Questions de société

"Trillion dollar baby: les mille milliards [de dette] des étudiants américains", par S. Bourcieu (ESC Dijon)

Publié le par Marc Escola

Repéré par le site SLU:

Trillion dollar baby : les mille milliards de la jeunesse américaine, Stephan Bourcieu, Directeur général ESC Dijon-Bourgogne et enseignant-chercheur en management stratégique, HuffingtonPost, 13 avril 2012

Pour lire cet article sur le site du Huffington Post

Au moment où le candidat sortant à l’élection présidentielle française propose la création d’une banque de la jeunesse, c’est une information venue des Etats-Unis qui interpelle. Selon USA Today, citant la Federal Reserve Banque of New York et le Département de l’Education1, la dette cumulée des étudiants américains a atteint cette année les... 1 000 milliards de dollars : une dette sans commune mesure avec celle de la Grèce (395 milliards de dollars)2 et comparable à celle de l’Espagne (1 016 milliards de dollars) ! A titre de comparaison, si une organisation avait emprunté un million de dollars par jour depuis la naissance du Christ, son endettement total (hors intérêts) n’excéderait pas 734 milliards de dollars.

Dans un pays où l’enseignement supérieur est largement financé par les étudiants, y compris dans les universités publiques, ce chiffre vertigineux n’a rien de surprenant. Pourtant, il a doublé au cours des cinq dernières années en raison de l’explosion de la dette dans les différents Etats comme au niveau fédéral. Confrontées à la baisse des subventions publiques, les universités ont en effet réagi en augmentant fortement les droits de scolarité. Malgré un endettement abyssal dépassant les 11 917 milliards de dollars (37 952 dollars par habitant, soit le tarif moyen d’une année de MBA), l’Etat américain n’a donc pas su investir dans sa jeunesse et a fait peser sur les épaules de cette dernière le poids de la formation, jusqu’à atteindre un niveau désormais insupportable. L’arrestation de 36 étudiants lors d’une manifestation devant le siège de l’organisme de prêt étudiant Sallie Mae3 à Washington le 26 mars dernier est un signe tangible du niveau d’inquiétude qui gagne une jeunesse surendettée et inquiète pour son avenir.

Cette situation interroge la pérennité même du modèle nord-américain. La première économie mondiale a-t-elle la capacité à créer suffisamment de richesses pour permettre à ses jeunes diplômés de s’insérer sur le marché du travail et de disposer des revenus nécessaires pour rembourser leurs dettes ? La hausse sensible des défauts de remboursement des crédits étudiants, qui atteint 67 milliards, semble démontrer que c’est de moins en moins le cas.

Elle est également susceptible de remettre en cause la dynamique d’innovation technologique qui alimente traditionnellement la croissance américaine. Si la situation actuelle devait se traduire par une diminution du nombre d’étudiants ou une baisse du niveau des droits de scolarité, les universités pourraient-elles maintenir le cercle vertueux entre enseignement supérieur, recherche et entrepreneuriat dont sont issus Google et dans une certaine mesure Facebook ?

Et la France dans tout ça ?

La tradition du financement public de l’enseignement supérieur reste largement ancrée dans l’esprit des citoyens français. Plus que le niveau d’endettement des étudiants, c’est donc le niveau de la dette souveraine qui pourrait amener la France à réviser son modèle. Qu’il s’agisse de la création d’un crédit d’impôt enseignement supérieur, d’un système de prêts indexés sur les revenus imposables ultérieurs ou encore d’une banque de la jeunesse garantissant les prêts accordés aux étudiants, les propositions ne manquent pas à l’occasion de la campagne électorale. Reste à voir ce qu’elles deviendront une fois passée l’effervescence des élections.