Questions de société

"Universités : l'autonomie à l'épreuve des faits" (LeMonde.fr 18.05.09)

Publié le par Bérenger Boulay


Universités : l'autonomie à l'épreuve des faits, par Philippe Jacqué

http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/18/universites-l-autonomie-a-l-epreuve-des-faits_1194635_3224.html#xtor=AL-32280184

LE MONDE | 18.05.09

Article paru dans l'édition du 19.05.09. 


Le gouvernement ne reviendra "jamais"sur le principe de l'autonomie des universités. Par deux fois, jeudi 14mai, le président de la République et le premier ministre ont rappeléleur attachement à la loi relative aux responsabilités et aux libertésdes universités (LRU) d'août 2007.

Pourtant, à en croire les présidents d'université qui en tirent unpremier bilan, cette autonomie semble être rognée de toute part depuissa mise en oeuvre le 1er janvier. Cinq mois aprèsle transfert de nouvelles compétences en matière de budget et degestion des ressources humaines à 18 universités, leurs présidents sesont émus, le 14 mai, devant Nicolas Sarkozy, de la lourdeur des contrôles administratifs.

" Nous avons véritablement le sentiment d'être moins autonomes qu'avant, estime Alain Brillard,président de l'université de Haute-Alsace. Nous sommes contrôlés surtout. Par exemple, alors que nous devons faire voter au prochainconseil d'administration une décision budgétaire modificative, monsecrétaire général a de suite été convoqué par le rectorat pourexpliquer cette décision."

Circulaires, injonctions, demandes de précisions, les exigences de l'administration centrale ou des rectorats s'accumulent. "Ilfaut systématiquement demander l'avis de l'administration avantl'ouverture de postes de titulaire, alors que nous sommes autonomes surces questions !", tempête Gilbert Béréziat, vice-président de l'université Paris-VI. "En clair, nous voulons des contrôles a posteriori, et non plus a priori", traduit Lionel Collet (Lyon-I), président de la Conférence des présidents d'université.

Au-delà, la loi LRU est fragilisée après la publication, le 23avril, du nouveau décret statutaire des enseignants-chercheurs. Certes,explique Lionel Collet, "le décret représente une avancée,puisqu'il prévoit la reconnaissance d'autres activités que le seulenseignement et la recherche, et qu'il permet aux universités demoduler le service de leurs enseignants-chercheurs. En revanche,concernant la gestion des promotions, c'est le statu quo".

Le nouveau texte confie au Conseil national des universités (CNU),instance collégiale, le soin d'évaluer les universitaires, mais ausside gérer la moitié des promotions des enseignants-chercheurs de chaqueuniversité. "L'autonomie des établissements s'efface derrière le CNU", en conclut Jean-Charles Pomerol, le président de Paris-VI, dans une analyse publiée sur le site de son établissement."Comme en quarante ans d'enseignement supérieur je n'ai jamais vu uneseule promotion du CNU se faire sur la base de l'investissement del'enseignant dans l'établissement et du service rendu aux étudiants, ilest heureux que 50 % des promotions soient restées de la responsabilitéde l'établissement."

"La communauté universitaire souhaitait un équilibre entre le local et le national, constate Alain Brillard. L'important, désormais, est de travailler à restaurer la confiance vis-à-vis de la loi LRU."

"CONTRE-POUVOIRS"

Car la loi sort également "fragilisée par le mouvement actuel, assure Jean-Louis Fournel, du collectif Sauvons l'université.La concentration du pouvoir entre les mains de quelques enseignantsélus au conseil d'administration rompt avec le principe de collégialitéde l'université".

Ce constat est partagé par les signataires du Manifeste pour larefondation de l'Université française, publié le 16 mai par la revue Mauss. "Ilest indispensable de concevoir des montages institutionnels quiassurent au corps universitaire de réels contre-pouvoirs face auxprésidents d'université et aux conseils d'administration, ce qui suppose des aménagements significatifs de la loi LRU."

Les présidents d'université ne se disent pas hostiles à une révisiondes modes d'élection des conseils d'administration (CA), et de leurrôle. "Chaque établissement doit pouvoir définir sa propregouvernance, voir ce que le CA peut déléguer comme pouvoir au conseilscientifique, à celui des études et de la vie universitaire, ou à sescomposantes, estime Lionel Collet. C'est l'essence même de l'autonomie." Cela passe par une modification de la loi LRU.

Philippe Jacqué

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