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Voix & voies de l'expérience en littérature

Voix & voies de l'expérience en littérature

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Marie-Pier Bourret-Lafleur)

Appel à communications

Voix et voies de l’expérience en littérature

 

Colloque estudiantin organisé par le Département de langue et littérature françaises

de l’Université McGill

29-30 janvier 2015

 

Le XXe siècle, paraitrait-il, aurait été témoin de la désertion de l’expérience. Dans Expérience et pauvreté (1933), Walter Benjamin impute cette chute à la Première Guerre mondiale et à la technicisation du monde : « jamais expériences acquises n’ont été aussi radicalement démenties que l’expérience stratégique par la guerre de position, l’expérience économique par l’inflation, l’expérience corporelle par l’épreuve de la fin, l’expérience morale par les manœuvres des gouvernements ». La principale victime de ces expériences limites, à la fois collectives et individuelles, ce n’est nulle autre que l’existence quotidienne, qui se serait désenchantée, vidée de son sens. Pire encore, la parole, en tant que courroie de transmission de l’expérience, qui tirait jusque-là son autorité dans la valeur même de ces expériences, aurait ainsi perdu ce pouvoir de transmission.

Toutefois, en littérature, malgré ces ébranlements, l’expérience perdure; elle se transforme. Dans L’expérience intérieure, Georges Bataille écrit que l’expérience nouvelle, qui se présente à l’homme aux prises avec le règne de la destruction, est celle d’un non-savoir, « d’un voyage au bout du possible de l’homme ». En quête de lueurs en ces temps d’obscurité, Georges Didi-Huberman ajoute dans Survivances des lucioles (2009) que si le cours de l’expérience a chuté, elle n’en est pas moins là : « la chute est encore expérience, c’est-à-dire contestation, dans son mouvement même, de la chute subie ».

Plus que jamais, depuis la seconde moitié du XXe siècle, les écrivains n’ont cessé de revendiquer le primat de l’expérience : André Malraux définira le roman comme « [j]ugement de la vie, expérience de la vie », Alain Robbe-Grillet présentera le romancier comme un homme qui ne peut faire rien d’autre que présenter son « expérience limitée du monde », ou encore, Romain Gary soutiendra que le personnage n’est possible que par « l’expérience des autres [qui] nous concerne et nous complète ». Enfin, plus près de nous, en 2013, Pierre Bergounioux retrouve l’expérience dans le style comme manifestation de voix individuelles.

Pour sa 7e édition qui aura lieu les 29 et 30 janvier 2015, le colloque estudiantin du Département de langue et littérature françaises de l’Université McGill souhaite explorer les voies possibles de l’expérience en littérature, notamment au regard de la question suivante : le texte littéraire est-il transmission de l’expérience, ou se donne-t-il plutôt comme immédiat, se faisant lui-même expérience? Nous suggérons ici quelques pistes de réflexion, non restrictives :

  • Les manifestations singulières de l’expérience dans un texte donné;

  • La transmission de l’expérience devant la perte d’autorité de la parole littéraire;

  • La mise en scène de l’expérience du quotidien dans le texte littéraire;

  • Expérience et expérimentations, le texte comme laboratoire;

  • Phénoménologie et littérature : la question du vécu;

  • La lecture (et la relecture) comme expérience du texte;

  • Approches théoriques de la notion d’expérience;

  • Les usages de l’expérience dans le discours social nous intéressent aussi.

 

Les communications, présentées en français, seront d’une durée de vingt minutes et suivies d’une période de questions de dix minutes.

Vous êtes priés d’envoyer vos propositions de communications d’une longueur maximale de 350 mots à l’adresse suivante : colloqueexperience@gmail.com, au plus tard le 15 décembre 2014. Les propositions doivent être accompagnées d’un titre, d’une bibliographie indicative et d’une courte notice biographique.

 

Comité organisateur : Guillaume Ménard, Jolianne Bourgeois, Marie-Pier Bourret-Lafleur et Philippe Robichaud

 

Bibliographie indicative

ADORNO, Theodor W. « L’essai comme forme » dans Notes sur la littérature, Garnier-Flammarion, coll. « Champs Flammarion Sciences », 1999.

AGAMBEM, Giorgio. Ce qui reste d’Auschwitz, Paris, Payot Rivages, coll. « Petite Bibliothèque », 2003 [1999].

  • Enfances et histoire. Destruction de l’expérience et origine de l’histoire, Payot Rivages, coll. « Petite Bibliothèque », 2002.

BATAILLE, George. L’expérience intérieure, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1978.

BÉGOUT, Bruce. La Découverte du quotidien. Éléments pour une phénoménologie du monde de la vie, Paris, Allia, 2005.

BENJAMIN, Walter. « Expérience et pauvreté » dans Œuvres II, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 2000, p. 364-372.

BERGOUNIOUX, Pierre. Le style comme expérience, Paris, Éditions de l’Olivier, coll. « Penser/Rêver », 2013.

DE CERTEAU, Michel. Les arts de faire. Tome I. Invention du quotidien, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1990.

DIDI-HUBERMAN, George. La survivance des lucioles, Paris, Minuit, 2009.

GARY, Romain. Pour Sganarelle. Recherche d’un personnage et d’un roman, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1965.

GASPARINI, Philippe. La tentation autobiographique. De l’Antiquité à la Renaissance, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2013.

LISSE, Michel. L’expérience de la lecture. Tome I. La soumission, Paris, Galilée, coll. « La philosophie en effet », 1998.

LISSE, Michel. L’expérience de la lecture. Tome 2. Le glissement, Paris, Galilée, coll. « La philosophie en effet », 2001.

MALRAUX, André. L’Homme précaire et la littérature, Paris, Gallimard, 1977.

RICŒUR, Paul. Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1996.

ROBBE-GRILLET, Alain. Pour un nouveau roman, Paris, Minuit, 1961.