Questions de société

"Universités : face à l'urgence annoncée, l'action reste molle", par M. Lipinski, président de l'ARF (Rue89, 17/07/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Universités : face à l'urgence annoncée, l'actionreste molle - Marc Lipinski, président de l'ARF, Tribune de Rue89, 17juillet 2009

http://www.rue89.com/2009/07/17/universites-face-a-lurgence-annoncee-laction-reste-molle

Et encore ! Cette moyenne gomme-t-elle les disparités entre filièressélectives, relativement privilégiées et universités maltraitées. Cesont pourtant ces dernières qui accueillent à portes grandes ouvertesla majorité des néo-bacheliers et amènent un tiers de chaque générationà un diplôme à bac+3, ou mieux. Ce n'est certes pas ridicule, mais loindu modèle suédois, qui en forme 70%.

Il fallait donc battre le tocsin, clamer l'urgence et… agir. Or,qu'a fait l'Etat ? Il a parlé. Par la voix du président de laRépublique, avec la subtilité et la crédibilité qu'on lui connaît depuis le 22 janvier. Plus encore -et c'est bien naturel-, par celle de la ministre chargée de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Récemment confirmée dans ses fonctions, Valérie Pécresse a depuisplus de deux ans multiplié effets d'annonces et financementsincertains. « J'ai un chiffre en tête mais je ne vous le dirai pas… »,vient-elle de déclarer en présentant la stratégie nationale derecherche et d'innovation.

A cet égard, son « plan campus »est symptomatique. Lancé en février 2008 pour « répondre à l'urgenceimmobilière » avec la promesse de cinq milliards d'euros pour dixprojets lauréats, l'appel à projets suscita un espoir compréhensiblechez des responsables d'universités habitués à la pénurie.

Trois projets franciliens

Un an et demi après, quelques projets retenus ont reçu l'annonced'un capital qui n'est ni à emporter, ni à consommer sur place. Pourles premiers coups de pioche, il faudra attendre qu'ils produisent desintérêts. L'Ile-de-France illustre la façon dont le gouvernement traitel'urgence. En juillet 2008, un jury ad hoc retient trois projetsfranciliens.

Le « projet Saclay », élaboré sans prospective scientifique, dévoileun désir de reproduction d'une « Silicon valley » fantasmatique.Investissement nécessaire selon l'estimation initiale de laconfédération d'acteurs : 3 milliards d'euros réels. Le président de laRépublique vient d'annoncer 850 millions, non consomptibles.

« Condorcet », nouveau campus à créer ex nihilo au nord de Paris,est un projet évalué à 650 millions par ses acteurs. Il attend toujoursune annonce de l'Etat.

Le troisième projet devait émerger des propositions émises par lesacteurs parisiens. Hésitant, le ministère décida… de créer unecommission. Ce fut la mission d'audit chargée d'établir la situation del'immobilier universitaire à Paris. Rendu en janvier 2009, son rapportn'a à l'évidence pas étanché l'impérieuse soif de connaissance de larue Descartes.

Lui succéda donc une mission sur l'évolution des établissementsuniversitaires parisiens, dont l'échéance était fixée à mai dernier.Aux dernières nouvelles, Valérie Pécresse l'a reportée « à la fin del'année 2009 ». « Je ne vous le dirai pas », nous annonce donc laministre en ce mois de juillet. Fin 2009, à l'approche de l'électionrégionale, nous le dira-t-elle ?

L'enseignement supérieur et la recherche, défis du XXIe siècle méritent mieux

La mise en tension et en conflit des acteurs ne peut indéfinimenttenir lieu de projet. La défiance, cristallisée, n'empêche heureusementpas les appels à la refondation. Loin des simulacres de concertation,nous avons besoin de véritables débats collectifs.

A l'heure de la nécessaire transformation écologique de notre modede développement et de notre modèle de civilisation, il est essentielde donner un essor sans précédent à l'enseignement supérieur et à larecherche. Nous avons cette grande ambition.

A l'opposé de la conception qui semble prévaloir dans les ministèreset à l'Elysée, il est hors de question de privilégier quelques raresétablissements « d'excellence » en délaissant tous les autres. EnIle-de-France, nous avons proposé une contractualisation à tous lesétablissements qui décident de se regrouper autour de projets et deservices mutualisés au bénéfice de la communauté d'enseignementsupérieur et de recherche.

Pour répondre à l'urgence, pour financer ces projets d'intérêtmutuel, les sommes à investir sont considérables : des centaines demillions d'euros. Elles sont à la mesure des incontournables défis duXXIe siècle. Nous y sommes prêts.

Marc Lipinski est vice-président du Conseil régionald'Ile-de-France chargé de l'Enseignement supérieur, de la Recherche etde l'Innovation scientifique et technique

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