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Appels à contributions
Transmédialité, bande dessinée, adaptation

Transmédialité, bande dessinée, adaptation

Publié le par Marc Escola (Source : Evelyne Deprêtre)

Appel à contribution : Transmédialité, Bande dessinée, Adaptation

Soumission d’un abstract préalable à un article

Date limite de soumission : 15 décembre 2016

Soumettre à l’adresse suivante : Transmedialite@gmail.com

 

L’adaptation, une des formes de la transposition, est le processus – l’opération – par lequel on modifie une œuvre. Cette opération a lieu généralement lorsqu’on fait passer cette œuvre soit d’un genre à un autre, au sein d’une même sémiotique (langage), soit d’une sémiotique à une autre. L’adaptation est aussi, par extension, le résultat de ce processus. (HÉBERT, 2015 : 22) Il peut s’agir soit d’une reformulation d’une œuvre dans un même genre et au sein d’un même médium (par exemple, Psycho (1960) de A. Hitchcock, et Psycho (1998) de G. Van Sant) soit du passage d’un genre à un autre, au sein d’un même médium, (par exemple, Les Sept Samouraïs (1954) de A. Kurosawa et Les Sept Mercenaires (1960) de J. Sturges), ou encore, du passage d’un médium à un autre (par exemple, D. Sijie, Balzac et La petite tailleuse chinoise, 2000 et son adaptation filmique en 2002). Ce dernier cas est aussi connu sous le terme de transposition intermédiatique.

Dès 2002, Henry Jenkins théorise le Transmedia Storytelling comme un processus où des éléments d’une structure narrative fictionnelle se dispersent à travers divers médias afin de créer une nouvelle expérience narrative unifiée et coordonnée. Après la parution de cette première théorisation, le phénomène de la transmédialité a commencé à représenter, d’une certaine façon, la structure narrative que la technologie numérique est en train de désigner comme une nécessité cognitive. Avec les années, la question de la transmédialité devient l’un des intérêts principaux dans le domaine des études des médias. En effet, la transmédialité, qui prévoit une superposition, une diversification et une interconnexion des médias, est en train de développer, de plus en plus, un nouvel univers médiatique. Celui-ci est fait de convergences de médias qui semblent imposer, tout naturellement, une forme particulière de pensée aux œuvres d’art, aux produits commerciaux, et aux formes de consommation de l’imaginaire. À la différence de la transposition intermédiatique, la transmedialité génère un type de convergence de médias qui, à son tour, se caractérise par sa capacité de transformer la narration en un acte collectif de participation.

La bande dessinée offre de nombreuses possibilités de processus adaptatifs et transmédiaux. Qu’elle soit œuvre source ou œuvre but, elle entretient en effet des liens avec d’autres médias tels que le cinéma (Jemma Bovery (2014) de A. FONTAINE), le roman (L’étranger (2013) de J. FERRANDEZ,), le théâtre (La trilogie des dragons (1985) de R. LEPAGE), les jeux vidéo (Assassins’Creed Unity (2014) par UBISOFT), ou encore le cinéma d’animation (Little Nemo[1] (1911) de W. McCay, première transposition de ce type (VIMENET, 2013 : n.p.)).

En parcourant les écrits critiques et théoriques qui traitent de l’adaptation, on peut relever quatre courants de pensée critique. Le premier courant, développé dans les années 50, se caractérise par la revendication de la valeur artistique d’une œuvre cinématographique à partir d’une œuvre littéraire. Ainsi, André Bazin, par exemple, a opté pour la légitimation du cinéma dans « Pour un cinéma impur. Défense de l’adaptation » (1958). Le deuxième courant, qui s’étale des années 50 au tournant du millénaire, a voulu établir des typologies du phénomène adaptatif suivant le degré de fidélité que l’œuvre adaptée − qu’on nomme aussi œuvre source − entretient avec l’œuvre adaptante, également désignée comme œuvre cible ou œuvre but. (BLUESTONE, 1957 ; BAZIN, 1958 ; WAGNER, 1975 et ANDREW, 1984[2]) Ces modèles descriptifs, régis par la fidélité, ont une utilité indéniable pour catégoriser les œuvres adaptantes par rapport aux œuvres adaptées, donc dans une perspective comparée. Cependant, ces modèles sous-tendent aussi un désir d’équivalence, comme le propose Richard Saint-Gelais, un fantasme « de la reprise parfaite d’un contenu qui se transférerait d’un médium à l’autre sans être altéré ». (Saint-Gelais, 1999 : 248) Ils pourraient alors également impliquer le désir inverse, celui d’une altérité absolue. Les recherches du troisième courant visent à ouvrir l’étude de l’adaptation au-delà du principe de fidélité et de la valeur éventuellement plus grande d’un médium artistique par rapport à un autre. L’ensemble d’essais dirigé en 1998 par André Gaudreault, spécialiste du cinéma, et Thierry Groensteen, spécialiste de la bande dessinée, intitulé La transécriture, pour une théorie de l’adaptation, s’inscrit dans une optique globalisante de l’adaptation et souhaite laisser de côté la question de la fidélité. Cet ouvrage qui propose un élargissement de l’étude du phénomène adaptatif à d’autres langages que le roman et le film, c’est-à-dire au clip vidéo, au théâtre et à la bande dessinée, encourage à le comprendre « comme un seul et vaste phénomène ». (GAUDREAULT et GROENSTEEN, 1998 : 5) C’est aussi dans ce sens que vont Andrée Mercier et Esther Pelletier dans leur ouvrage de 1999 L’adaptation dans tous ses états. Elles y considèrent que les réflexions sur l’adaptation peuvent dépasser les questions de la hiérarchisation de médias – l’hégémonie de la littérature sur le cinéma – et de la fidélité. Enfin, on voit poindre, depuis quelques années, un quatrième courant qui examine le processus adaptatif dans des expressions très diverses qui vont des œuvres classiques jusqu’à des œuvres de la culture populaire. On pense notamment à Linda Hutcheon qui, en 2006, avec A Theory of Adaptation, aborde l’adaptation, presque tous médias confondus, à la fois comme produit de création et de réception ainsi que comme processus.

Ces quatre courants théoriques montrent bien, alors que la question des adaptations intermédiales a toujours été présente, que c’est seulement avec l’apparition de la technologie numérique, et de sa subséquente popularisation, que certaines pratiques d’adaptation et les réflexions théoriques qui en découlent ont pris un nouveau tournant : un intérêt marqué pour les phénomènes de remédiation et les processus de création de sens appartenant à d’autres médias, en d’autres termes, la transmédialité. Ainsi peut-on certainement voir dans la convergence médiatique mise en place par la technologie numérique la cause de ce changement, et, de ce fait, on peut commencer à traiter certains phénomènes adaptatifs comme relevant de la transmédialité, pendant que d’autres continuent d’avoir lieu au sein d’un même médium ou vers un autre médium.

Dans le contexte technologique qui a vu le jour depuis une vingtaine d’années, des images et des médias qui semblaient inconciliables – tels que le dessin animé, qui renvoie à une géométrie cartésienne (DELEUZE, 1983), et l’image cinématographique, qui est pleinement euclidienne –, ont commencé à faire partie du même univers narratif. Ce nouveau type d’univers narratif, établi par la convergence des médias, qui a elle-même été rendue possible par l’avènement de la technologie numérique, est un univers multidimensionnel qui admet plusieurs systèmes de créations de sens ou sémiologies sans pour autant générer une homogénéisation sémiotique.

Depuis le début du nouveau millénaire, parallèlement aux adaptations intermédiales, les adaptations transmédiales de bandes dessinées se sont multipliées. Pour n’en citer que quelques-unes parmi les adaptations vers le médium cinématographique de ces dernières années, pensons par exemple aux aventures des X-men, aux Gardiens de la Galaxie, à Sin City ou Les Avengers. Ces adaptations ont à leur tour donné lieu à des adaptations ultérieures, à des spin-off, à des remakes, à des interventions diverses dans l’histoire principale, à des transferts dans d’autres médias.

C’est pourquoi, la rédaction d’un volume scientifique consacré à la bande dessinée et aux processus adaptatifs, qu’ils soient transmédiaux ou non, dont elle peut être soit la source soit le but, s’avère nécessaire. En effet, les articles qui le constitueront s’articuleront autour des deux notions d’adaptation et de transmédialité, ce qui, à notre connaissance, n’a pas encore été réalisé à ce jour, offrant en cela une réflexion novatrice. Le point de départ de ce collectif est le suivant : de nos jours, en raison de la diffusion des phénomènes de remédiation et de convergence, des médias ayant construit (indépendamment les uns des autres) leurs propres mécanismes de créations de sens commencent à s’entrelacer sans pour autant perdre leur spécificité. Ce constat se vérifie entre autres dans le médium bédéique, pour lequel on voit poindre, à côté notamment d’adaptations intermédiatiques, des œuvres transmédiatiques. Cet ouvrage se veut le lieu d’une double réflexion. La première est théorique et concerne les concepts d’adaptation et de transmédialité, entre autres quand ils sont appliqués à la bande dessinée. La seconde tend à étudier de façon concrète, avec l’analyse de cas, les engrenages des mécanismes sémiotiques qui régissent l’adaptation et la transmédialité en bande dessinée.

Ainsi cet ouvrage se composera à partir de deux grands axes :

Transmédialité et adaptation : réflexions et nouveaux apports théoriques Transmédialité et adaptation : études de cas autour de la bande dessinée Bande dessinée et arts narratifs (roman, nouvelle, etc.) ; Bande dessinée et art de la scène (théâtre, danse, opéra, etc.) ; Bande dessinée et arts visuels et narratifs (films, télévision, animation, etc.) ; Bande dessinée et narrations interactives et ergodiques (jeux vidéo, etc.)

Il sera ainsi le lieu à la fois :

  • de compréhension des processus transmédiatiques et adaptatifs ;
  • de mise en convergence d’espaces narratifs appartenant à différents médias ;
  • de mise en évidence ou de construction de nouvelles approches théoriques.
  • de l’analyse d’œuvres de départ ou d’arrivée ;

 

Calendrier

15 décembre 2016     Soumission d’un abstract d’une page comprenant l’abstract, une courte bibliographie liée à l’article et une courte notice biobibliographique de l’auteur(e). (Times New Roman, 12 points, marges de 2,54 cm)

15 janvier 2016         Acceptation ou refus de la proposition d’article par le comité éditorial

15 avril 2017              Soumission des articles

 

Comité scientifique éditorial

Evelyne Deprêtre (FIGURA – Université du Québec à Montréal)

German A. Duarte (Université de Bogota Jorge Tadeo Lozano)

Thomas Vercruysse

 

Collaborateurs scientifiques

Sémir Badir (Université de Liège)

David Roche (Université Toulouse Jean Jaurès)

 

Références

DELEUZE, G. (1983). Cinéma 1. L’image-mouvement. Paris : Les Éditions de Minuits.

HÉBERT, L. (2015b). Dictionnaire de sémiotique générale. Site Signo. [En ligne] http://www.signosemio.com/documents/dictionnaire-semiotique-generale.pdf, consulté le 20 septembre 2015.

JENKINS, H. (2006). Convergence Culture : Where Old and New Media collides. New York : New York University Press.

 

[1] Une version de Little Nemo est actuellement accessible à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=kcSp2ej2S00, consulté le 9 septembre 2014.

[2] Par exemple, Geoffrey Wagner envisage une typologie ternaire : la transposition, le commentaire et l’analogie. (Voir G. Wagner (1975)). Dudley Andrew, propose lui aussi une typologie ternaire : l’emprunt, le recoupement et la transformation. (Voir D. Andrew (1984))