Édition
Nouvelle parution
V. Larbaud, Journal (nouvelle éd.)

V. Larbaud, Journal (nouvelle éd.)

Publié le par Bérenger Boulay

Valery Larbaud, JOURNAL [1955]. Édition définitive en 2009, Paris: Gallimard, collection blanche, 2009, 1616 pages.

  • 9782070756957
  • 70,00 €

Présentation de l'éditeur:


Voici la nouvelle édition, très attendue, du Journal de Valery Larbaud. La première, parue en 1954 et 1955 de son vivant, ne représentait qu'à peine la moitié du texte retrouvé et publié aujourd'hui. Plutôt que d'un journal, il faudrait parler de différents journaux, de celui de Paris en 1901 à celui d'Albanie en 1935.
Bien sûr, l'oeuvre de l'écrivain est omniprésente. On la voit qui s'élabore, disparaît, reparaît. La vie aussi. Le Journal dévoile Larbaud au quotidien, avec ses manies, sa santé fragile, ses voyages, sa passion pour les langues et les littératures étrangères, sa gourmandise, son observation attentive de la beauté des femmes. Ce nouveau Journal a de quoi enchanter les fervents de Larbaud et leur apporter d'infinies découvertes.


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P. Assouline a consacré un billet à cette réédition sur son blog la Républiquedeslivres:

"Le journal de Larbaud, réservoir d'une oeuvre".

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Dans Libération du 9/7/9, on pouvait lire cette chronique: 


Les très riches heures de Valery Larbaud


Par MATHIEU LINDON

«Je suis un grand patriote cosmopolite !»est une phrase qu'il a prêtée à son personnage de milliardaire écrivainBarnabooth et qui s'applique à Valery Larbaud lui-même dont paraîtaujourd'hui une énorme «édition définitive» du Journal.Si ce volume est si gros, c'est aussi qu'il contient la traduction decentaines de pages écrites en anglais. Des phrases ou des mots enitalien, espagnol, allemand ou portugais apparaissent aussi tandis quel'écrivain frôle la cuistrerie en évoquant ses manques en néerlandais.Né en 1881 et héritier de la source Saint-Yorre, Valery Larbaud futpoète, nouvelliste et romancier (A. O. Barnabooth, Enfantines, Fermina Marquez), et aussi critique et traducteur, théoricien de la traduction (Ce vice impuni, la lecture, Sous l'invocation de Saint Jérôme).

Les pages du Journal sont scandées par les noms desécrivains qu'il lit et aime (ou pas), qu'il traduit, préface, rencontreet fait connaître en France, et cette liste transforme Valery Larbauden anthologie à soi tout seul : James Joyce, Rainer Maria Rilke,William Faulkner, Giuseppe Ungaretti, Ramon Gomez de la Serna, WaltWhitman, Eça de Queiroz, Katherine Mansfield, Samuel Butler. En France,il est un des fondateurs de la N.R.F. (et son argent faitque, à tort, ses interlocuteurs l'en croient souvent actionnaire), etil est proche d'André Gide, Paul Valéry, Léon-Paul Fargue (et ceprotestant converti au catholicisme sans l'avoir dit à son éprouvantemère révère Paul Claudel). Le Journal précise la nationalitélinguistique de ses rencontres - en quelle langue elles s'expriment -et s'intéresse autant aux écrivains qu'aux paysages et aux habitantsdes deux sexes des pays qu'il traverse durant de perpétuels voyages. «Je n'ai jamais pu voir les épaules d'une jeune femme sans songer à fonder une famille»,dit aussi Barnabooth. Malade toute sa vie, Larbaud est atteint en 1935d'une attaque qui le laisse paralysé et aphasique jusqu'à sa mort en1957.

Si le Journal revient à l'occasion sur la «persécution atroce» subie dans sa jeunesse ainsi que sur «l'Humeur» danslaquelle le laisse sa santé, il regorge de descriptions et d'anecdotesainsi que de considérations littéraires. Son cosmopolitisme s'exprimedans la moindre comparaison. «Mais les fautes d'impression sont si nombreuses et si grossières qu'il semble que les épreuves sortent de l'imprimerie d'un comptoir chinois qui commerce avec l'Europe.»Si Larbaud ne perçoit pas encore tous les inconvénients du fascismemussolinien, il est conscient de ceux de la douane italienne où il a «même vu PESER des tableaux, comme si on les estimait au poids». Ce grand épistolier a son truc pour juger de la santé d'un pays. «Maisneuf fois sur dix on remarque que là où "les timbres ne collent pasbien", immanquablement les routes sont mal entretenues, les trains enretard, les services publics mal faits, les enfants mal élevés - et legouvernement débile ou corrompu.»

Lors de son existence sédentaire, enfermé dans sa propriété, il identifie facilement ses ennemis : «Ennui et Vulgarité sont loin.»Il ne ménage pas non plus ses reproches à Sylvia Beach et surtoutAdrienne Monnier, accusées de se servir sans respect de James Joyce etde lui-même qui a revu la première traduction française d'Ulysse. Il raconte aussi comment, ayant écrit une préface pour Tandis que j'agonise, la sortie de ce qui devait être la première traduction de Faulkner a été repoussée pour permettre celle de Sanctuaire, avec une préface de l'auteur de la Condition humaine quivenait d'obtenir le Goncourt et dont il se plaît (l'édition signale queLarbaud ajoute le e fautif quand il l'a oublié) à orthographier le nom «Malreaux». Il trouve que Marcel Proust lui fait trop de compliments.

Le Journal contient une sorte de théorie de la richesse.

Comme Proust et Gide, Larbaud fait partie de ceux qui ont entendu dans leur enfance «les domestiques nous dire : "Avec tout l'argent que vous aurez, vous n'avez pas besoin de travailler"» et qui, «plus ou moins clairement», ont répondu : «Oui, mais c'est pour mon plaisir d'enfant riche que je travaille.» Il méprise les livres que les éditeurs «vendent fromagèrement» et estime Gaston Gallimard parce qu'il «désire sincèrement publier de la bonne littérature EN DEPIT du public».Il s'amuse d'un récit qu'on lui fait sur des Argentines richissimes quidépensent sans compter mais ne lisent que les livres que les écrivainsleur offrent, tant «il est évident que pour elles un livre est un objet qu'on n'achète pas». L'argent en tant que tel l'intéresse aussi. Extrait du dernier cahier du Journal : «Nous avons commis l'erreur de croire que nous pouvions nous accommoder d'un hôtel de deuxième ordre […].»

VALERY LARBAUD Journal Texte établi, préfacé et annoté par Paule Moron. Gallimard, 1 602 pp., 70 euros.