-même à l'exil :

Bérénice : Pourquoi partir ? Qu'est-ce que je demande donc à Rome, à toi-même ? Quelle petite part dans le vaste Empire ! Ne pouvez-vous donc me laisser cela ?

Paulin : Aujourd'hui la petite part. Aujourd'hui l'humble esclave filant à sa fenêtre, l'amante fidèle et soumise. Et, demain, quelque frère, quelque cousin, appelé comme intendant à la cour

Bérénice : Tu connais nos livres sacrés. Mais je ne suis pas Joseph en Égypte. Je ne suis qu'une pauvre femme qui veut, avant sa fin, reconnaître face à face sa destinée et son amour immortel. (IV, 3)

Si Paulin amène Bérénice à accepter la séparation, ce n'est pas seulement en faisant valoir la différence d'âge qui la condamne à se voir tôt ou tard négligée au profit d'une femme plus jeune (« Demain il se détournera de la peau craquelée, molle et fardée »), mais en ravivant la question raciale — ce que perçoit l'étrangère : « si je n'étais pas Juive, mettriez-vous autant d'acharnement à me poursuivre ? ». Bérénice est ainsi amenée à « admettre » qu'elle est peut-être bien venue à Rome « dans le dessein de faire prévaloir sa race ». Entendre la demande de Paulin, ce sera finalement acquiescer à l'idée que, juive, elle est de la « race de l'invisible », à l'instar de tout son peuple :

Votre peuple désire la puissance et offre son alliance comme s'il était fort, et il veut que son royaume sans terre soit tout de même de ce monde. Vous avez tort. Il y a autre chose à faire pour vous, il y a une autre puissance. Le peuple juif n'a pas à être puissant selon la langue de la terre. Il doit être puissant comme vos divinités invisibles. […] Il tenterait vainement de conquérir la terre, puisqu'il appartient à l'invisible.</<blockquote>)

Après un moment de lutte où elle tente de sauver le caractère charnel du bonheur qu'elle attend de Titus, Bérénice se laisse aller au désarroi : « Que dois-je faire maintenant ? Peut-être le saurais-tu mieux que moi, tu es de sa race et de son peuple et nous sommes des étrangers », et la fin de la scène signifie clairement la défaite de la reine juive (de l'aveu même de Bérénice : « on ne parie pas contre deux races opposées ») — et non la simple acceptation de son destin par une vieille maîtresse (« vous pouvez partir en laissant une image sensible et déchirante, que chaque journée de surcroît va gâcher »).
Cette décision que Bérénice assume seule rend-elle Titus aux devoirs de l'empire ? La défaite de l'amante est aussi celle de l'empereur, coupable d'une hésitation qui a fait de lui, selon Paulin, « un chef prêt d'abdiquer » (IV, 2). Au vrai, le titulaire du pouvoir était depuis le début sous la surveillance du milicien qui refusait, dès la deuxième scène du premier acte, le titre de « confident de l'Empereur » :

<blockquote>Je lui ai dit un jour : « Nous avons mis en vous une telle confiance qu'il faut prendre garde de ne pas nous décevoir. Nous vous surveillons. Nous serons sévères envers vous. » (I, 2).

Au tout début de l'acte V, Paulin a pour qualifier la réalité du pouvoir de Titus les mots qu'il avait eu pour évoquer le règne de feu Vespasien (« Ce n'était pas un homme d'aujourd'hui », I, 2) :

Titus, lui aussi, est vaincu. C'est un homme d'un autre âge. Au-delà de cet homme je vois plus loin : il y a notre nation qui s'est éveillée, l'unité de la patrie. Nous aurons d'autres chefs.

La mort de Vespasien inaugurait bien un nouvel ordre politique, dont Titus n'aura été que l'incarnation passagère et insuffisante, qu'il n'aura pas su servir ni même reconnaître, et dont Paulin avec cette élite romaine dont il se réclame sont les seuls garants. En quoi la pièce de Brasillach n'est pas seulement un « drame de la race » : elle est bien une tragédie et une tragédie politique.

L'intertexte est un piège

Que nomme exactement ce « destin », cette « fatalité » à laquelle Titus comme Bérénice imputent sans révolte leur séparation ?
Le plus court et le plus confortable est d'y reconnaître la dimension prescriptive de la légende. Tout est déjà écrit, comme ne cessent de le rappeler, sans le regretter trop, les deux protagonistes :

Nous sommes ici parce que nous sommes Titus et Bérénice (Acte III)

Au fond, cette nouvelle séparation ne serait jamais qu'une répétition, et les répliques des personnages dès le début un vaste métatexte :

Titus : Ainsi donc, la voilà survenue, cette rencontre. Autour de nous le silence, et nous sommes seuls face à face, et la respiration de chacun est arrêtée, comme au théâtre, à l'instant capital.

Bérénice : Les confidentes et les serviteurs se sont mystérieusement évanouis autour des deux protagonistes. On ne sait comment ils se sont trouvés l'un devant l'autre, ni quels couloirs ils ont suivis pour arriver dans cette pièce vague et sans destination précise qui est le lieu de rencontre des tragédies. […] Ce qui a précédé importe peu. (Début de l'acte III)

La seule fatalité, ce serait finalement ici la fatalité de l'intertexte ­— et c'est bien pourquoi il faut que la pièce soit à la fois une récriture et une continuation ; de Racine à Brasillach, le spectateur doit reconnaître que c'est la même séparation et qu'elle appartient en même temps à une série ; tous les moments où les personnages nous disent représenter un drame déjà joué et ceux où ils font sonner les mots hérités des pièces classiques[xx], font éprouver la transcendance du sujet sur ses variantes historiques : nous nous quittons à nouveau devant vous, parce que c'est toujours comme ça — voyez Racine, voyez Corneille, voyez Virgile ou Shakespeare et tous les couples fameux de la légende ; nous nous quittons parce que nous savons comme vous que les histoires d'amour finissent mal et que c'est bien plus beau comme ça. Nous nous quittons, au fond, parce que la Littérature le veut, et que nous sommes la littérature : « Cela s'est fait en somme en dehors de nous » (Titus, V, 3), « Nous sommes des victimes de la littérature, Titus, et peut-être pas autre chose » (Bérénice, V, 4).
Ce qui s'appelle ici « littérature », c'est aussi, nous dit le cinquième acte, le « masque » que tout un chacun appose sur la faillibilité des corps et de l'amour, cette légende qui recouvre le « fait historique » que Bérénice a quatorze ans de plus que Titus : je pars parce que je sais que bientôt je serai vieille et que tu ne m'aimeras plus comme avant ; je te laisse partir parce que je sais que tôt ou tard je ferai comme les autres hommes qui se tournent vers la jeunesse.
Cette désacralisation-là nous rend encore plus cher le mythe des deux amants et cette fatalité littéraire dont les spectateurs de théâtre sont amoureux — au point d'écouter sans l'entendre ce qui reçoit ici le nom de Littérature : nous nous quittons parce que vous êtes juive, que vous appartenez au peuple de l'invisible, et que je suis romain et de la race des vainqueurs ; vous vous quittez parce que dans l'État neuf que Rome va bientôt se donner, il n'y a pas de place pour le mélange des races.
En même temps qu'un « drame de la race », cette Bérénice 1940 est donc bien une tragédie politique : si le ressort politique traditionnel qui faisait le sujet des Bérénice classiques n'a pas ici d'autre fonction que d'ouvrir la pièce, avec le rappel inaugural de la mort de Vespasien, aux séductions de l'intertexte, cette rumeur intertextuelle vient en réalité couvrir la mise en œuvre d'un autre ressort qui peut rester dès lors silencieux ; Paulin est l'instrument d'une transcendance nouvelle qui n'est plus fondée sur l'autorité du passé et de la loi ancestrale mais sur la prescience d'une élite qui forge sans états d'âme le destin à venir d'une nation. On sait de quel tragique sont porteurs ces idéaux dictés au nom d'une fidélité au futur. Paulin est donc toujours la voix de Rome, mais Rome n'est plus dans Rome : elle est toute au Forum, où la Comédie-Française représente Corneille devant Mussolini.
Cette séparation sera bien la dernière , le départ de Bérénice pour « l'invisible » est sans retour possible : « achever la légende », c'est pour Brasillach désigner le manque de « réalisme » de ses deux prédécesseurs et la faiblesse de la causalité politique traditionnelle pour mieux faire valoir la force du déterminisme racial lorsqu'il se combine à la transcendance fasciste.
Et il faudrait avoir l'esprit bien romanesque, tout imprégné de littérature, pour voir dans cette petite Salomith, « que [Bérénice] laisse ici, qui est [sa] nièce, et qui a quatorze ans », la promesse d'une continuation de la légende, comme nous y invite Antiochus dans l'ultime réplique de la pièce (« C'était l'âge de Cléopâtre quand elle a rencontré César »), ou une préfiguration de ces amours prépubères dont Paulin impute le penchant à Titus : à la faveur de la rêverie du spectateur, la seule présence de la petite juive vient signifier que la lutte doit continuer, que la défaite de Bérénice ne met pas un terme à l'ambition éternelle de son peuple (« Oui, je ne pars pas parce que nos races sont inconciliables : la mienne trouvera bien le moyen de s'imposer un jour », scène dernière), qu'il demeure à Rome un germe de contagion. Pour achever Bérénice, il faudra, bientôt, tout autre chose qu'un dénouement de théâtre.

Bénédicte Louvat-Molozay (Université Paul Valéry, Montpellier-III)
Marc Escola, Université de Paris-Sorbonne (Paris-IV)


[i] Œuvres complètes, Paris, Club de l'honnête homme, t. VI, 1964, p. 222.

[ii] Rédigée au cours de deux mois d'été de 1940, la pièce fut publiée en 1944 seulement dans la Chronique de Paris, revue fondée la même année par Brasillach, et en librairie en 1954. Des représentations furent envisagées l'année suivante au Théâtre du Montparnasse, mais ce fut finalement en 1957 et en Suisse que la pièce fut créée : le Comité des arènes d'Avenches en donna plusieurs représentations (avec la Mariane de Tristan L'Hermite). Cette même mise en scène fut présentée en novembre 1957 au public parisien du Théâtre des Arts sous le titre de La Reine de Césarée, substitué à celui de Bérénice par l'actrice Alice Cocéa. Les actions et manifestations organisées par le Comité d'action de la Résistance dès le lendemain de la première représentation aboutirent à une interdiction de la pièce puis à une forme plus ambiguë de censure : les représentations eurent lieu à huis-clos, devant une salle réservée aux seuls « invités », le théâtre demeurant « fermé au public ». La pièce a donné lieu à une seconde série de représentations au Théâtre Moderne (mise en scène : Jean-Laurent Cochet) au cours du printemps 1973 (le texte caviardé en fut alors publié dans un numéro de L'Avant-Scène Théâtre).

[iii] O.C., éd. cit., t. IV, 1963, p. 128.

[iv] O.C., éd. cit., t. VI, p. 406.

[v] Éd. cit., p. 612-613 : « Celui à qui la tradition a donné comme épithète de nature, au mépris de toute vérité, l'adjectif tendre, le tendre Racine, est presque toujours assez fade, on le sait, lorsqu'il fait parler ses jeunes amoureux, et sa tendresse, nous la percevons, mêlée à tant d'autres sentiments d'ailleurs, chez Andromaque, chez Monime, chez Phèdre. Tandis que Pierre Corneille est sans doute le vrai poète de la tendresse virile, tantôt avec quelque chose de doré et de chaud lorsqu'il fait parler le Cid ou l'Amour, tantôt avec une mélancolie merveilleuse et douce dans ses dernières œuvres, lorsqu'il nous montre ses vieillards amoureux, Sertorius, Martian, lorsqu'il crée Suréna. »

[vi] Éd. cit., p. 614-615.

[vii] « Il est certain que le génie compliqué de Pierre Corneille trouvait les choses trop simples pour s'en tenir à la seule phrase de Suétone : Invitus invitam dimisit. Il lui a fallu inventer deux personnages : Domitie et Domitian, qui occupent toute la scène, et finissent par reléguer au second plan le couple impérial. »

[viii] Au point même de citer un étrange alexandrin de quatorze syllabes où un adjectif racinien vient hanter le texte cornélien (« Et même je ne sais par quel cruel pressentiment… »).

[ix] « Où finit Bérénice commence Tite et Bérénice », [in :] Onze études sur la vieillesse de P. Corneille. Mélanges à la mémoire de Georges Couton, Klincksieck, 1994, p. 53-75 ; repris dans : G. Forestier, Corneille et la politique. Le sens d'une dramaturgie, Sedes, 1998, p. 103-117.

[x] Antiochus qui garde d'ailleurs, tout au long de la pièce, la mémoire de son rôle racinien, comme en témoigne l'une de ses dernières répliques (V, 4 : Titus a fait revenir « l'imbécile pour que la tragédie soit complète ») : « J'ai l'habitude, Seigneur, d'être un peu négligé, et j'ai peut-être fini par me négliger moi-même. On a toujours si peu fait attention à ma peine ou à ma joie que j'oublie quelquefois de la considérer avec beaucoup de sérieux. Laissez-moi de côté. »

[xi] Michel Charles, Introduction à l'étude des textes, Le Seuil, coll. « Poétique », 1995, p. 286-287. M. Charles montre bien comment ce paradoxe est forgé par Racine dans la préface de Bérénice à partir de la traduction biaisée d'une phrase de Suétone qui est en réalité un centon.

[xii] À quoi la pièce est apparemment toujours ramenée, si l'on se fie aux extraits de presse proposés par le numéro de L'Avant-Scène Théâtre pour les représentations de La Reine de Césarée au Théâtre Moderne en 1973. Ainsi de ce jugement de Jean Vigneron dans La Croix (26-3-1973), assez peu suspect de complaisance : « Ce qui reste sujet à caution, dans cette œuvre admirablement écrite, c'est, précisément qu'elle soit un peu trop… écrite. »

[xiii] O.C., t. VII, éd. cit., p. 452.

[xiv] Ibid., p. 447.

[xv] Ibid., p. 611-612. La formule figure immédiatement en amont de l'analyse de Tite et Bérénice déjà citée.

[xvi] Ces entretiens viennent classiquement commenter la progression de l'action : le premier (I, 2) prend place après une première scène entre Titus et Paulin ; le deuxième (II, 2) offre une chambre de résonance à l'échange que Paulin vient d'avoir avec Antiochus ; le troisième marque, à l'ouverture du quatrième acte (et après la nuit qui sépare l'acte III de l'acte IV et que les deux amants ont passée ensemble), le triomphe de Phénice et, avec lui, celui de la légende ; le dernier entretien, curieusement placé au début de l'acte V, alors qu'il s'inscrit dans la continuité de l'acte précédent, est l'occasion d'une revanche de Paulin, qui peut croire que ses arguments ont été décisifs, sur « les cœurs romanesques ».

[xvii] « Lorsque je t'ai rencontré, j'étais déjà à cet âge où les femmes de la mer, parfois, renoncent à la vie. Cette brûlure inépuisable que donne au flanc le flanc plus chaud d'un jeune homme allongé après le plaisir, dix ans n'en ont pas rafraîchi la morsure. Je dis ton nom, en moi, et c'est toi qui es en moi, tendu, et je détourne déjà la tête, et je me noie. Je sens dis ton nom, en moi, et ton cher poids d'homme sur mon corps […]. »

[xviii] Nous la trouvons dans un volume paru chez Plon en 1973, mais le texte de cette préface pourrait bien être antérieur.

[xix] Éd. cit., p. 15-17. On rapprochera ce démenti de l'empressement de la presse d'extrême-droite à dénier à la pièce, lors des représentations de 1973, tout caractère antisémite : « La Reine de Césarée, nonobstant quelques résonances politiques, n'est surtout pas une pièce à thèse » (Jan Mara, Minute, 21-3-1973) ; « « Tragédie du bonheur impossible et de l'amour. La Reine de Césarée n'est ni une pièce antisémite, ni une pièce belliciste. Elle contient des passages sur les destinées du peuple juif dignes du Claudel du Pain dur. » (« G.D. », L'Homme nouveau, 1-4-1973) ; « La Reine de Césarée est d'abord une pièce passionnée sur la primauté de l'amour et la fugacité du bonheur […]. Il y aurait mauvaise foi à y découvrir une prise de position partisane de l'auteur alors que, dans la mesure où celui-ci semble s'exprimer à travers l'action dramatique, il plaide sans équivoque pour un libéralisme sentimental et individualiste. » (P. Chambrillon, Valeurs actuelles, 26-3-1973).

[xx] C'est, à l'acte III, l'évocation par Titus de la voix de Bérénice « qui monte du fond des mers qui nous ont séparés », « notre séparation forcée, malgré toi, malgré moi », le vers cornélien (qui figure aussi dans le commentaire de 1938), « maître de l'univers sans l'être de moi-même » ; à l'acte V : « Nous nous tenons, et pourtant tout à l'heure nous ne nous verrons plus, et le jour passera sans nous réunir. »(V, 4), la mention de « la fameuse lettre de Bérénice » (V, 1), et une nouvelle occurrence du « magré lui malgré elle » (V, 2), chaque acte recevant par ailleurs comme titre un mot de la formule latine (Titus Berenicen invitus invitam dimisit.)

Marc Escola

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Dernière mise à jour de cette page le 20 Septembre 2017 à 22h43.