Essai
Nouvelle parution
V. Robert, La petite-fille de la sorcière. Enquête sur la culture magique des campagnes au temps de George Sand

V. Robert, La petite-fille de la sorcière. Enquête sur la culture magique des campagnes au temps de George Sand

Publié le par Marc Escola

La petite-fille de la sorcière - Enquête sur la culture magique des campagnes au temps de George Sand
Vincent Robert

Date de parution : 08/04/2015 Editeur : Belles Lettres ISBN : 978-2-251-44530-4 EAN : 9782251445304 Présentation : Broché Nb. de pages : 318 p.

Au XIXe siècle, cela faisait longtemps qu'on ne brûlait plus de sorcières. Les pièces de procès n’existent donc pas. La justice est muette, à part quelques affaires d’escroquerie et de rares faits divers tragiques. Ne comptons pas trop non plus sur les tout premiers folkloristes : ces notables cherchaient surtout dans les mœurs campagnardes des vestiges de cultes ou d’usages antiques et en somme ne s’intéressaient guère aux paysans de leur temps. On a dû procéder autrement et partir de la littérature.
Relire La Petite Fadette, les Dus frays bessous du gascon Jasmin, d’autres œuvres d’écrivains ayant eu une enfance rurale afin d’y repérer ce que Carlo Ginzburg appellerait des traces : traces à demi effacées d’une culture essentiellement orale et très méprisée, indices ténus qu’il faut interpréter à la lumière de ce que les anthropologues et les folkloristes nous ont appris des contes et des croyances.
Il s’agit ainsi de reconstituer les logiques multiples d’un univers culturel très étrange à nos yeux, entre le rêve et le réel, peuplé de sorcières et de loups-garous, de devins et de feux follets. Et, en bon historien, d’inscrire ces croyances dans le temps : comprendre pourquoi, en dépit du mépris des Lumières qui faisait suite à la persécution sanglante des siècles précédents, elles étaient encore si vivantes au début du XIXe siècle ; puis tenter d’évaluer leur recul, ou plutôt les transformations qu’elles connaissaient à cette époque ; enfin apprécier l’enjeu politique qu’elles en vinrent à représenter lorsqu’en 1848 l’instauration du suffrage universel donna à des campagnards encore illettrés et « superstitieux » un poids décisif dans la destinée d’un pays.

Sommaire :

Introduction

Première partie : Précautions

Chapitre I. Une pastorale moderne
Chapitre II. Recueillir la parole paysanne
Chapitre III. Dénégations

Deuxième partie : Décryptages

Chapitre IV. Trois femmes puissantes
Chapitre V. Portrait de Fanchon Fadet en sorcière
Chapitre VI. Le follet, ou comment Landry manqua de périr noyé
Chapitre VII. L'agneau de Sylvinet, ou le retour du pays des morts
Chapitre VIII. La malédiction des bessons
Chapitre IX. Fadette désorceleuse et guérisseuse

Troisième partie : Croyances et récits dans l'histoire

Chapitre X. Le règne de la superstition
Chapitre XI. Des contes à dormir debout
Chapitre XII. Marianne et la sorcière
Chapitre XIII. Mythe, histoire et politique

Conclusion : D’un monde à un autre

Sources
Bibliographie

Vincent Robert, né en 1957, est agrégé d'histoire et enseigne l'histoire politique et culturelle du XIXe siècle à l'université Paris I Panthéon Sorbonne. Il a déjà publié Les chemins de la manifestation. Lyon, 1848-1914 (P U Lyon, 1990) et Le temps des banquets. Politique et symbolique d'une génération, 1818-1848 (Publications de la Sorbonne, 2010) qui a obtenu en 2011 le prix des Rendez-vous de l'histoire de Blois.

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D. Kalifa a consacré un billet à ce livre sur Liberation.fr, 1/7/15.

Enquête sur la culture paysanne au XIXe siècle dans les pas de la Petite Fadette.

Peut-on analyser une œuvre littéraire à la manière d’un anthropologue ? C’est ce que propose Vincent Robert dans une enquête originale sur la culture paysanne du XIXe siècle. Son terrain, c’est la Petite Fadette de George Sand (1848), texte bien connu qui appartient à la série des «romans champêtres». On y a vu jusque-là l’histoire simple et touchante d’une jeune sauvageonne, une sorte de pastorale moderne attestant des vertus morales de la France paysanne. Sans récuser cette interprétation, Vincent Robert lui en adjoint une autre, beaucoup plus troublante, où se dévoile tout un pan occulté de l’imaginaire rural, fait de superstitions et d’obscures croyances. Nourrie de travaux d’ethnologues et de folkloristes, sa lecture minutieuse invite à traquer dans le texte les indices d’une culture disparue. Ici, il repère un geste ou une parole saugrenue, là un sous-entendu ou une légende oubliée, comme cette malédiction censée frapper les jumeaux ou «bessons». Ces signes ne nous parlent plus, mais George Sand, qui connaissait bien le bas-Berry, ne pouvait s’y méprendre. Le roman tout à coup se peuple de fades («elles sont filles de Dieu ou filles du diable»), de follets et de meneurs de loups, de guérisseurs et de remégeuses. Les sorcières ne sont pas loin. Vincent Robert, avec une grande finesse, nous entraîne au cœur d’un univers où les choses devaient se comprendre sans se dire, un monde traversé de rites et de pratiques magiques.

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On peut lire sur laviedesidees.fr un article sur cet ouvrage :

"La République et la sorcière", par V. Bourdeau.