Questions de société

"Université : le gouvernement veut faire passer la masterisation de force" (Médiapart 21/05/09)

Publié le par Marielle Macé (Source : Claire Stolz & blog Sorbonne en grève)

Université : le gouvernement veut faire passer la masterisation de force - Médiapart 21 mai

Jusqu'au bout, le gouvernement veut passer outre l'opposition des universitaires à ses réformes. Dernier exemple en date : alors que lacommission Marois-Filâtre chargée de déminer l'épineux dossier de la réforme de la formation des enseignants doit rendre ses conclusions le 15 juillet, les projets de décrets (notamment doc 1 et doc2) instaurant la « masterisation »viennent d'être publiés. Ils doivent passer en comité technique paritaire ministériel (CTPM) le 27 mai, et au conseil supérieur de la fonction publique le 12 juin. Si la cadence est la même que pour la réforme du statut des enseignants-chercheurs – promulguée pendant les vacances de Pâques –, ils pourraient donc être examinés par le Conseil d'état dans la foulée et être promulgués avant fin juin. « C'est un véritable putsch, le passage en force des passages en force de ces derniers mois ! », proteste Pascal Maillard, professeur de littérature française à l'université de Strasbourg, et membre du collectif de l'Appel de Strasbourg, très mobilisé contre la masterisation.

Que contiennent ces décrets ? Exactement ce que les opposants à la masterisation dénoncent depuis le début de leur mobilisation à l'automne dernier : en plus de réussir le concours de recrutement dans l'éducation nationale, les futurs enseignants devront obligatoirement obtenir un master pour devenir fonctionnaires stagiaires. Ce qui retarde d'autant la rémunération des futurs profs, jusqu'ici rémunérés dès leur deuxième année de formation. Ce décalage permettrait à l'Etat d'économiser 480 millions d'euros, selon le calcul de l'Unef.

Mais les décrets vont plus loin encore, en supprimant le bénéfice du concours aux étudiants qui échoueraient à obtenir leur master après un redoublement. « C'est un événement majeur dans la fonction publique française, la remise ne cause de la nature pérenne de la réussite à un concours », estime Pascal Maillard. La portée de ces textes réglementaires est potentiellement très importante car ils « modifient les conditions de recrutement, d'affectation, de titularisation et de déroulement de carrière » de « tous les corps enseignants : professeurs des écoles, certifiés, agrégés, professeurs en lycée professionnel, d'éducation physique et sportive, et le corps des conseillers principaux d'éducation », note la FNEC FP (FO) qui demande le retrait des projets de décrets de l'ordre du jour du CTPM. 

« Des méthodes de voyous »

Comme s'y était engagé Xavier Darcos, ces projets de décrets entérinent les dispositions transitoires pour les sessions 2009 et 2010 des concours. A une nuance près : seuls les titulaires d'un master 1 pourront être recrutés à la rentrée 2010. Ce qui pourrait signifier que c'est bien dès la rentrée 2009 que commence à s'appliquer la masterisation. Maria Stavrinaki, maître de conférences en histoire de l'art contemporain à la Sorbonne (Paris 1) et membre de la Coordination nationale des universités, est catégorique : « Ce sont des méthodes de voyous. Ce gouvernement n'a pas de parole. » A défaut de maquettes de masters prêtes, le gouvernement pourrait être contraint de retarder cette obligation de masters. Une vingtaine seulement de maquettes de cours de masters ont été remontées au ministère de l'enseignement supérieur par les facs, au point que l'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres) a renoncé à évaluer cette nouvelle offre de formation.

Les dérogations concédées par les cabinets de Xavier Darcos et Valérie Pécresse pour les concours de 2009 et 2010 avaient été, lors de leur annonce le 13 mai, saluées par les syndicats (FSU, Unsa-éducation et Sgen-CFDT. Mais tous avaient aussi réclamé plus de temps pour la préparation et la mise en place de la réforme voulue par le ministère de l'éducation nationale. Le 18 mai, le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), comité consultatif auprès du ministère, a exigé « une remise à plat complète du dossier (...) en y consacrant le temps nécessaire ».

Ces appels à ralentir la cadence de la refonte de la formation des enseignants n'ont visiblement pas été entendus. Pour Pascal Maillard, les groupes de travail réunis ces dernières semaines à l'initiative des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ont été « des attrape-mouches syndicales. Le Sgen, l'Unsa et la FSU se sont fait piéger » puisque que, malgré un processus apparent de concertation, le gouvernement continuait en réalité à avancer sa réforme sans bouger d'un iota. Pour Stéphane Tassel, secrétaire général du Snesup, la publication des décrets fait bien la preuve que « tout ne peut pas être remis à plat » et que sur le fond le gouvernement maintient la masterisation. Pour le collectif de lutte de l'IUFMde Paris, le ministère est synonyme de « Comment dit-on, déjà ? J'écoute mais je ne tiens pas compte ! »

Peut-être plus encore que la réforme du statut des enseignants-chercheurs, la refonte de la formation des profs et des maîtres a été un puissant levier de la mobilisation universitaire depuis six mois. Pour beaucoup d'entre eux, c'est à la fois l'avenir de leur discipline universitaire comme champ de recherche qui se joue dans cette affaire et le sort du service public d'enseignement.

La suite ici: http://www.mediapart.fr/journal/france/210509/universite-le-gouvernement-veut-imposer-la-masterisation-de-force

et là: Université : le gouvernement veut faire passer la masterisation de force - Jade Lindgaard, Médiapart, 21 mai 2009