Questions de société

"Valérie Pécresse réforme le CNRS pour "décloisonner" la recherche" (Le Monde, 21/5).

Publié le par Marc Escola (Source : SLU)

 

"Valérie Pécresse réforme le CNRS pour "décloisonner" la recherche" (Le Monde, 21/5).

 

"Alors qu’un conseil d’administration extraordinaire doit débattre, jeudi 22 mai, de la réorganisation du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) voulue par le gouvernement, Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, annonce au "Monde" ses décisions. Pourquoi restructurer le premier organisme de recherche français, mondialement reconnu ?

Le président de la République a voulu, dans un premier temps, donner aux universités un rôle accru en matière de recherche. Il souhaite maintenant une meilleure coopération entre les organismes de recherche. Les querelles de territoire, les défenses de pré carré, doivent s’effacer devant l’exigence de coordination et de solidarité. C’est le sens de la réforme du CNRS qui, mise en place avec le contrat d’objectifs qui sera signé d’ici à la fin de l’année, rejaillira sur l’ensemble du paysage scientifique français. Nous sommes en phase de finalisation de la concertation.

La transformation du CNRS en fédération d’instituts ne va-t-elle pas, au contraire, dans le sens d’un éclatement ?

Notre recherche souffre d’une organisation complexe et d’un morcellement de ses forces. Nous avons identifié six domaines où le CNRS exerce un leadership et qu’il a vocation à coordonner sur le plan national : mathématiques, physique, chimie, sciences de l’ingénieur, sciences humaines et sociales, écologie et biodiversité.

Six instituts nationaux vont être créés au sein du CNRS autour de ces disciplines, qui s’ajouteront aux deux déjà existants, en physique nucléaire et en sciences de l’Univers. C’est un gage de confiance mais aussi une nouvelle responsabilité.

L’objectif est d’améliorer les partenariats, de donner plus de cohérence à la politique nationale de recherche et d’utiliser plus efficacement les moyens. Le CNRS lui-même en sortira plus ouvert et plus rayonnant, sans que l’on touche à son périmètre ni au statut de ses personnels.

Que deviennent les sciences du vivant, qui représentent 23 % des effectifs du CNRS, et celles de l’informatique ?

Dans ces secteurs, le CNRS a toute légitimité pour mener une recherche d’excellence, mais il ne s’impose pas comme le coordinateur national unique. Il y aura donc au CNRS une direction des sciences du vivant et une direction des sciences informatiques.

Pour les sciences de la vie et de la santé et pour la biologie la plus fondamentale, un pilotage conjoint sera assuré avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) – qui pourrait en abriter la coordination –, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Pour l’informatique, ce pilotage conjoint se fera avec l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria).

Le CNRS gardera-t-il la main sur la nomination des directeurs d’institut et l’attribution de leurs moyens ?

Les directeurs des instituts nationaux seront nommés par arrêté ministériel, sur proposition de la direction du CNRS. Je souhaite, par souci de transparence et pour attirer les meilleurs scientifiques, que soit lancé un appel à candidatures international. Quant aux moyens affectés au CNRS, un directoire collégial, composé des directeurs des différents instituts et directions, décidera de leur répartition.

Ce découpage ne va-t-il pas nuire à l’interdisciplinarité qui fait la force du CNRS ?

Bien au contraire, le directoire collégial revitalisera l’interdisciplinarité. Celle-ci ne se décrète pas dans un organigramme. Elle se construit dans les laboratoires et les programmes et ne peut exister sans disciplines fortes.

Cette réorganisation, après celle de l’Inserm en huit instituts thématiques, ne rend-elle pas encore plus complexe un système déjà peu lisible ? Elle vise à le décloisonner et à le simplifier. Dans les laboratoires, les chercheurs d’organismes différents travaillent naturellement ensemble. La même coordination doit s’instaurer au sommet de notre système de recherche."

Propos recueillis par Pierre le Hir