Questions de société
Un blog sur la réforme des lycées fait l'objet d'une enquête (Rue89 16/03/09)

Un blog sur la réforme des lycées fait l'objet d'une enquête (Rue89 16/03/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Un blog sur la réforme des lycées fait l'objet d'une enquête (Rue89 16/03/09): Deux policiers des ex-RG dans le lycée d'un jeune blogueur Par Emmanuelle BOURGET | Etudiante en journalisme | 16/03/2009 | 18H18

Son tort :  avoir voulu informer sur les réformes Darcos. Avant fermeture, son site n'avait reçu que quinze visites.


La tenue d'un blog de lycéens sur les réformes Darcos a valu à unlycée de la banlieue parisienne la visite de deux policiers : l'affaire, ubuesque, remonte à début janvier, mais il aura fallul'intervention d'un élu de Bry-sur-Marne et d'une journaliste duParisien pour que l'information commence à émerger.

En décembre dernier, au plus fort des grands mouvements demanifestations menés contre les réformes Darcos, deux jeunes élèves dulycée Paul Doumer du Perreux-sur-Marne mettent en ligne un blog,« CIL94170 », CIL pour Comité indépendant lycéen.

Leur objectif :  relayer les informations relatives auxmanifestations lycéennes et à la réforme Darcos en général. Rien debien révolutionnaire :  le site reprend quelques articles parus sur lesujet dans la presse nationale, confronte différents points et annonceles dates des prochaines manifestations.

Pointd'injure ni de propos diffamatoires, pas d'appel à la haine ni aurassemblement... Rien, en somme, qui puisse porter atteinte à la sûretéde l'Etat. Le blog n'aura d'ailleurs en tout et pour tout qu'unequinzaine de visites, c'est dire son influence !

Le 2 janvier, une journaliste du JDD interviewe Stéphane*, 15 ans,par téléphone. Suite à cet entretien, cette journaliste publie, le 4janvier, un article dans lequel elle présente les deux blogueurs commeles instigateurs d'une manifestation organisée à Sèvres-Babylone : 

« A Paris, une manifestation est ainsi prévue jeudi, à14 heures, au métro Sèvres-Babylone, à l'initiative du comitéindépendant lycéen 94, créé pendant les vacances scolaires par desélèves du Val-de-Marne. »

Deux agents des RG se présentent au lycée

Le lendemain de la publication de cet article, la proviseure dulycée Paul-Doumer du Perreux-sur-Marne, dans lequel sont scolarisés lesdeux adolescents, reçoit la visite de deux agents qu'elle dit s'êtreprésentés comme de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur, ex-renseignements généraux).

Motif invoqué de cette visite :  il y aurait au sein du lycée deuxagitateurs qui fomenteraient une micro-révolte. Les deux policierss'enquièrent des situations professionnelles, adresses et coordonnéestéléphoniques des parents des deux blogueurs. Puis se saisissent dudossier scolaire des lycéens, après avoir posé un certain nombre dequestions quant à leur scolarité et à leur comportement au sein del'établissement.

Suite à cette visite, la CPE (conseillère principale d'éducation) dulycée convoque les deux élèves pour les informer de la situation.Indignés par « cette atteinte préoccupante à la liberté d'expression etau droit d'opinion, pourtant posées comme libertés fondamentales parnotre Constitution », les parents de Stéphane tentent alors d'obtenirl'identité des mystérieux visiteurs, en vain.

La proviseure, prudente, souhaite garder le silence. Et lescourriers adressés par la mère du jeune homme et par Johan Ankri,conseiller municipal PS de Bry-sur-Marne (commune de résidence deStéphane) au ministère de l'Intérieur restent sans réponse.

Hélène Bréault, journaliste à l'édition Val-de-Marne du Parisien,tente à son tour d'entrer en contact avec le ministère. Sesinterlocuteurs affirment être certains que les deux prétendus policiersne sont pas membres de la DCRI. Finalement, après de nombreux appels,il s'avèrera que les deux agents sont issus de la SDIG (Sous-direction de l'information générale,également issue des RG). En effet, selon Laurence Wittek, chargée decommunication auprès du Sicop, service en charge de la communication dela police : 

« L'attention de ces agents s'est portée sur ce blog cartout ce qui touche aux manifestations et à la sécurité publique entredans leur champ de compétences. Leur intervention s'inscrit dans lecadre de leurs missions habituelles de surveillance et de suivi desmouvements de manifestations. »

« Une tendance de plus en plus liberticide de la part du pouvoir en place »

Pour Stéphane et ses parents, on a affaire à une véritable tentatived'intimidation, doublée d'une atteinte à la liberté d'expression. Leconseiller municipal Johan Ankri, quant à lui, y voit une confirmationde la « dérive liberticide du pouvoir en place ».

Les pressions semblent d'ailleurs avoir eu l'effet escompté :  leblog a été fermé il y a quelques semaines par le co-auteur, sousprétexte d'un nombre insuffisant de visites.

L'élu PS et les parents du jeune homme craignent surtout qu'il ne soit désormais fiché sur EDVIRSP(anciennement fichier EDVIGE), qui recense les personnes « dontl'activité individuelle ou collective indique qu'elles peuvent porteratteinte à la sécurité publique ». Avec le risque qu'une mention dansun tel dossier ne le poursuive tout au long de sa vie et de ses études.

Afin « d'inciter les gens à la vigilance et de les informer pour quece type de situation de ne reproduise pas », les parents ont donc faitparvenir un courrier commun au lycée et à la fédération des parentsd'élèves, dans l'espoir qu'il soit distribué (ce qui n'a toujours pasété fait à ce jour), au ministère de l'Intérieur et au commissaire à laJeunesse et aux Sports Martin Hirsh.

Pour autant, si elle lui a fait quelque peu perdre confiance en lesystème, cette affaire n'a en rien altéré la détermination de Stéphane.Le jeune homme, fidèle à ses idéaux, a ainsi rejoint, quelques semainesaprès cette affaire, le conseil municipal de sa ville, « afin des'investir dans un lieu où la parole citoyenne est légitime etentendue ». Et a la ferme intention de lancer un nouveau blog.

* Le prénom a été changé à la demande du jeune homme et de ses parents.


► Modifié le 16/03/2009 à 19h40 suite aux informations fournies par le police sur le service dont sont issus les agents.

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