Questions de société
Universitaires de tous le(s) pays unissez-vous par Jacques Broda

Universitaires de tous le(s) pays unissez-vous par Jacques Broda

Publié le par Sophie Rabau

Universitaires de tous le(s) pays unissez-vous   !

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« L'enseignement asurtout besoin de la recherche pour acquérir de la substance. C'estpourquoi le principe noble et inaliénable de l'Université consiste àrelier la recherche et l'enseignement ; non pas, parce que pour desraisons économiques, on aurait voulu faire des économies en cumulant letravail ; non pas, parce qu'on aurait ainsi pu ainsi permettrel'existence matérielle des chercheurs ; mais parce que selon son idée,le meilleur chercheur est le seul bon enseignant… Seul, il met aucontact du véritable processus de connaissance, et par-là, de l'espritdes sciences au lieu de communiquer les résultats figés que l'on peutapprendre. Lui seul est la science vivante…Il éveille la même enviechez l'étudiant. Il conduit à la source de la science… »

A l'heure où souffle un vent de révolte dansl'université la lecture de Karl Jaspers peut nous aider à riposter auxplans de démantèlement à l'oeuvre, à créer l'Université Nouvelle.

Nous sommes des prolétaires dont on exploite la forcede travail intellectuelle, créatrice, savante, innovante, pourl'asservir aux modes dominants de la domination capitaliste. Noussommes des prolétaires soit par nos origines sociales, nos engagementssyndicaux ou politiques, notre position dans les rapports sociaux dedomination et d'exploitation.

Notre travail, nos savoirs, nos compétences, sontexploités, dominés, aliénés, détournés de leur mission essentielle : laquête de ‘la vérité', le savoir de la connaissance, l'émergence desnouvelles questions. Nous travaillons seuls, en équipe ; la découverte,l'émergence, le déclic, le génie de la réponse, est toujours subjectifet solitaire. En réalité, cette solitude n'est qu'une apparence, unleurre, nous sommes collectif, nous jouons collectif, nous sommestoujours une intelligence collective en mouvement, des acquis hérités,des connexions actuelles, qu'aucun rapport capitaliste, étriqué,mesquin, privé, ne pourra brider.

We are the people.

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Au regard des modes d'évaluation mis en place par l'A.E.R.E.S, Spinoza, Marx, Freud et Lacan seraient barrés.

Dans le véritable bras de fer Capital-Travail que lacrise capitaliste redouble, nous sommes du côté du travail, du côté dela plus-value, de la valeur que l'on crée et que l'on détourne, de lavaleur morale, de l'éthique. Car nous avons choisi le savoir, laconnaissance, le travail, la quête, la transmission. Nous l'avonschoisi par vocation, amour du métier, amour de la science. Oui, cesvaleurs existent encore et nous portent, elles nous animent. Noussommes le travail vivant du savoir universel.

L'univers-cité, doit s'ouvrir à la cité. Universitairesde tous le(s) pays unissez-vous ! Créons une véritable internationaledu savoir, elle existe potentiellement, la révolution informationnelleet communicationnelle peut mettre à disposition de tous, ce bienextraordinaire, qui n'appauvrit pas celui qui le partage : le savoir.Ce constat, cette chance, sont à même de révolutionner la totalité desrapports sociaux, à les inverser, les remettre à l'endroit du travail.

Fantastiques sont les potentialités qui s'offrent ànous, qui s'ouvrent à nous, mettons en partage nos savoirs, dans ethors colloques, dans et hors revues, classées ou pas classées, généronsune exponentionnelle de la connaissance à l'infini.

Alors nous verrons, nous voyons émerger, des forces dutravail, et de l'amour du savoir in-ouïes, elles existent, émiettées,dispersées, pulvérisées, dans les compétitions et rivalités stériles etdestructrices.

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Oui, aux Etats généraux de l'Education ! De lamaternelle à l'universel, créons un projet, une civilisation de laconnaissance, pour tous, dans des rapports sociaux d'égalité. Lepartage des savoirs, leurs mises à l'oeuvre émancipatrice, est unvéritable levier à la libération humaine. Education populaire,univers-cités populaires, doivent être ré-inventées, revisitées, àl'aune de l'explosion sans précédent de l'humaine connaissance.

Universi-taires de tous le pays, exprimez-vous,revendiquez le droit à la dignité, à la sécurité, à la reconnaissance,à la liberté, sans laquelle aucune création, invention n'est possible.Ce qui fait défaut à l'université, ce n'est pas le énième classement,la énième évaluation, c'est un projet politique.

Un projet qui fait de chaque-un le partenaire de tous,et de l'intelligence collective, le ressort de tous les savoirs. Unprojet qui éradique la précarité des enseignants, des B.I.A.T.O.S etdes étudiants.

Je suis frappé, abasourdi, par le trop de servitudevolontaire, dont nous sommes quelque part ‘la honte'. Redressons latête, osons dire non, mais aussi osons construire l'UniversitéNouvelle, celle qui contrairement à l'article trois du nouveau décretouvre le champ de tous les possibles à toutes les forces économiques,sociales, co-opératives, associatives.

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La crise terrible que nous traversons ne trouverad'issue qu'à transformer la compétition en co-opération audacieuses,novatrices, fécondes. Rassemblons nos savoirs, nos expériences,décloisonnons les disciplines, associons les étudiants à la définitiondes programmes, des cursus, ouvrons les portes au monde du travail, unevéritable formation permanente, life long. Faisons sauter les verrousde l'évaluation capitalistes, qui jettent sur nos cerveaux unevéritable camisole de force, à faire des étudiants des ‘ânes' !

Nous devons anticiper et prévenir le désastre à venir,le désastre d'une crise structurelle programmée dont nous n'avons eudroit qu'au hors-d'oeuvre. Anticiper, prévenir, agir, bâtir, c'estrenverser les critères d'évaluation, de gestion, c'est faire de laco-opération à tous les niveaux le nerf de notre métier, et de nosalliances.

Universitaire de tous le(s) pays unissez vous !

Jacques Broda
Professeur de Sociologie

1 - Jaspers K (2008), De l'Université, Lyon, Editions Paragon

2 - D'aucuns contesterons le mot de ‘prolétaire',associé à celui d'universitaire. Prolétaire n'est pas péjoratif, maissuperlatif, il ajoute à la position de classe, la conscience de classe.Il ne signifie, ni la pauvreté, ni la condition ouvrière, il condensel'exploitation, l'aliénation et les savoirs de l'exploitation, del'aliénation et de l'émancipation.

3 - Il est écrit : « Les enseignants-chercheurs,établissent une coopération avec les entreprises publiques ou privées…». Quid de l'économie sociale et solidaire, secteur mutualiste,coopératif, les collectivités territoriales … ? Le modèle managérial del'entreprise (capitaliste) transpire par tous les pores des textesactuels, de la loi L.R.U aux nouveaux décrets. Le vouloir-savoiroriginel dont parle K.Jaspers, est ravalé à un instrument de la gestiondes flux. Rationalisation, évaluation et instrumentalisation vont depair. Taylor, voyait dans l'ouvrier un ‘gorille-apprivoisé',l'enseignant-chercheur un ‘lapin-domestiqué'. Pour lui, la carotte etle bâton.