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Yves Bonnefoy : écrits récents (2001-2009)

Yves Bonnefoy : écrits récents (2001-2009)

Publié le par Florian Pennanech (Source : Dagmar Wieser)

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L'oeuvre de poésie et de prose d'Yves Bonnefoy, qui a débutédans les années cinquante et qui s'étend donc sur plus de cinquante ans, secaractérise dans les années récentes par une amplification et une féconditéétonnantes. En témoigne le grand nombre des publications en volume ou en revue(voir la bibliographie ci-dessous, qui couvre la seule période 2001-2008). Maisaussi le souci presque manifeste avec lequel sont remis en chantier des champs précédemmentparcourus : création poétique, réflexion critique sur les oeuvreslittéraires, essais sur des peintres, collaboration avec des artistes pour deslivres qui allient poèmes de Bonnefoy et « illustrations » par desartistes contemporains (Ostovani, Titus-Carmel, Hollan, etc.). Et enfin ledésir d'aborder des champs de la création artistique demeurés jusqu'alors pluséloignés de ses préoccupations : c'est le cas de la musique, avec L'Alliancede la poésie et de la musique, 2007.

C'est ainsiqu'Yves Bonnefoy réexplore dans les poèmes récents des situationsexistentielles ou des images qui étaient certes déjà apparues dansl'oeuvre antérieure: la barque, le fleuve, le rêve ; oul'entremêlement du poème, du récitet de la méditation, déjà présent, par exemple, dans la série des Raisins deZeuxis (1987-1993) ou dans « De vent et defumée » (1990), poème dans lequel le mythe d'Hélène était exploré sousl'angle de la création artistique et du rapport entre le signe et le sens. Maisoutre que ce nouveau mouvement poétique intègre plus ouvertement une dimension« autobiographique », il passe par un renouvellement desformes : développement du « récit en rêve » ; développement de la forme longue dupoème dans Les Planches courbes (2001) et dans LaLongue Chaîne de l'ancre (2008), et il aboutit à unmouvement de grande ampleur qui intègre aussi au poème la réflexion critique,faisant paraître dans le poème des artistes qui ont fait l'objet de textescritiques ou de traductions de sa part : Elsheimer, Leopardi, Shakespeare,pour ne citer qu'eux.

C'est ainsi également qu'Yves Bonnefoy se penche à nouveausur des auteurs ou à des artistes auxquels il avait déjà consacré desessais : André Breton et le surréalisme, Rimbaud, Baudelaire, Borges, Giacometti, Goya,puisque son dessein de poète est de comprendre « les grandesoeuvres ». Ce qui se met enplace dans cette reprise obstinée d'une réflexion entamée depuis des décennies,ce n'est pas le désir de tirer des conclusions, de rendre justice ou d'aboutirà des explications figées et définitives : « ne jamais s'en tenir àce que pour l'instant l'on peut se croire fondé à dire », écrit-il dans lapréface du Goya. C'est celui de réenvisager lesquestions soulevées dans une perspective qui en restant toujours celle de lacréation poétique, englobe celles de l'histoire des idées ou de l'histoire del'art, mais en y assumant de plus en plus ouvertement une parole risquée, etl' « engagement en soi », seule voie pour rejoindre« l'universel » de la création artistique et, par là-même, del'être-au-monde.

C'est certainement le livre sur Goya, les peinturesnoires (2006) qui affirme le plus fermement cettenouvelle manière. Mais elle est présente aussi dans le Breton à l'avant de soi (2001) dans lequel la réflexion sur Breton est menée parallèlement àune méditation sur son propre rapport au surréalisme et à une étude de lapensée de Chestov, rencontrée dans les mêmes années que Breton.

Or les quelques colloques récents et importants consacrés àl'oeuvre d'Yves Bonnefoy, qui ont donné lieu à des volumes d'actes : Lumièreet nuit des images (M. Gagnebin dir., 2005) ou YvesBonnefoy. Poésie, recherche et savoirs (P. Née et D.Lançon dir., 2007), n'avaient pas centré leur objet d'étude sur les livresd'Yves Bonnefoy les plus récents, mais sur la problématique générale de sonoeuvre, considérée dans son ensemble et de manière achronique. C'est le casaussi du Cahier de l'Herne en préparation sous ladirection d'Odile Bombarde (co-organisatrice du colloque Yves Bonnefoy.Écrits récents) et de Jean-Paul Avice. Les référencesutilisées par les spécialistes de l'oeuvre qui ont participé à ces rencontres età ces volumes vont, le plus naturellement et le plus normalement du monde, àdes textes essentiels d'Yves Bonnefoy, mais souvent de préférence aux textesles plus anciens, qui ont été les premiers à impressionner ses lecteurs, maisne sont pas ceux qui peuvent le mieux rendre compte de la capacité propre àYves Bonnefoy – capacité étonnante et paradoxale – de fidélité à soi-même et derégénération. Pour ne prendre qu'un exemple, Plotin est un auteur qui abeaucoup compté dans l'oeuvre de Bonnefoy jeune, à l'époque de Du mouvementet de l'immobilité de Douve et des essais réunis dans L'Improbable. Mais il serait trompeur de rapporter à Plotin ses livres récents, carses lectures, ses références philosophiques et ses points d'appel ontconsidérablement changé en quarante ans. De même Shakespeare, qui a été et quidemeure un auteur central, n'est ni traduit, ni lu par Bonnefoy selon des axessemblables à ceux qu'il suivait dans les années soixante, période d'intenseactivité de traduction.

Pour saisir le dynamisme de cette oeuvre incroyablementvivante et protéiforme, qui refuse de se cantonner à des positions autrefoisadoptées, tout en mettant toujours au premier plan l'acte poétique, avec unefidélité et une constance stimulantes en notre époque à laquelle fait défautl'espérance, il nous paraît important de réunir des chercheurs de plusieurspays – où la relève scientifique suisse figure également – qui se donnerontpour règle de centrer leur réflexion sur les oeuvres publiées depuis une dizained'années, afin de mesurer à la fois la richesse de cet ensemble considéré enlui-même, et la distance qu'il prend avec son propre passé : dans l'oeuvredu poète, dans celle du critique, et dans celle du traducteur.

C'est le projet que se donne le colloque Yves Bonnefoy.Écrits récents (2001-2009) qui se réunira àl'Université de Zürich du 14 au 16 octobre 2009.