Questions de société
Une seule Université en France : l'Université publique et laïque (communiqué de la CNU 08/05/09) +

Une seule Université en France : l'Université publique et laïque (communiqué de la CNU 08/05/09) + "Attaques contre la laïcité" (Texte du collectif l'IUFM de Lyon, 11/05/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : universitesenlutte.wordpress.com)

Voir aussi: Le Vatican pourra viser des diplômes universitaires (Le Monde du 11 mai)

Ci-dessous:

- Une seule Université en France : l'Université publique et laïque (communiqué de la CNU 08/05/09)

-  "Attaques contre la laïcité". Texte du collectif IUFM de Lyon, 11 mai 2009

Une seule Université en France : l'Université publique et laïque

 (communiqué des porte-parole de la coordination nationale des unviersités)

La Coordination Nationale des Universités a pris connaissance de lapublication au Journal officiel du 19 avril du décret n°2009-427 du 16avril 2009 entérinant l'accord (entré en vigueur le 1er mars 2009)entre la République française et le Vatican sur la reconnaissance desgrades et diplômes dans l'enseignement supérieur catholique (ensembleun protocole additionnel d'application), signé à Paris le 18 décembre2008.
L'Etat français bafoue le code de l'éducation
L'alinéa premier de l'article L.613-1 du code de l'éducation,dans sa version issue de la loi de modernisation sociale du 17 janvier2002, actuellement en vigueur, dispose que « L'Etat a le monopole de lacollation des grades et titres universitaires ».
Un principe républicain vieux de 129 ans anéanti
Le décret du 16 avril 2009 rétablit partiellement la loiFalloux du 15 mars 1850 modifiée par celle du 12 juillet 1875. Leconseil supérieur de l'Instruction publique en votant la loi du 27février 1880, la majorité républicaine issue des élections des 14 et 28octobre 1877 et le ministre Jules Ferry portèrent un coup à cette loiFalloux. Conformément à la loi du 18 mars 1880, la collation des gradesuniversitaires revenait désormais à l'Etat et à lui seul. Lors de lapremière séance du conseil supérieur laïcisé, Jules Ferry déclarait quel'Université devenait « un corps vivant, organisé et libre ». Ceprincipe républicain a été sans cesse réaffirmé depuis les 129dernières années. Le décret du 16 avril 2009 anéantit ainsi l'un despiliers de la République française au moment même où l'ensemble de lacommunauté universitaire refuse les contre-réformes détruisantl'université française publique et laïque au profit de lamarchandisation du savoir.

Une ratification juridiquement inacceptable
La ratification de l'accord du 18 décembre 2008 par décret estjuridiquement inacceptable. Il revenait au gouvernement français desaisir le Parlement d'un projet de loi de ratification de cet accord enapplication de l'article 53 de la Constitution du 4 octobre 1958 et nonau président de la République française de prendre un décret pour lefaire entrer en vigueur.

Le champ libre au prêtre pour former les instituteurs et les professeurs de nos enfants
Ce décret est dangereux aux motifs suivants :
- il viole le principe législatif du monopole de la collation des grades universitaires par l'Etat français,
- il est une attaque contre le principe de laïcité posé par la Constitution française et défini notamment par la loi de 1905,
- il fait primer la religion sur la citoyenneté,
- il ouvre le champ libre au prêtre pour former les instituteurs et lesprofesseurs des collèges et des lycées de nos enfants. Des universitéscatholiques ont déjà ouvert des masters pluridisciplinaires « métiersde l'enseignement, de l'éducation et de la formation » pour la rentrée2009. Quid du rôle des Instituts Universitaires de Formation desMaîtres (IUFM) ?
- il remet en question l'indépendance des savoirs et de l'objectivité scientifique.

On ment à la population française
La CNU dénonce les campagnes « d'information » menées par leprésident de la République française, son Premier ministre, sonministre des Affaires étrangères et les représentants du Vatican,auteurs du texte, d'une part, et les bénéficiaires (établissements etuniversités catholiques d'enseignement supérieur) de ce texte d'autrepart, tendant à leurrer la population, en justifiant qu'il existeraitdes accords de reconnaissance réciproque de diplômes avec d'autrespays. La CNU rappelle la différence substantielle
entre un diplôme délivré dans un pays de l'Union européenne reconnu enFrance et un diplôme délivré en France par un enseignement françaismais relevant d'un culte.
La CNU considère que l'on ne peut opérer une confusion entre un Etat et un culte quelconque.

Les porte-parole de la 9e CNU. 8 mai 2009.

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"Attaques contre la laïcité". Texte du collectif IUFM de Lyon, 11 mai 2009

Le Journal Officiel de la Républiquefrançaise du 19 avril 2009 n°0092 page 6746 publie le décretn° 2009-427 du 16 avril 2009 portant publication de l'accord entre laRépublique française et le Saint-Siège sur la reconnaissance des gradeset diplômes dans l'enseignement supérieur (accompagné d'un protocoleadditionnel d'application), signé à Paris le 18 décembre 2008. LePrésident de la République française, Nicolas Sarkozy, accorde à unÉtat étranger et souverain – le Vatican – la reconnaissance desdiplômes préparés par les universités catholiques sur le territoirefrançais. Ce décret met à mal le principe de laïcité inscrit dans laconstitution. Il nous fait faire un bond en arrière de deux sièclesdans l'histoire de l'Université et dans les relations entre l'Églisecatholique et l'État. Au nom du processus de Bologne, le décretinstaure le droit d'ingérence d'un État étranger et souverain (leVatican) dans l'enseignement supérieur français. Faut-il rappeler quec'est la Révolution française qui a engagé le processus de laïcisationen France en créant un état civil dépendant des communes et non plusdes paroisses ? Faut-il rappeler que Napoléon Bonaparte signe en 1801un concordat avec le pape (encore en vigueur aujourd'hui dans lesdépartements d'Alsace-Moselle) déclarant le catholicisme « religion de la majorité des Français »,mais suivant la tradition du gallicanisme – c'est à dire le droit deregard du souverain sur l'Église de France – nomme les évêques ?Faut-il rappeler que Napoléon Ier en créant l'Université impériale en1808 donne la collation des grades (le droit de délivrer les diplômes)à l'établissement public ? La loi Falloux de 1850 qui accorde àl'Église le droit de remplacer le brevet de capacité (nécessaire alorspour enseigner) par une lettre d'accréditation (lettre d'obédience)donnée par les supérieur.e.s des congrégations religieuses ne touchepas aux diplômes du supérieur. Faut-il rappeler que c'est Jules Ferryqui a instauré la laïcité de l'école primaire, que les représentants del'Eglise sont exclus du Conseil supérieur de l'instruction publique parla loi du 27 février 1880 ? L'article 7 de la loi du 18 mars 1880relative à la liberté de l'enseignement supérieur cherche à empêcherles membres des congrégations non autorisées à participer àl'enseignement, qu'il soit public ou libre, primaire, secondaire ousupérieur. Cependant, cette disposition est rejetée par le Sénat, puispar la Chambre des députés. La loi Goblet de 1886 laïcise le personneldes écoles primaires et le processus n'est terminé complètement qu'en1904 avec l'interdiction d'enseigner pour tous les membres des ordresreligieux (congrégations) dans l'école publique. En 1905, la séparationdes Églises et de l'État établit dans tous les domaines la laïcité.Bien que la mise en oeuvre de cette laïcité ait été fondée sur descompromis (qui vont du repos hebdomadaire le dimanche - loi de 1906 -,des aumôneries catholiques dans les lycées, du financement desétablissements privés sous contrat – loi Debré de 1959 – jusqu'aupoisson, plus trivialement, dans les cantines scolaires le vendredi),la question de la reconnaissance des diplômes n'avait pas été remise encause (un certificat d'aptitude à l'enseignement secondaire pour leprivé se passe jusqu'alors sur une liste distincte, avec un nombre depostes attribués, mais devant le même jury que le CAPES pourl'enseignement public).

En reconnaissant les diplômes du supérieur (qui vont dubaccalauréat au doctorat) préparés dans les établissements catholiques,le président de la République française bouscule la constitution, lalaïcité de l'État mise en oeuvre depuis la Révolution française,revient sur les fondements mêmes de l'Université établis en 1808 etdonne à un chef d'état étranger des droits sur le territoire français.Faut-il rappeler qu'un seul régime avait jusqu'alors remis en cause lalaïcité et la formation des instituteurs et des institutrices dans lesÉcoles normales, c'est « l'État français », le régime de Vichy de Pétain entre 1940 et 1944 !

Le collectif IUFM de Lyon