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Valeurs du lieu commun (Genève)

Valeurs du lieu commun (Genève)

Publié le par Emilien Sermier (Source : Annick Ettlin)

Les écrivains modernes ont-ils pensé le lieu commun, non pour le détourner, mais pour mesurer son pouvoir d’action et sa valeur? De quelles ambivalences la présence du cliché dans le corpus moderne, puis postmoderne (XIXe-XXIe siècles), est-elle marquée?

Parole de tous les jours, «impure» par excellence, signe de banalité... le lieu commun, issu de la rhétorique traditionnelle, n’acquiert son sens péjoratif qu’au seuil de la modernité et lorsque la littérature devient autonome. Son exclusion hors du champ de la poésie coïncide avec l’émergence d’une nouvelle «idée de littérature», définie notamment par l’utopie d’un «double état de la parole» (Mallarmé), le rêve d’une langue qui appartiendrait en propre à la littérature et n’appartiendrait qu’à elle. Chez les modernes, le lieu commun agit comme un marqueur paradoxal de valeur, qu’il permette de distinguer entre discours littéraire et discours ordinaire ou de séparer les textes appartenant aux genres majeurs de ceux qu’on relègue du côté du «mineur». Pourtant, et les écrivains des XIXe et XXe siècles le savent déjà, le lieu commun n’est pas tout à fait sans valeur: il possède par exemple une extraordinaire puissance de propagation, à la fois dans l’espace et dans le temps, des vertus phatiques, peut-être même une valeur esthétique propre; il est surtout le signe et l’outil d’une pensée collective, et participe à la construction d’une communauté de laquelle les écrivains modernes ne désirent probablement pas se détourner. S’il n’a que peu de contenu et ne vaut guère «en tant que tel», il a pourtant une indéniable valeur d’usage, il joue des rôles, remplit des fonctions, dont la littérature et sa circulation dépendent au moins en partie. Le lieu commun, littéralement, peut être un espace de rencontre entre l’art et la foule, entre l’art et la vie.

Peut-on lire aujourd’hui les écrivains modernes par-delà leur propre doxa, celle qui soupçonne le langage ordinaire, sépare littérature et rhétorique, néglige les usages et les stratégies du texte, élève l’artiste au-dessus de l’homme commun? Peut-on envisager que la littérature, après tout, s’inspire du lieu commun, qu’elle en déploie une certaine poétique?

Ces journées d’étude sont organisées avec le soutien de
la Faculté des Lettres, du Département de langue et de littérature françaises modernes et du Fonds national suisse.

Organisation: Annick Ettlin

Informations: Annick.Ettlin@unige.ch ou secretariat-framo@unige.ch

 

Programme:

Jeudi 20 octobre (Uni Bastions, salle B111)

10h Ouverture des journées d’étude, par MARTIN RUEFF (UNIGE)

10h15 Introduction, par ANNICK ETTLIN (FNS)

10h30 NICOLAS WITTWER (UNIGE) : Un «style singulièrement commun»: imaginaire de la langue et poétique de Charles Nodier

11h MARIA GAL (UNIGE) : Clichés balzaciens: une esthétique du premier degré

11h30 Discussion

14h VALÉRIE BUCHELI (UNIGE) : Les «Comices viticoles» de Passage du poète: Ramuz, Flaubert et le discours médiocre

14h30 ISABELLE PITTELOUD (CISA): Flaubert lu et relu: variations sur Un cœur simple 

15h Discussion

16h DANIELE CARLUCCIO (UNIGE): Roland Barthes: la résurrection du stéréotype

16h30 NATACHA ALLET (UNIGE): Le motif des mains croisées: Michelle Desbordes

17h Discussion

Vendredi 21 octobre (Uni Bastions, salle B111)

10h15 Introduction, par PHILIPPE GEINOZ (UNIGE)

10h30 JULIEN ZANETTA (FNS) : Haro sur le poncif: Baudelaire, Silvestre et la peinture du lieu commun

11h NILS COUTURIER (UNIGE) : Du lieu commun à la communauté: aspects d’un topos fin-de-siècle dans la poésie de Jules Laforgue

11h30 Discussion

14h PASCAL DURAND (Université de Liège) : Mallarmé et le motif commun

14h30 MARGOT FAVARD (Université de Paris-VII) : Mallarmé et la «valeur de bizarrerie» du poète comme ombre

15h ANNICK ETTLIN (FNS) : Mallarmé et Ponge, ou la formule

15h30 Discussion

16h30 JAN BAETENS (Université de Louvain) : Peut-on encore faire allusion?