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Une complémentarité à définir : le rapport du créateur à son récepteur

Une complémentarité à définir : le rapport du créateur à son récepteur

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Pierre-Luc Landry)

Une activité « Enjeux de la recherche »

dans le cadre du 80e Congrès de l’ACFAS

8 mai 2012, Montréal

 

 

« L'oeuvre est ouverte au sens où l'est un débat : on attend, on souhaite une solution, mais elle doit naître d'une prise de conscience du public. L'ouverture devient instrument de pédagogie révolutionnaire. »

Umberto Eco

 

L’oeuvre d’art – littéraire, théâtrale, médiatique, plastique, musicale, et autre – appelle à être reçue. Elle prend son sens dans cette complémentarité essentielle entre le créateur qui la met au jour et le récepteur qui la consomme, l’interprète, la fait résonner avec ses propres acquis et affects. Michel Tournier exprime, dans Le Vol du Vampire, cet apport du récepteur, en parlant du lecteur :

 

« Un livre écrit, mais non lu, n'existe pas pleinement. Il ne possède qu'une demi-existence. C'est une virtualité, un être exsangue, vide, malheureux qui s'épuise dans un appel à l'aide pour exister. L'écrivain le sait, et lorsqu'il publie un livre, il lâche dans la foule anonyme des hommes et des femmes une nuée d'oiseaux de papier, […] qui se répandent au hasard en quête de lecteurs. A peine un livre s'est-il abattu sur un lecteur qu'il se gonfle de sa chaleur et de ses rêves. Il fleurit, s'épanouit, devient enfin ce qu'il est : un monde imaginaire foisonnant, où se mêlent indistinctement […] les intentions de l'écrivain et les fantasmes du lecteur. »

 

Ainsi, dans ce partage entre créateur et récepteur, une nouvelle oeuvre se crée qui n’est déjà plus celle que l’auteur seul érigeait, déjà loin de celle qu’il envisageait avant même de se soumettre à l’art. André Gide, de la même manière, affirme la complémentarité du travail d’écriture et du travail de lecture; dans un court plaidoyer contre le lecteur paresseux, il pose les bases de ce qu’Eco appelle la « coopération interprétative » :

 

« Puis, mon livre achevé, je tire la barre, et laisse au lecteur le soin de l’opération ; addition, soustraction, peu importe : j’estime que ce n’est pas à moi de la faire. Tant pis pour le lecteur paresseux : j’en veux d’autres. Inquiéter, tel est mon rôle. Le public préfère toujours qu’on le rassure. Il en est dont c’est le métier. Il n’en est que trop. »

Ce constat général nous amène à questionner le rapport du créateur à son récepteur. Livrant son oeuvre au public, le créateur subit attentes, questionnements, découvertes. Où se place-t-il dans cet immense réseau? Entre les mains du consommateur pur à celles du critique, en passant par celles de l’analyste et du « professionnel académique », l’oeuvre prend et perd du sens, le créateur prend et perd de l’importance. Où se situent, dans cette chaîne, l’intention de départ, le projet initial, la signification première? Doit-on y revenir à tout prix?

Ce forum intitulé Une complémentarité à définir : le rapport du créateur à son récepteur veut encourager l’échange d’idées et de réflexions sur la pratique artistique qui, à l’époque qu’est la nôtre, subit moult transformations. L’oeuvre existe en effet grâce à différents supports (matériel, électronique, scénique), en mode instantané ou permanent. Elle s’inscrit dans plusieurs contextes possibles (récréatif, scolaire, méditatif). Et sa réception se voit accorder une place privilégiée, encouragée par un univers médiatique foisonnant.

Le forum, organisé sous forme de tables rondes, vise à réunir créateurs et chercheurs ainsi que chercheurs-créateurs et étudiants aux cycles supérieurs dont les intérêts concernent plusieurs formes d’art afin d’interroger la création et la réception des oeuvres de manière large. Les discussions sur le sujet prendront des directions et angles variés : le lien entre le créateur et les attentes (universitaires, populaires, du marché), le rapport entre le lecteur-créateur et sa propre création (l’effet d’émulation, l’intertexte, la référence, la coopération interprétative), la relation entre le contexte et le texte ou l’oeuvre (l’interprétation sociologisante, la reprise idéologique) ou même la « norme artistique » (les conventions génériques et artistiques qui induisent une inscription dans l’époque et dans le champ), l’effet de censure, etc.

Le colloque aura lieu au Palais des Congrès de Montréal, le mardi 8 mai 2012. Vous êtes invités à nous faire parvenir une proposition de communication de 250 mots (les présentations seront d’une durée de 15 minutes), ainsi qu'une courte notice biobibliographique avec vos coordonnées et votre institution d’attache, avant le 1er février 2012, à l’adresse suivante : contact@lecrachoirdeflaubert.org.

 

Comité organisateur :                                                       

Alain Beaulieu, professeur (Université Laval)

Cassie Bérard, doctorante (Université Laval)

Pierre-Luc Landry, doctorant (Université Laval)

 

Bibliographie partielle

ECO, Umberto, Lector in fabula : Le rôle du lecteur ou la Coopération interprétative dans les textes narratifs, Paris, LGF (Le Livre de Poche Biblio Essais), 2004 [1979].

ECO, Umberto, L’oeuvre ouverte, Paris, Éditions du Seuil (Points), 1979.

GIDE, André, Journal des Faux-Monnayeurs, Paris, Gallimard (L’imaginaire), 2008 [1927].

TOURNIER, Michel, Le Vol du Vampire. Notes de lecture, Mercure de France, 1981.