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Voyage des concepts : itinéraires et modalités (revue des sciences humaines et sociales À l'épreuve)

Voyage des concepts : itinéraires et modalités (revue des sciences humaines et sociales À l'épreuve)

Publié le par Marc Escola (Source : Revue À l'épreuve)

Voyage des concepts : itinéraires et modalités

 

Le deuxième numéro de la revue À l’épreuve voudrait interroger l’hypothèse d’une circulation transnationale et transdisciplinaire des concepts en fonction des mouvements épistémiques, des contextes historiques, des pratiques langagières, des déterminations culturelles, des doctrines, des systèmes d’héritage et des traductions.

Le concept renvoie à la représentation abstraite d’un objet ou d’une idée conçue dans un cadre disciplinaire — avec ce que cela implique de taxinomie, d’opération théorique et logique —, dans une géographie et une temporalité précises, et notamment pour des objectifs spécifiques. Toutefois, le concept se déplace dans le temps et dans l’espace, en se transformant aux rythmes des langues, des imaginaires ou des champs de savoir et des sphères humaines qui l’accueillent. En effet, le voyage ou la migration des concepts implique en amont un terreau de naissance et, en aval, un sol de réception et de transformation. Son activité théorique et empirique se fait suivant des commencements, des ruptures et des continuités. Elle concerne des imaginaires multiples, des univers de pensée en dialogue, des genres hétéroclites et complexes, des intentionnalités contiguës ou contradictoires. Il y a ainsi un constant devenir du concept qui remet en question son identité primordiale ou originaire, identité souvent attribuée en fonction de son lieu d’émergence.

Si le concept voyage ou migre, cela suppose qu’il suit des itinéraires pressentis ou prend des trajectoires imprévisibles selon des conditions et des modalités particulières. Les itinéraires de ces voyages peuvent être disciplinaires, géographiques et temporels. On pourrait prendre pour exemple le concept de « discours ». Ce dernier se retrouve dans les travaux du linguiste Émile Benveniste, en philosophie politique chez Michel Foucault et dans les théories interculturelles d’Edward Said. Il se déplace ainsi au sein de disciplines, de géographies – France et États-Unis – et de temporalités différentes, entre les années 1960 et 1970. Aussi, Charles Sanders Peirce développe à la fin du XIXe siècle une théorie basée sur l’étude des signes et de leur signification qu’il appellera la sémiotique. À la même époque, Ferdinand de Saussure s’attachera à fonder les bases de la linguistique générale en insufflant l’idée d’une sémiologie plus générale. Barthes intégrera ces conceptions à l’analyse de tous les systèmes de signes – notamment les systèmes non-linguistiques –, alors qu’en 1975, Jean-Jacques Nattiez établira les Fondements d’une sémiologie de la musique.

La construction de tels itinéraires soulève plusieurs interrogations, notamment celle de savoir si un même terme recoupe nécessairement un même concept dans des champs disciplinaires, géographiques et culturels différents, celle de l’attribution d’un concept à tel ou tel auteur, celle de la reprise même du concept et de sa survivance, ou encore celle des lieux dont les conditions, qu’elles soient hostiles ou favorables, sont déterminantes.

Ainsi, retracer ces itinéraires implique d’étudier les modalités et conditions qui les constituent et les permettent. Ces modalités sont des faits, des événements et/ou des motivations d’ordre historique, politique, scientifique et/ou culturel qui jouent un rôle déterminant sur les trajectoires empruntées par les concepts. La traduction en elle-même peut être un voyage. Venant de Bulgarie en France pendant les années soixante, le jeune théoricien de la littérature Tzvetan Todorov traduit en français – dans Théorie de la littérature –, des textes des formalistes russes dont les concepts ont participé au renouvellement de la critique littéraire en France.

Afin de répondre aux interrogations que suscite le voyage des concepts, les contributions pourront porter sur les points suivants :

  • Il pourra s’agir de cartographier précisément les déplacements d’un concept spécifique entre différents lieux disciplinaires, géographiques et auctoriaux dans une période déterminée, et de mesurer le degré de transformation de ce dernier.

  • Aussi, une réflexion critique pourra être menée sur une ou plusieurs études ayant déjà retracé l’itinéraire d’un même concept. Il s’agira d’examiner les différences de construction de ces itinéraires et les conflits d’interprétation et de réinterprétation au cœur de ces migrations conceptuelles. On pourra notamment s’intéresser aux motivations idéologiques et aux conditions politiques qui orientent de tels choix. On pourra également prêter attention aux choix des auteurs et des lieux de passage convoqués dans la construction de ces itinéraires.

  • Par ailleurs, si le concept est souvent rattaché à un auteur, la personne du chercheur conçue à la fois comme émetteur et récepteur devient une figure à questionner. Les lieux d’où provient sa parole – qu’ils soient géographiques, disciplinaires ou temporels –, ses héritages et traditions de pensée, la spécificité de ses objets d’étude, ses positionnements intellectuels, ses possibilités d’ouverture et de dialogue avec le monde et surtout son implication dans la recréation, la transformation et la circulation d’un concept précis seront autant d’éléments susceptibles d’être étudiés.

Cet appel à contribution s’adresse à toutes les disciplines des sciences humaines et sociales (la littérature, les études cinématographiques, les études théâtrales, la musicologie, les arts plastiques, la philosophie, l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, la géographie, etc.).

Les propositions, de 400 mots maximum, sont à envoyer à alepreuve34@gmail.com avant le 30 janvier 2015. Elles devront contenir un court curriculum vitae. Une réponse sera donnée aux auteurs le 1er mars 2015 après examen par le comité scientifique de la revue. Les articles devront être rédigés et envoyés à la même adresse pour le 10 juin 2015. Le deuxième numéro de À l’épreuve intitulé « Voyage des concepts : itinéraires et modalités » paraîtra en novembre 2015.

 

Comité de direction :
Olivier Migliore, Ammar Kandeel, Canissius Allogho

Comité scientifique :
Marie-Ève Thérenty, Professeur de Littérature française à l’université Paul Valéry Montpellier III.
Philippe Goudard, Professeur en Arts du spectacle à l’université Paul Valéry Montpellier III.
Frédéric Mambenga, Maître de conférences en Littérature française et comparée à l’université Omar Bongo, Libreville, Gabon.
Yvan Nommick, Professeur de Musicologie à l’université Paul Valéry Montpellier III.
Guilherme Carvalho, Maître de conférences en Musicologie à l’université Paul Valéry Montpellier III.
Guillaume Pinson, Professeur de Littérature française et québécoise à l’université Laval, Québec, Canada.
Guillaume Boulangé, Maître de conférences en Études cinématographiques et audiovisuelles à l’université Montpellier III.
Corinne Saminadayar-Perrin, Professeur de Littérature française à l’université Paul Valéry Montpellier III.
Catherine Nesci, Professeur de Littérature française à l’université de Californie, Santa-Barbara.
Maxime Scheinfeigel, Professeur en Études cinématographiques et audiovisuelles à l’université Paul Valéry Montpellier III.
Catherine Soulier, Maître de conférences en Littérature française à l’université Paul Valéry Montpellier III.

 

Bibliographie :

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Mudimbe, Valentin-Yves, L’Odeur du Père : essai sur les limites de la science et de la vie en Afrique noire, Paris, Présence Africaine, 1982.

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  • The World, the Text, and the Critic, Cambridge, Harvard University Press, 1983.