Atelier



Culture, presse et entreprise sous l'Occupation : vecteurs d'idées, médiateurs d'information ?

Colloque des jeudi 27 et vendredi 28 mars 2008- Abbaye d'Ardenne

Colloque co-organisé par le GDR 2539 (Les entreprises françaises sous l'Occupation, Institut des Sciences de l'Homme 14 av. Berthelot F-69363 Lyon Cedex 07), l'IMEC, le CRHQ (CNRS-université de Caen) et l'IDHE (CNRS-université Paris I Panthéon Sorbonne)
Coordination scientifique : Agnès Callu et Patrick Eveno


Synthèse par Cécile Robin, étudiante en master d'histoire économique, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Actes parus en 2009 A Callu, P. Eveno, H. Joly (dir.), Culture et médias sous l'Occupation : des entreprises dans la France de Vichy



Culture, presse et entreprise sous l'Occupation : vecteurs d'idées, médiateurs d'information ?


Introduction


Olivier Corpet, le directeur de l'Institut mémoire de l'édition contemporaine (IMEC) a ouvert le colloque en expliquant les liens naturels entre son institution et les problématiques des journées de réflexion. De fait, les fonds et collections de l'IMEC constituent un gisement premier pour des sujets d'histoire culturelle. Par ailleurs, l'actuelle programmation scientifique de l'IMEC rencontre l'objet même de ce colloque puisque l'Institut prépare une exposition d'archives sur les « années noires », présentée dans le court terme au Mémorial de Caen, puis à New York.
Le directeur du GDR « Les Entreprises françaises sous l'Occupation », Hervé Joly, a rappelé la place de cette rencontre dans la politique générale du GDR qui, depuis 2002, examine, secteur après secteur, les incidences stratégiques, politiques, économiques et sociales de l'Occupation sur les entreprises.


Agnès Callu et Patrick Eveno ont introduit les débats en singularisant les notions d'industries culturelles et d'entreprises de presse - à considérer comme des « produits/objets » - qui réclament, pour leur examen, la convocation de deux disciplines : l'histoire culturelle et l'histoire économique croisant, en perpendiculaire, une périodisation (le second conflit mondial et les enjeux de l'Occupation), elle-même disciplinaire. Ils ont rappelé « le temps béni » d'un moment où les usagers consomment en masse quand les entrepreneurs savent profiter des flous et libertés autorisés par les obligatoires frottements entre dispositifs français et allemand.


Séance 1 : Les marchés de la presse et de la culture (Présidence : Patrick Fridenson, EHESS)

1. Les conséquences économiques du pillage de l'art sous l'Occupation, par Isabelle Le Masne de Chermont (direction des musées de France)


La question de la spoliation des œuvres d'art réapparaît dans les années 1990 à l'instigation de la commission dite Mattéoli et des missions d'études des musées. Dans le contexte d'un marché de l'art d'une grande vitalité, le pillage comporte trois aspects : les saisies par les services allemands dans les collections, les acquisitions par les Allemands (militaires et musées) et la question de l'attitude des Français face à la restitution des oeuvres après guerre.

La spoliation, reconnue dès 1946 comme fait constitutif des lois raciales, consacre l'interaction de différents services allemands (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, Devisenschutz Kommando, Dienststelle Westen) et frappe tant par son ampleur que par la diversité des oeuvres confisquées. Les inquiétudes manifestées côté français concernent l'hémorragie du patrimoine. Aussi dresse-t-on des inventaires contradictoires des oeuvres saisies et place-t-on sous séquestre les biens des collectionneurs déchus de la nationalité française ; cependant, ces deux mesures sont des échecs. Les transferts s'opèrent donc suite à des confiscations, mais également à la faveur d'acquisitions. Réalisées sur le marché par des grands musées du Reich comme celui de Cologne, elles résultent de l'allocation de budgets illimités visant à constituer des collections de chefs-d'oeuvre.

Quelle réflexion ce pillage a-t-il suscitée ? Dès 1943, une déclaration des Nations Unies déclare nulles toutes les opérations de spoliations. En France, une ordonnance de juin 1945 stipule que doit être revendiqué tout ce qui a été spolié ou acquis avec de l'argent allemand. 60 000 objets reviennent d'Allemagne dans l'immédiate après-guerre, objets dont la valeur économique est questionnée en permanence et dont la valeur symbolique demeure encore vive aujourd'hui.


2. Le marché de l'art aux Pays-Bas, par Jeroen Euwe (université Erasmus de Rotterdam)


Au début du XXe siècle, l'Allemagne constitue le débouché le plus important pour les exportations hollandaises. Après la crise économique et financière, la reprise s'annonce en 1940. Les conflits sont permanents quant à la politique et à l'organisation du marché de l'art. À l'instar du département hollandais des arts et de la culture sont fondées des organisations gouvernementales opérant la conjonction entre arts, culture et propagande. Le gouvernement hollandais en exil à Londres tente de limiter les exportations d'œuvres par la législation. Sa crainte d'une coupe sombre dans l'héritage culturel national est doublée d'un coût élevé pour l'État hollandais.

Entre 1940 et 1943, les prix des œuvres d'art sont décuplés et le nombre des objets offerts sur les ventes est multiplié par quatre. Après cette période, la quantité de l'art sur le marché est à la baisse jusqu'en 1945. Les prix continuent en revanche à monter jusqu'à la Libération. Le marché est entretenu par des collectionneurs, des gentlemen dealers à la recherche de placements sûrs, des musées, des acheteurs au noir et des citoyens ordinaires. Parmi les nouveaux consommateurs allemands figurent les hautes sphères de la hiérarchie nazie qui font appel à des marchands connus et des historiens d'art pour évaluer la valeur des œuvres qu'ils comptent acquérir. Les maîtres hollandais et français des XVIIe et XVIIIe siècles sont les plus demandés en Hollande. Les possessions juives sont confisquées mais peu sont vendues ; les commerces juifs sont repris par des « aryens ».

La demande et la politique monétaire allemandes sont à l'origine des exportations d'œuvres achetées en Hollande, exportations estimées à 50 % du chiffre d'affaires total du marché de l'art. La réforme monétaire de septembre 1945 signale la fin de la hausse du marché : la confiance est restaurée et le marché noir perd de l'importance.


3. La petite musique des ondes dans la France sous domination nazie. Pratiques musiciennes et usages politiques de la musique classique à la Radiodiffusion nationale et à Radio Paris, par Karine Le Bail (IEP Paris)


Le partage des ondes entre la France occupée et la zone libre est effectif à l'été 1940. A partir de cette date, les deux stations tentent d'attirer à elles les plus grands noms de la culture française, à l'avantage de Radio-Paris. Le face-à-face entraîne une recomposition des professions artistiques. La singularité de la radio française tient à son essence composite ; c'est un levier politique, une administration publique et l'institution culturelle la plus importante des années 1940. Tous les types d'acteurs culturels y interagissent. La logique économique est celle d'un positionnement stratégique mais cette économie spécifique échappe à la pure logique marchande.

Les autorités allemandes autorisent la présence d'une radio qui symbolise la voix française, exception adoptée à des fins de paix civile. La radio nationale peut donc être considérée comme élément clé du contrôle nazi ; l'État français a la charge des infrastructures et des salaires. Les faibles émetteurs ne parviennent pas à couvrir la totalité de la zone sud. En zone occupée, Radio-Paris fait montre d'une aisance à captiver l'auditeur et évite toute propagande frontale à ses débuts. Toutes les grandes vedettes s'y sont produites : la question économique joue pleinement. Après 1941 et la radicalisation politique et idéologique, le souci de l'audience s'est accru et l'homologie entre les deux stations est manifeste.

Trois contraintes pèsent sur les deux concurrentes : l'une liée à leurs politiques culturelles, la seconde, socio-économique, rappelle la dépendance des arts de la scène à la demande ; la question éthique portant sur les limites d'une pratique professionnelle dans ces deux radios est au cœur des débats sur l'épuration artistique.


4. Le marché de la presse sous l'Occupation, par Patrick Eveno (université Paris I Panthéon-Sorbonne, IDHE)


Malgré les nombreuses sources à disposition, le marché de la presse sous l'Occupation ne fait pas l'objet de grandes recherches et se trouve le plus souvent inclus dans des monographies consacrées à des journaux. Le livre de Pierre-Marie Dioudonnat, L'Argent nazi à la conquête de la presse française (1981) est sans doute l'exception qui confirme la règle, après la tentative de C. Lévy en 1970 dans un article intitulé « La presse de collaboration » paru dans la Revue d'histoire de la Seconde Guerre mondiale.

Pendant la guerre, les affaires continuent. Les journaux qui n'ont pas été supprimés prospèrent dans un paysage économique sinistré et ce, malgré contrôles et censure. Au-delà de son utilité comme papier à tout faire à bon marché, le journal est porteur d'informations de proximité irremplaçables. Aussi, toutes les entreprises de presse autorisées sont-elles rentables, au prix de compromissions.

Trois stratégies sont à l'œuvre : pour les dirigeants, l'enjeu est celui d'un enrichissement personnel rapide mais éphémère ; les entreprises mènent une stratégie industrielle et patrimoniale, mêlant investissements, modernisations, achats de titres... Les quotidiens parisiens repliés en zone sud cherchent quant à eux à placer leurs profits en vue de l'après-guerre. Les pénuries de papier entraînent des restrictions de la consommation : les dépenses des entreprises en 1943/44 sont inférieures à celles de 1941 ; il en résulte une baisse de la pagination et de la diffusion.

Les subventions des autorités allemandes ou de Vichy équilibrent les comptes d'exploitation en échange d'un encadrement très ferme de la presse. La plupart des grands journaux seront fermés après la guerre. Après avoir largement profité de l'occasion de s'enrichir, ils seront rattrapés par l'épuration.


Séance 2 : Les entreprises d'édition (Président : Olivier Corpet, IMEC)

1. Bertelsmann sous le Troisième Reich, par Olaf Simons (université d'Oldenburg)


C. Bertelsmann est parmi les éditeurs de langue allemande celui qui a connu la trajectoire la plus surprenante : Henrich Mohn a pris en 1921 la direction d'une maison orientée vers la théologie et la province de Westphalie orientale qui vivait pour l'essentiel de sa propre imprimerie. Elle a connu entre 1935 et 1942 une ascension rapide qui est due moins à son lectorat qu'à ses responsables commerciaux. Ils ont conquis en quelques étapes des marchés inattendus. Ils ont surmonté la crise économique 1928-1931 avec trois revues littéraires pour les paroisses, ce qui les amène à envisager le développement d'un département pour les « romans patriotes » (Heimatromane). Le Troisième Reich a commencé à la fois avec des déficits dans ce secteur et la réussite dans l'édition de mémoires de la Première Guerre mondiale d'auteurs de la droite nationale dont les droits avaient été récemment acquis, vendus d'abord auprès de la Hitlerjugend puis, par un réseau de représentants dans le pays, directement aux lecteurs. En 1938, les ventes militaires finançaient 75 % des coûts de production. Avec le début de la guerre se sont ajoutés les récits de conflits pour la jeunesse, les romans patriotes s'avérant par ailleurs une lecture appréciée des soldats au front. Bertelsmann utilise sa situation de maison de province, que le NSDAP considérait comme tout au plus comme un éditeur de théologie critique à l'égard du régime, pour contester aux éditions centrales du parti leur première sur le marché du front. Au moment où la guerre fait rage, Bertelsmann a, avec la protection secrète du ministère de la Propagande, imprimé dans l'Europe des contingents de papier attribués à l'armée, sans se préoccuper d'obtenir des autorisations administratives, ce qui a débouché en 1942/1943 sur un scandale de corruption qui a menacé les dirigeants de la maison d'une exécution.

La maison s'est ensuite arrangée avec les autorités locales pour s'en sortir et a ensuite utilisé après la guerre son passé d'éditeur théologique et l'arrestation temporaire de ses dirigeants pour obtenir des autorités britanniques une nouvelle immatriculation en tant qu'éditeur poursuivi sous le Troisième Reich. Des cas de censure habituels sous le Troisième Reich ont appuyé un prétendu passé d'éditeur critique à l'égard du régime. Les managers qui ont pendant la guerre conquis des marchés nouveaux ont poursuivi ensuite le développement des ventes club par catalogue qui ont fait de cette entreprise un géant sur le marché mondial.


2. L'éditeur culturel Eugen Diederichs sous le nazisme, par Florian Triebel (université de Constance)


L'Eugen Diederichs Verlag exerce une grande influence dans les débats culturels en Allemagne jusqu'aux années 1920. À la suite de la mort du fondateur en 1929 s'opère un changement de l'équipe de direction de l'entreprise et des productions. La collection "Die TAT" obtient un succès incontesté puis en 1933 paraît la série "Deutsche Reihe". E. Diederichs compte parmi les éditeurs gagnants sous le Troisième Reich. Le marché du livre est alors globalement prospère mais nombre de maisons d'édition sont fermées par défaut d'autorisations et / ou de force de travail. Force est de constater que le Troisième Reich mène à une nouvelle organisation du marché. L'entreprise se tourne vers la Heimatlitteratur, exprimant ainsi son scepticisme envers la modernité. Cette production, essentiellement destinée à la diaspora allemande, fait l'éloge de l'héritage culturel allemand et autrichien. Après la déclaration de guerre et son cortège d'incertitudes pour le monde de l'édition, le développement économique retrouve son essor et les années de guerre sont synonymes de profit.

L'éditeur s'adapte aux conquêtes nazies et propose des ouvrages de divertissement sous forme d'éditions spéciales pour la Wehrmacht » ou la SS et des séries européennes. Le Diederichs Verlag a réuni les deux conditions de survie sous le Troisième Reich : le strict respect du Zeitgeist et la mise en place d'un réseau de connaissances et d'intermédiaires, indispensables pour entrer en contact avec les autorités. Au cours de l'année 1944, on observe une forte chute de la production et des ventes.


3. L'imprimerie Georges Lang pendant la guerre : enjeux économiques, culturels et sociaux dans l'imprimerie, par Marie-Cécile Bouju (université de Caen, CRHQ)


Le secteur des industries graphiques a des relations anciennes et ambiguës avec les pouvoirs politiques. Traditionnellement associé à l'économie de la culture et de l'information, il inclut également le labeur, groupe numériquement supérieur à celui de la presse en 1939. Le secteur représente environ 15 000 entreprises à cette date. Le lien avec les industries culturelles est évident : en 1938, les clients traditionnels sont les commerçants, la presse, les administrations publiques et les éditeurs de livres.

Si le contrôle de la répartition des biens industriels et des matières premières ainsi que la censure était déjà en place pendant la drôle de guerre, de nouvelles structures apparaissent par la suite, à l'instar du comité d'organisation des industries, des arts et du commerce du livre, le 3 mai 1941. La volonté de maintenir le secteur tel qu'en 1939 entraîne des innovations politico-policières. La réussite de l'imprimerie G. Lang tient largement à la technique de l'héliogravure qui permet le développement d'une presse de magazines illustrés de grand tirage, en pointe en 1939. Dès juin 1940, les Allemands cherchent des imprimeries tant pour leurs imprimés administratifs que comme support de propagande ; la qualité du matériel et les capacités de productions sont décisives. À la première phase de négociations entre G. Lang et les autorités allemandes succède celle de l'aryanisation dont G. Lang prépare lui-même le plan.

Le secteur souffre particulièrement de cette période mais l'imprimerie parvient à limiter la baisse du chiffre d'affaires à 30 % et assure le tirage de 600 à 750 000 exemplaires par semaine de la revue Signal. Lors de l'enquête pour collaboration, G. Lang n'a pas évoqué la question de l'aryanisation. La situation reste ambiguë dans la mémoire collective des salariés du livre.


4. La maison d'édition Larousse de 1939 à 1945, par Bruno Dubot (université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, UVSQ)


Maison prestigieuse en 1939, Larousse doit une grande part de son succès ses dictionnaires. En 1938, son chiffre d'affaires est de 63 millions de francs. Son rôle actif dans la participation à l'État français consiste moins en une collaboration qu'en la production d'ouvrages spécifiques. C'est sa capacité à tirer profit de la nouvelle conjoncture qui a permis à Larousse d'accroître encore sa notoriété pendant la guerre. Cette capacité s'incarne dans une trajectoire éditoriale et un développement entrepreneurial spécifiques.

Fin 1940, le catalogue est épargné mais le dictionnaire est attaqué sur des notices d'hommes politiques. La maison poursuit ses activités et publie 2 millions d'exemplaires par an entre 1939 et 1942 puis 1 million par an entre 1943 et 1945. La tendance de la période est celle d'une baisse de la diversité du catalogue et la concentration sur l'édition d'ouvrages à prix modestes ; les ouvrages d'opportunisme éditorial représentent 50 % du total, les nouveautés baissent de 10 %. Le projet d'une « Encyclopédie de l'empire » consacre la capacité de Larousse à imposer ses choix grâce à son expertise technique et à son système de distribution.

Larousse a répondu à un appel du marché avec une grande réactivité. L'augmentation du capital de l'entreprise n'a pas empêché un nombre limité d'associés de conserver la majorité des parts. En 1942, Larousse réalise 7 millions de francs de bénéfices pour un chiffre d'affaires de 40 millions, d'où des réserves élevées. Entre 1942 et 1945, l'entreprise opte pour une stratégie de rachat d'autres sociétés en France et met en place un véritable réseau. Larousse incarne la continuité, les certitudes dans le capitalisme familial, l'insertion dans la chaîne du livre et sa capacité à générer des profits exceptionnels.


Séance 3 : Les autres entreprises de la culture et de la presse (Président : Jean Quellien, université de Caen, CRHQ)

1. La galerie Charpentier, Paris, 1942, par Claire Maingon (université Paris X-Nanterre)


Les propriétaires de la galerie s'efforcent de mettre en valeur le prestige de l'école française et organisent des expositions à fort retentissement. En 1942, le lieu est très actif et a profité du climat de spéculation artistique. L'exposition van Dongen symbolise la volonté d'attirer l'attention sur les activités de la galerie. Une large publicité, diffusée tant à la radio que par des encarts dans la presse écrite, annonce la rétrospective comportant pas moins de 248 oeuvres. La dimension officielle tient également un rôle majeur et le propriétaire Raymond Nacenta invite de nombreuses personnalités à l'inauguration. L'exposition se solde par un succès très élevé en termes de ventes et un gain financier pour Nacenta.

Les rapports opportunistes de van Dongen avec les Allemands avant guerre suffisent à expliquer que l'exposition ait été boycottée par le monde artistique comme par le grand public. L'opération est pourtant des plus satisfaisantes pour Nacenta : la polémique fait office de publicité et sa volonté de promouvoir un artiste reconnu est couronnée de succès.

Les rapports « courtois » de Nacenta avec le régime sont au coeur de l'exposition. Le but du premier est très nettement de se positionner comme principal galeriste de la place. L'instrumentalisation de l'art est flagrante mais ne se résume pas à un comportement proallemand. Il révèle une volonté de réalisation diplomatique, comme l'illustre la quinzaine d'art espagnol.


2. La société Pathé pendant l'Occupation, par Stéphanie Salmon (université Paris I Panthéon-Sorbonne, IDHE)


L'Occupation représente pour l'entreprise une période de reconstruction, la société étant en faillite depuis 1936. Après une période de gérance libre entre 1940 et 1943, la Société nouvelle Pathé cinéma (SNPC) naît de l'absorption de Pathé cinéma par la Société d'établissement des établissements Pathé cinéma (SEEPC). Cette fusion évite notamment l'intrusion de capitaux allemands. En 1941, le Crédit national intervient également afin de régler le passif de Pathé.

Les secteurs les plus rémunérateurs en 1939 sont bientôt les plus décevants : il s'agit du le Pathé rural, fournisseur exclusif de l'armée, et surtout du Pathé journal, transformé en outil de propagande à la demande de l'État, qui associe aussi Gaumont dans son projet de journal unique. En 1942, la création de France actualités se traduit par une participation de 40 % des Allemands au capital. La ligne éditoriale échappe à Pathé et le montage est assuré par la Deutsche Wochenschau. Les bénéfices sont multipliés par trois entre 1942 et 1943 mais les profits restent faibles.

La branche industrielle de Pathé représente une activité faible en 1942-1943 ; le site de Joinville survit avant d'être fermé le 12 février 1944 ; par ailleurs, beaucoup de travailleurs sont envoyés en Allemagne. Les liens tissés entre la production cinématographique française et les autorités allemandes sont ambigus : bien que Pathé n'ait pas réellement fait oeuvre de propagande, des thèmes chers à Vichy ont parfois été utilisés pour éviter la censure ; d'autres seront interprétés comme des actes de résistance. Sur la période 1942-1945, les bénéfices passent de 0,9 à 8 millions de francs, grâce à la production et à l'exploitation des films.


3. Le journal Signal, par Aurianne Cox (université Paris I Panthéon-Sorbonne)


Signal, le « grand périodique illustré d'informations », qui paraît dans son édition française de juillet 1940 à juin 1944, est placé sous le double contrôle, civil et militaire, du Haut Commandement de la Wehrmacht et du ministère de la Propagande du Reich. Édité à Berlin, il est imprimé et distribué par l'intermédiaire de relais français, Curial-Archereau et les Messageries Hachette. Il est intégré à la mission de propagande menée à l'échelle européenne. Signal atteint son apogée en 1943 avec une diffusion de 800 000 exemplaires, en France, et une vingtaine d'éditions en langues étrangères.

Il s'inscrit dans la lignée de la presse américaine pour ses photos et reportages, tout en possédant une identité forte. Le grand format et la pagination restent stables sur la période. Les traducteurs sont pour la plupart des nazis convaincus, les envoyés spéciaux des journalistes allemands et tous les reporters sont membres des unités spéciales de propagande. La stratégie commerciale du journal consiste en une publicité généralisée, l'envoi d'affiches obligatoires aux kiosquiers, la promotion sous forme d'encarts dans d'autres journaux.

La réception de Signal auprès du public peut être ambiguë : les tirages sont globalement en constante augmentation et passent d'une moyenne de 500 000 à 800 000 exemplaires de 1941 à 1944. La qualité technique du journal est unanimement reconnue, mais son caractère « trop allemand » suscite parfois des protestations. Mais il est certain que les Allemands se sont donné tous les moyens institutionnels et techniques pour en assurer la diffusion sur une large échelle, avec un maximum d'efficacité.


Séance 4 : Culture et économie (Président : Pascal Ory, université Paris I Panthéon-Sorbonne, CHS)


1. Les music-halls et cabarets ou les petites entreprises du « Gai Paris » sous l'Occupation, par Agnès Callu (université Paris IV Paris-Sorbonne et École nationale des Chartes)


La formule de « Gai Paris » est admise comme parangon d'une France éternelle, divertissante et grivoise. La fièvre du Paris bei Nacht constitue un réel objet historique avec ses pratiques sociales et ses facteurs économiques. Reste à évaluer la place de l'argent, tabou, car issu de la frivolité, du luxe, de la sexualité.

Le « Gai Paris » recouvre des réalités entrepreneuriales et sociales très diverses. À côté des music-halls, les cabarets représentent entre 70 et 130 entreprises et l'appellation elle-même fluctue. Les autorités françaises et allemandes feignent d'accepter le « triangle d'or » sans pour autant abandonner tout contrôle. Leur surveillance oscille entre répression et maintien de « niches de liberté ». Le contrôle de la Propaganda Abteilung est politique comme stratégique. Le comité d'organisation des entreprises de spectacles (COES) exige quant à lui l'obéissance aux circulaires, le respect des règlements comptables et le contingentement des matières premières. Les entreprises du « Gai Paris » font face à une pénurie d'artistes, à la restriction de la consommation d'électricité et au grand appétit de la SACEM. Les deux dossiers sensibles, les femmes et les spiritueux, cristallisent les tensions entre entreprises et autorités.

Les Folies Bergères, fondées en 1869, mènent une stratégie de « starisation » puis de superproduction de luxe. Les recettes pour l'année 1944 se chiffrent à 1,3 million de francs. Paul Derval, le directeur, en acceptant un public majoritairement allemand « s'accommode » de la situation ; sa fortune personnelle est clairement due à la présence allemande mais, interrogé en 1946, il clamera son innocence. Il s'agit d'évaluer et de qualifier la collaboration des directeurs, des artistes et des spectateurs. Entre les étés 1940 et 1942, les recettes des théâtres et music-halls ont été multipliées par 20. L'hyper-individualisme est doublé d'un consumérisme effréné.


2. La SACEM et les enjeux de la gestion du droit d'auteur, par Yannick Simon (EHESS)


En 1940, trois innovations technologiques entraînent une modification de la gestion du droit d'auteur : l'enregistrement électrique, la radiodiffusion et le cinéma parlant. Il est d'autant plus tentant de légiférer que la législation de 1791-1793 est nettement obsolète. Pourtant, les propositions de Jean Zay n'aboutiront pas. La SACEM, créée en 1851, regroupe, en 1940, 12 500 sociétaires dont les trois quarts perçoivent moins de 400 francs par an. De son côté, la SACEM collecte 150 millions de francs. Elle gère les droits d'auteur des oeuvres musicales et du spectacle vivant mais aussi de la radio et du cinéma.

L'étatisation du droit d'auteur constitue une première rupture. Le 30 novembre 1941 est créé un Comité professionnel des auteurs et éditeurs de musique, chargé de la protection et de l'exploitation des œuvres, dont les enregistrements. La volonté de concentration consacre le rôle prédominant de l'État dont la mainmise se renforce en 1942 lorsque le comité professionnel nomme le président et les membres des commissions de la SACEM. La mise en place d'un service central de perception bénéficie d'une conjoncture favorable : les recettes de la SACEM confirment le taux de remplissage très élevé des activités artistiques.

La spoliation est une évidente remise en cause du droit d'auteur, même si les mesures d'exception envisagées pour les sociétaires juifs sont abandonnées. À la Libération, il ne reste presque rien du Comité professionnel, liquidé en août 1944. La SACEM et la SACD retrouvent leur autonomie. La première loi française sur la propriété littéraire et artistique sera édictée le 11 mars 1957.


3. Le comité d'organisation de l'industrie cinématographique (COIC), par Caroline Chaineaud (université Paris IV Paris-Sorbonne)


Les archives déficitaires du comité forcent à travailler sur des matériaux très orientés. La source principale est l'organe de la corporation du cinéma : La Revue interne du film. Le COIC présente un double visage : c'est un organisme de répression doublé d'une aide à l'assainissement professionnel. Il dépend à la fois des autorités d'Occupation et du gouvernement de Vichy. Des groupements corporatifs par branche sont fondus en 1940 dans l'organigramme du COIC en groupements exécutifs dénués de pouvoirs décisionnels.

L'organigramme du COIC révèle le rôle purement consultatif de la commission, dont les membres n'ont aucun pouvoir décisionnel. Le rôle d'intermédiaires des groupements exécutifs en fait les principaux agents des lois antisémites ordonnées par Vichy. L'organigramme du COIC évolue à de nombreuses reprises durant l'Occupation. Louis-Émile Galey, second commissaire, favorise la réalisation de films de qualité, met en avant les valeurs de la Révolution nationale tout en luttant, contre les autorités d'Occupation, pour la reconnaissance des droits des professionnels français.

Le COIC garde pour volonté première l'assainissement de la profession afin de garantir la reprise de la production, qui ne sera effective qu'en avril 1941 : les professionnels doivent justifier de leur non-appartenance à la race juive et fournir un extrait de leur casier judiciaire. L'harmonisation des règlements dans les deux zones permet un contrôle au niveau national. Le comité d'épuration du cinéma aura des difficultés à établir le rôle précis des membres du COIC et leur implication dans la collaboration. L'absence de preuves de culpabilité a sans doute favorisé les nombreuses relaxes dont ils ont été l'objet.


4. Presse, culture et propagande à Bordeaux sous l'Occupation, par Françoise Taliano des Garets (IEP Bordeaux)


L'histoire de la Seconde Guerre mondiale est encore taboue à Bordeaux : la presse présente peu d'écrits sur le sujet et le archives introuvables de la Petite Gironde réduisent à l'utilisation de sources indirectes. A la Libération, les trois grands journaux d'avant-guerre ont disparu. L'objet de cette recherche est d'évaluer le degré de compromission et les mécanismes juridiques et économiques à l'oeuvre.

Bordeaux est marqué par un terreau idéologique favorable à Vichy. Le 28 juin 1940, la presse passe sous contrôle préfectoral puis allemand. Les autorités d'Occupation n'établissent pas de censure directe mais instaurent une « fructueuse collaboration » basée sur un régime de responsabilité. Un rapport du 16 septembre organise la censure pour le Sud-Ouest visant à créer un « climat d'union sacrée ». Les journaux de la zone non occupée sont interdits et de nouveaux créés, sous réserve de l'autorisation de la Kommandantur. En avril 1942, censure et droit de contrôle français sont supprimés.

En février 1940, le titre le plus influent et le plus puissant, la Petite Gironde, tire à 350 000 exemplaires par mois. Les publications principales présentent une certaine stabilité jusqu'en 1943-1944, date à laquelle les tirages baissent de 10 % pour tous les journaux ; la pénurie de papier et l'impact du STO figurent parmi les causes principales de cette aggravation.


5. La photographie dans les quotidiens « repliés » : une progressive asphyxie, par Myriam Chermette (université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, UVSQ)


La part croissante de l'iconographie dans les journaux entraîne un bouleversement des pratiques de presse en général. Sous le régime de Vichy, on observe pourtant une chute progressive et vertigineuse du nombre de clichés dans les journaux « repliés » : il ne reste qu'une ou deux photos à la une en 1942 alors qu'on en comptait entre sept et neuf dans les années 1930. Les contraintes liées à la photographie s'exercent de la production à la publication, en passant par la diffusion.

Les obligations économiques et administratives l'emportent sur les tentatives d'adaptation des journaux. Les services iconographiques (documentation et photo-reportage) disparaissent, le personnel est licencié. Les rédactions, désorganisées, se tournent donc vers les agences de photographie accréditées par la Propaganda Abteilung et Vichy, agences dont le nombre passe d'une centaine à une dizaine pendant la période. La censure des autorités françaises exige que les photographies soient « positives » et les rédactions ont obligation de publier certains clichés avec leurs légendes et de respecter les formats. Les redondances mènent à une perte de crédit auprès du lectorat. La difficile circulation des images aggrave la situation en rendant ces dernières rapidement inutilisables car datées.

Les rédactions, privées d'images, opérèrent donc un retour aux formes anciennes comme les chroniques et trouvent dans l'illustration de l'actualité secondaire un biais à la censure. La photographie disparaît pourtant dans les journaux « repliés », littéralement asphyxiés. La profession est sclérosée en zone sud alors qu'au nord, l'utilisation de la photographie est encouragée par l'Occupant pour séduire le public le plus large possible.


Séance 5 : Le contrôle des entreprises de presse et de culture (Président : Christian Chevandier, université Paris I Panthéon-Sorbonne, CHS)

1. La Reichs-Rundfunk-Gesellschaft (RRG), centrale de commandement de la radio national-socialiste, par Muriel Favre (universités Paris X Nanterre et Stuttgart)


La RRG, dont le siège est à Berlin, regroupe 38 stations qui en composent les programmes avec, comme double objectif, de diffuser la voix du Führer et de « procurer la force par la joie ». Sous la République de Weimar, la RRG est une radio d'État dont la Reichspost a le monopole. Celle-ci prend l'initiative de créer des stations en faisant appel, du fait de la crise des années 1920, à des investisseurs privés tout en gardant le contrôle grâce au financement par la redevance et la publicité. Les stations, avides de s'organiser en réseau, créent la holding RRG, dont la Reichspost reste majoritaire.

La RRG libère les stations de certaines tâches et oriente leurs activités dans le sens voulu par la Reichspost qui contrôle, de son côté, les secteurs techniques, économiques et financiers ; n'ayant pas de pouvoirs en matière de programmes, elle se contente d'une surveillance. À la fin des années 1920, le pluralisme des stations gène et le gouvernement impose aux stations ses communiqués officiels. Sous le cabinet von Papen s'opère la nationalisation complète de la radio et en septembre 1932, l'État révoque les concessions octroyées aux investisseurs privés.

Goebbels, ministre de la propagande, a toute latitude pour organiser l'institution et tous pouvoirs en matière des programmes. Le 8 juillet 1933, le ministère devient l'unique propriétaire de la société. Le 1er janvier 1936, la publicité est interdite. Suivant le Führersprinzip, des nazis convaincus sont nommés aux postes-clés à la RRG comme dans les stations et Goebbels dicte l'épuration des niveaux intermédiaires ; le 9 juin 1940, les programmes régionaux sont fondus en un programme unique. Début 1942, il dessaisit la RRG de la conduite des programmes et à la fin de l'année, les services techniques sont rattachés au ministère. A la mort d'Hitler, le réseau est réduit à la seule station de Hambourg, qui cesse de diffuser le 13 mai 1945. La RRG est mise en liquidation en 1951.


2. Le marché du disque de jazz sous l'Occupation, par Gérard Régnier (université Paris I Panthéon-Sorbonne)


Le jazz, musique d'origine américaine, connaît paradoxalement un grand succès sous l'Occupation et la vente des disques est à l'image de l'ensemble de la production discographique de cette période : entre 1941 et 1943, le chiffre d'affaires de Pathé-Marconi augmente de plus de 22 %. La vague swing qui avait déferlé sur l'Europe dans la seconde moitié des années 3190 avait touché l'Allemagne et l'organisation des Jeux olympiques de Berlin en 1936 avait entraîné une pause dans les mesures de bannissement du jazz, considéré comme une musique « négro-judéo-anglo-saxonne », contraire à l'idéologie nazie.

Dès les débuts de l'Occupation, Charles Delaunay, directeur de la filiale Swing de Pathé-Marconi, pourra donc tout naturellement prendre l'initiative de mettre en avant l'appellation « jazz français », avec son personnage phare, Django Reinhardt, et pratiquer la francisation systématique des titres des standards américains. L'armée d'occupation compte de nombreux amateurs de jazz qui, avantagés par le change, constituent une clientèle assidue des disquaires. La pénurie de matière première s'accentuant, ceux-ci en viennent à racheter les vieux disques usés et même cassés à des fins de recyclage.

L'entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941 entraîne la parution d'une ordonnance décrétant que les droits des auteurs des citoyens américains sont considérés comme « propriété ennemie dans les territoires français occupés » et mis sous séquestre. Comme pour les concerts et à la radio, c'est la Propaganda Staffel qui est chargée du contrôle de la diffusion du jazz, et cela consiste essentiellement au niveau de l'enregistrement, à vérifier le caractère non américain des titres des morceaux. C'est à la SACEM qu'est confiée la gestion des droits d'auteur, titre francisé ou non, et l'organisation de leur séquestre. L'autocensure, avec la francisation des titres, a largement renforcé l'idée de l'interdiction du jazz. On a voulu oublier que les autorités d'occupation, ne disposant pas d'un service de censure efficace, étaient les premiers à apprécier ce maquillage.


3. Les administrateurs provisoires des galeries d'art parisiennes aryanisées, par Côme Favre.(université Paris IV Paris-Sorbonne)


L'Occupation est une période d'euphorie du marché de l'art. Les gérants de collections privées sont agents de leur propre profit et des intérêts antisémites. Certains ont aryanisé leur entreprise avant l'arrivée des Allemands. L'exemple de la galerie G. Wildenstein n'est pas représentatif : l'aryanisation de cette société au prestige exceptionnel est simulée. L'« empire Wildenstein » repose sur une véritable dynastie ; le siège de l'entreprise, rue de la Boétie, est à la hauteur de sa réputation. En sus d'un stock énorme et d'un réseau de clients et collectionneurs hors norme, la galerie possède une documentation très importante.

En 1938, le chiffre d'affaires s'élève à 2 millions de francs pour un bénéfice de 57 000 francs : la galerie vend à perte à sa filiale new-yorkaise et inscrit le gain rapatrié au passif de la société. La même année, G. Wildenstein abrite nombre de ses œuvres dans différents dépôts. Faisant jouer sa « dette » de 14 millions de francs, il fait appel au tribunal de la Seine pour que ce dernier opère une saisie conservatoire sur son stock, le mettant ainsi à l'abri des confiscations allemandes. Les affaires continuent jusqu'en 1944 entre Paris et New York : les deux places se répartissent le marché : à Paris, les œuvres anciennes proches du « goût allemand », à New York les plus contemporaines. Les services secrets du Trésor américain surveillent de près la correspondance entre les deux capitales.

A la Libération, G. Wildenstein récupère son immeuble et son entreprise mais est accusé par les services américains d'avoir profité de la situation. Les tribunaux français, craignant un effondrement du marché, limitent l'épuration. La valeur immatérielle de la galerie Wildenstein a sans doute joué un rôle non négligeable dans la permanence inhabituelle de la société.


4. Le séquestre des journaux interdits et la presse de la Libération : l'exemple du Granvillais, par Yves Guillauma (université Paris II Panthéon-Assas)


Fondé en 1869 par Victor Chesnais, Le Granvillais a connu plusieurs propriétaires au cours de son existence. Il représente un cas intéressant dans l'histoire de la presse hebdomadaire normande sous l'Occupation pour quatre raisons :

- après avoir été racheté par Georges Goueffic en octobre 1942, il a connu un développement de « l'activité presse » par rapport à « l'activité labeur », plus importante jusque-là ;

- à la différence de ses confrères dont les installations ont été détruites par les bombardements, il est sorti indemne de la guerre ;

- pendant les premières semaines de la Libération, sa situation s'est trouvée réglée à la fois par les ordonnances d'Alger et par le Cahier bleu ;

- son directeur, à qui l'administration des Domaines avait laissé l'utilisation de son imprimerie, placée sous séquestre le 30 décembre 1944, a occupé une place importante dans les deux hebdomadaires qui ont successivement remplacé Le Granvillais à la Libération : Le Renouveau et L'Essor de la Manche.

L'échec de ces deux journaux issus de la Résistance en raison de leur incapacité à répondre aux attentes d'une population majoritairement rurale et conservatrice, ainsi que le classement sans suite des poursuites engagées en 1945 contre Le Granvillais et son propriétaire, ont laissé à ce dernier le champ libre pour lancer un nouvel hebdomadaire en décembre 1948, Le Républicain de la Manche.


Conclusions

Jean-Pierre Rioux (CNRS) se montre satisfait de l'appropriation faite par les jeunes chercheurs de l'héritage proposé par les spécialistes de l'histoire culturelle depuis plus de vingt ans. Il note l'absorption des connaissances et bilans, se félicite d'une histoire revisitée car ouverte à la comparaison internationale, tout en constatant aussi le déplacement de l'objet : alors que le tandem permanence/rupture s'examinait prioritairement entre les années 1930 et Vichy, aujourd'hui, les questionnements prennent en considération, de façon plus accrue, l'aval et de fait, les processus sur le temps long qui incluent les enjeux de l'épuration. Selon lui, l'une des leçons à tirer de ce colloque est la validité - côte à côte - des objets « Presse » et « Culture » dans une problématique qui examine le comportement des entreprises. Il constate que les débats ont montré que les sources étaient suffisamment denses pour autoriser la construction d'une histoire économique et sociale des industries culturelles et des organes de presse.


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Cécile Robin

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Dernière mise à jour de cette page le 15 Décembre 2009 à 11h30.