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Webdocumentaire, documentaire interactif, idoc, jeu documentaire… Les enjeux des « nouvelles » formes audiovisuelles documentaires 

Webdocumentaire, documentaire interactif, idoc, jeu documentaire… Les enjeux des « nouvelles » formes audiovisuelles documentaires

Publié le par Alexandre Gefen (Source : ENTRELACS N°12 )

Sous l’impulsion du Web 2.0, de nouvelles formes audiovisuelles ont vu le jour, remettant en cause non seulement le film dans son acception traditionnelle, mais également la posture spectatorielle, telle qu’on a pu l’appréhender dans son rapport au complexe salle/écran/projecteur. Que reste-t-il en effet du film quand ses formes, soudain ouvertes, délinéarisées, variables, se déploient à partir d’une interface selon un « graphe de navigation »1 qui sollicite et engage un « spectateur actant »2 ? Comment penser la représentation, les modes de narration, quand l’objet audiovisuel devient modulaire, manipulable, « actable »3, quand l’accès à l’objet même offre de multiples entrées et s’ouvre sur autant de prolongements ? Comment envisager les modalités de la réception, quand les spectateurs s’informent en utilisateurs, en joueurs, voire en « co-créateurs » ?

Ces questionnements semblent d’autant plus nécessaires dès lors que les propositions audiovisuelles interactives, sinon participatives, s’attachent à « documenter le réel ».

Pour son douzième numéro, Entrelacs, revue scientifique éditée par l’École Supérieure d’Audiovisuel et le Laboratoire de Recherche en Audiovisuel de l’Université Toulouse - Jean Jaurès (L.A.R.A.) propose de réfléchir aux enjeux esthétiques, narratifs, voire idéologiques des « nouvelles » formes audiovisuelles documentaires à l’heure des écrans connectés (ordinateurs, tablettes tactiles, écrans hybrides, smartphones).

Dès 2002, à l’occasion d’un cycle intitulé les ciném@s de demain, le Centre Pompidou proposait une réflexion sur un objet audiovisuel émergent, le « web documentaire » : « un documentaire travaillé avec les outils multimédia, textes, images, vidéos, une manière de mettre les nouvelles technologies au service de la connaissance et d'un point de vue »4. Si les initiateurs de la manifestation insistèrent sur la variété de ses formes, ils le pensèrent néanmoins déjà comme « un genre [certes] encore peu exploité, parce que (…) mal défini (..) aux frontières de la webtv, du magazine en ligne ou du journal de bord »5.

Si quelques expériences audiovisuelles hybrides ont émergé sur le web au tournant des années 20006, la production de formes documentaires « connectées » s’est réellement développée en France autour des années 2008-2010, avec des réalisations marquantes comme Voyage au bout du charbon de Samuel Bollendorf (2008), Gaza/Sderot (2008), Prison Valley de David Dufresne (2010) ou encore Brèves de trottoirs d’Olivier Lambert et Thomas Salva (2010). Dans un même élan, des sociétés de production spécialisées dans les nouvelles écritures audiovisuelles ont vu le jour (Honkytonk, Narrative, Darjeeling, Hans Lucas, Ligne 4...)7, tout comme des services dédiés dans les groupes audiovisuels publics (Arte Pôle Web, Département des Nouvelles Ecritures de France Télévisions). A l'instar de son rôle de soutien à la production cinématographique, le CNC a favorisé le développement de ces « nouvelles » formes en ouvrant en 2007 un fonds d'aide aux projets « nouveaux médias » afin d'accompagner « les ?uvres audiovisuelles innovantes qui intègrent les spécificités de l'Internet et/ou des écrans mobiles dans leur démarche artistique et de diffusion »8.

D'un point de vue pratique, la réalisation de ces « ?uvres » nécessite la collaboration de compétences et métiers éloignés du secteur cinématographique : développeur, webdesigner, web architect, community manager... De plus, il apparaît que la majorité d'entre elles sont initiées par des journalistes, des photo-journalistes ou des photographes. C'est peut-être ce qui explique une certaine méfiance du milieu cinématographique pour ces formes, voire même un rejet total de la part de certains cinéastes, comme en témoigne par exemple cette critique pour le moins radicale du documentariste Rémi Lainé dans la Lettre de la Société Civile des Auteurs Multimédias de février 2010 : « Le documentaire n'a-t-il pas vocation à embarquer son auditoire dans une histoire, lui faire oublier le temps d'un film qu'il est devant un écran (…). Sur le net, nous explique-t-on, il convient de “délinéariser” le récit. (…) Ce que l'on découvre reste très consensuel et l'invitation au clic n'y change rien. Jamais la forme ne débride le propos. La réflexion semble s'arrêter à l'habillage. Sur le fond, rien qui n'ait déjà été vu et revu à la télé (…)»9.

 

Qu’en est-il aujourd’hui, alors que les propositions audiovisuelles documentaires sur le web pullulent, comme en atteste le travail de catalogage de la platerforme webdocu.fr. ? Peut-on véritablement parler de genre, voire de sous-genre, sinon de format ? Y a-t-il des critères distinctifs communs à ces projets ?

L’hétérogénéité des formes documentaires connectées, qui se manifeste dans l’instabilité des termes pour les qualifier (documentaire interactif, webdoc, webdocumentaire, idoc, jeu documentaire, expérience documentaire interactive…) rend finalement caduque toute tentative de stricte dénomination. Ce flou terminologique ne saurait néanmoins masquer la présence de références lexicales communes. Quelles que soient les appellations employées, on remarque en effet que perdure un terme principal, celui de « documentaire », accolé à un critère technologique qui a trait soit au médium/à la spécificité du canal de diffusion (le web), soit à la qualité de la relation entre le récepteur et le programme (interactif)10. La référence au genre cinématographique (documentaire), comme si elle était garante d’une certaine légitimité, paraît donc essentielle aussi bien pour les concepteurs de ces formes que pour leurs commentateurs ; pourtant hormis quelques expérimentateurs, peu de cinéastes s’en sont jusque-là réellement emparés11

Ce numéro d’Entrelacs vise précisément à interroger ces « nouvelles » formes au regard du cinéma d’une façon générale, et du documentaire en particulier, tant du point de vue de la création, que de la réception. Ce numéro est ouvert aux chercheuses et chercheurs, ainsi qu’aux réalisatrices, réalisateurs, cinéastes, artistes qui développent une pratique autour des écritures documentaires sur le web.

 

Les propositions de contribution pourront notamment porter sur :

- les modalités de construction du récit (délinéarisation, modularité, parcellisation...)

- les régimes de représentation du réel

- la transformation des postures spectatorielles (engagement, participation, immersion, mobilité...)

- la spécificité du dispositif / de l'interface (interactivité, jouabilité...)

- le croisement de différentes pratiques médiatiques (cinéma, télévision, presse, web)

 

Modalités de soumission :

Les propositions doivent être transmises par courrier électronique avant 15 décembre 2014 à claire.chatelet@univ-montp3.fr

La réception de chaque proposition donnera lieu à un accusé de réception par mail.

La proposition livrée en fichier attaché (titrée au nom de l’auteur) au format rtf, doc ou odt, sera composée de 2 parties :

une proposition de contribution entre 1500 à 3000 signes maximum.

une courte biographie du(des) auteur(s), incluant titres scientifiques et principales publications récentes - une page maximum.

Organisation de la sélection :

Chaque auteur recevra un avis circonstancié qui indiquera l’acceptation (conditionnée ou non), ou le refus de l’article. Les propositions acceptées devront ensuite être modifiées en fonction des remarques du comité de lecture.

Modalités techniques :

L’article définitif devra respecter les conventions typographiques et de mise en page qui seront à consulter sur le site de la revue à l'adresse suivante : http://entrelacs.revues.org/371

La taille de l’article sera comprise entre 15 000 et 30 000 signes espaces compris. Il sera envoyé par voie électronique sous la forme d’un fichier au format rtf, doc ou odt, contenant le titre, le résumé (10 lignes environ), le texte et, le cas échéant, ses illustrations libres de droit (de préférence en tif ou eps, résolution 300 ppp), numérotées par ordre (figure 1, figure 2, etc.) et légendées.

Publication :

Les articles seront publiés en avril 2015 par voie électronique dans l’espace de publication du site web d'Entrelacs : http://entrelacs.revues.org sur le portail revues.org du CLEO / CNRS

Calendrier (dates importantes) :

Date limite de soumission : 15 février 2015

Notification d'acceptation des propositions : fin février 2015

Remise des textes complets (30 000 signes maximum, espaces compris) :

fin mars 2015

Publication : avril 2015

Directeur de la publication

Pierre ARBUS, MCF, École Supérieure d’Audiovisuel (ESAV : esav.fr) / Laboratoire de Recherche en Audiovisuel (LARA : lara.univ-tlse2.fr / lara.hypotheses.org)

Rédactrice en chef du numéro 12 :

Claire Chatelet, maître de conférences en audiovisuel, Université Paul-Valéry Montpellier (RIRRA21)

Comité scientifique :

Pierre Arbus (MCF Université Jean Jaurès Toulouse, LARA)

Claire Chatelet (MCF Université Paul-Valéry, Montpellier, RIRRA21)

Sébastien Denis (PR Université de Picardie - Jules Verne, CRAE)

Marida Di Crosta (MCF Université Jean Moulin Lyon 3, PARAGRAPHE, Paris 8)

Jean-Louis Dufour (MCF Université Jean Jaurès Toulouse, LARA)

Amanda Roblès (documentariste, chargée de cours, chercheure associée LARA)

Julie Savelli (MCF Université Paul-Valéry Montpellier, RIRRA21)

 

 

1 Selon les termes de Jean-Louis Weissberg (Présence à distance : Déplacement virtuel et réseaux numériques : pourquoi nous ne croyons plus à la télévision, L’Harmattan, 2000).

2 Pour reprendre la formule de Marida Di Crosta (Entre cinéma et jeux vidéo : l’interface-film, Bruxelles/Paris, De Boeck/Ina, 2009). Jean-Louis Weissberg proposa dès 2000, le concept largement repris de « spectacteur ».

3 Marida di Crosta propose les terminologies de « films actables » et d’ « interface-film » en expliquant : « Interface-film est pour moi un synonyme moins équivoque de film interactif. Cela désigne moins un genre qu’une configuration langagière spécifique à ces objets hybrides, à mi-chemin entre le film et autre chose » (ibid., p.8). Quant à Gwenola Wagon, elle envisage un « cinéma jouable » (Thèse de doctorat, « Utopies d’un cinéma interactif Accessibilité des images en mouvement », sous la direction de Jean-Louis Boissier, Université Paris 8, 2006).

4 http://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cibK7r/rAd9B

5 Ibid.

6 Car l’évolution de l’internet les ont rendu techniquement possibles. C.f La Cité des mortes (2005), Thanatorama (2007).

7 Upian, l’une des société de productions les plus actives existe depuis 1998, spécialisée au départ dans la création et le développement de sites Web publicitaires, événementiels et corporate, ainsi que la conception et le développement jeux en ligne.

8 C.f : http://www.cnc.fr/web/fr/aide-aux-projets-nouveaux-medias

9 C.f : « Ecran de fumée » de Rémi Lainé (p.9). Disponible sur : http://www.scam.fr/Portals/0/Contenus/documents/lettres/BAT37_lettre_Scam.pdf

10 Interactivité qui apparaît de façon plus implicite il est vrai, dans la référence aux modalités de médiation des jeux-vidéo dans le terme « jeu documentaire » proposé notamment par les concepteurs de Fort Mac Money (2013).

11 Beaucoup d’expérimentatrices on pense à La vie à sac de Sólveig Anspach (2010), pour Médecins du Monde à l’occasion des trente ans de l'association, Laeticia Masson pour The End etc…(2013), Claire Simon pour la version interactive de Gare du Nord, ou encore Yaël André pour Synaps (2014). Dans ces deux derniers cas il s’agit d’un projet qui accompagne un film linéaire pour le cinéma ou la télévision. Quelques expérimentateurs aussi comme le cinéaste franco-marocain Nabil Ayouch avec To My Land (2014) sorte de journal de bord « interactif » poursuivant son film documentaire My Land sorti en 2013, Ritty Panh avec le projet participatif One Dollar (2014), Vincent Ravalec avec Zero G : un vol sans gravité (2013), Lech Kowalski avec Cuts (2012).