Agenda
Événements & colloques
Théorie du séminaire : Platon, Péguy (séminaire de Bruno Clément

Théorie du séminaire : Platon, Péguy (séminaire de Bruno Clément

Publié le par Université de Lausanne (Source : Bruno Clément)

Bruno Clément "Théorie du séminaire" (séance du 19 novembre 2021)

Université Paris Sorbonne, Bibliothèque du XIXe siècle (escalier I, 2e étage, entrée par le 14 rue Cujas 75005

La séance sera "hybride":

on peut y assister physiquement en se rendant dans la salle de la bibliothèque du 19e siècle:

- pour cela faire savoir à Bruno Clément (bpe.clement@gmail.com) votre intention de participer

- présenter à l'entrée du 14 rue Cujas l'invitation jointe à cette annonce et donner votre nom - il sera vérifié sur la liste des participants qui sera remise aux vigiles avant la séance

on peut y assiter en visio en activant les liens suivants :

https://univ-paris8.zoom.us/j/99044556912?pwd=NWlGTnlkNXpNVFBKT0cyUG5acStXUT09

ID de réunion : 990 4455 6912 — Code secret : 562338

*

La séance du 19 novembre sera consacrée à la lecture du prologue du Banquet de Platon et d'extraits de la Note conjointe sur Descartes et la philosphie cartésienne (1914) de Charles Péguy

« Théorie du séminaire »  (1er semestre 2021-2022)


Dans la continuité du séminaire tenu l’an dernier au Collège international de philosophie, je compte cette fois explorer plus systématiquement la dimension qui ne m’est apparue que tardivement, à savoir la lecture dans son processus de réflexion collective, rapprochée et amicale – autrement dit sous la forme… du séminaire. J’entends le mot dans une acception large, dépassant évidemment le cadre du séminaire tel que je l’ai pratiqué des années durant dans le cadre universitaire ou même dans le celui – qui l’est beaucoup moins ! – du Collège international de philosophie.

Le « risque », qui depuis l’an dernier est au cœur de ce projet, n’est pas évacué pour autant. Mais il ne sera pas envisagé de la même façon, ni dans les mêmes termes. Alors qu’il a été jusqu’à présent appréhendé le plus souvent comme un danger, je l’approcherai cette fois plutôt comme la chance d’un sens nouveau.

L’emblème de ce processus serait la première publication en 1641 des Meditationes de Prima Philosophia que Descartes choisit de faire lire au public, en même temps que les six objections que des lecteurs choisis lui ont adressées, les réponses qu’il leur a faites. Cette manière de concevoir la philosophie relève de ce que j’appelle donc résolument « séminaire ». Descartes considère apparemment que la production de ses réflexions est aussi une contribution, adressée aux acteurs de la vie intellectuelle de son temps, et que lui sont comme naturellement associés tous les esprits désireux de progresser avec lui sur le chemin de la vérité. Il est devenu impossible, dès cette première publication, de parler des propositions de Descartes sans englober dans les commentaires qu’on en fait à la fois les objections qui lui ont été adressées et les réponses qu’elles ont suscitées. Loin de renoncer à cette manière, on sait que Descartes a au contraire dès la seconde édition rendu publique une septième objection, nouvelle occasion pour lui de préciser un certain nombre de points – et ce n’est certainement pas un hasard s’il modifie alors le titre de ses méditations dans lesquelles ne sont plus désormais démontrées l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme mais l'existence de Dieu et la distinction de l'âme humaine dans le corps. Voilà ce que peut le séminaire ! Voilà le fruit du risque que prend un philosophe quand il décide de procéder selon la méthode du séminaire.

Mon point de départ sera donc cette année Descartes, et plus précisément l’élaboration, la publication, la réception des Méditations métaphysiques.

Il est probable que cette lecture et la lecture des lectures que les Méditations auront fait naître, 

me conduiront à envisager de nouveau mais sous un autre angle, quelques-uns des paramètres rencontrés cette année.

Au nombre desquels, la question de la circonstance. La philosophie n’entretient pas avec la circonstance une relation très paisible. Elle travaille en effet à élaborer une pensée qui en soit abstraite et il ne lui arrive pas si rarement de prétendre que la circonstance n’est que l’occasion, au fond indifférente, de la production d’une pensée qui ne lui doit rien ou presque. Or la circonstance n’affecte pas seulement – si elle l’affecte – l’écriture d’une œuvre de pensée, elle affecte aussi la lecture qui en sera faite. La circonstance constitue pour tout texte spéculatif un risque majeur. La lecture de Bergson par Péguy doit sans doute à leur amitié, mais on aurait tort de croire que la Note que Péguy écrit sur lui ne doit pas aussi – et grandement – à la décision que prend en 1914 l’Église catholique de mettre l’œuvre de Bergson à l’index. La lecture militante et amicale de Péguy met au jour dans les textes de son ami des éléments auxquels il n’attachait sans doute pas la même importance que son lecteur – et leur amitié a parfois souffert de cette lecture circonstancielle et dérangeante.