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Théâtre quantique

Théâtre quantique

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Laboratoire LLA (Lettres, Langages et Arts))

 

Le théâtre quantique

Toulouse – 15 et 16 mai 2009

Organisatrice : Agnès Surbezy (agnes.surbezy@gmail.com)

Adresse mél du colloque : theatrequantique@gmail.com

Présentation du projet :

Encore peu exploré, au croisement entre arts et sciences, le théâtre quantique sera l'objet de ce colloque. De fait, dans la métamorphose radicale de notre rapport au monde qu'a supposé la postmodernité, la physique quantique, en s'intéressant aux lois de l'infiniment petit, a joué un rôle fondamental. Remettant en cause les principes de la physique classique, elle oppose le discontinu à la continuité, le hasard à la causalité, l'interdépendance des atomes à la séparabilité et à l'objectivité... et a servi de terreau fertile à l'élaboration des grandes théories du XXe siècle, modifiant profondément notre perception des phénomènes de la vie quotidienne ainsi que les grands courants de pensée actuels.

Dans le domaine des Arts, l'utilisation de l'adjectif quantique pour définir des productions contemporaines est relativement récente. Même si, en France, Claude Régy donne tout son éclat au théâtre quantique dans ses mises en scène de Melancholia-Théâtre de John Fosse (2001) et de 4.48 Psychose de Sarah Kane (2002), la labellisation de l'esthétique quantique semble être un phénomène espagnol : le quantique est le fer de lance d'une association internationale créée à Grenade en 1994, le Salon des Indépendants. Un des co-fondateurs de cette association de créateurs, Gregorio Morales, journaliste et écrivain, a publié en 1998 un essai intitulé Le cadavre de Balzac. Une vision quantique de la littérature et de l'art, dans lequel il définit l'esthétique quantique comme l'exploration artistique de la nouvelle vision du monde émergeant des principaux principes de la physique subatomique tels que, pour n'en citer que quelques-uns, les principes d'incertitude (Heisenberg) et de complémentarité (Böhr) ; le principe d'inséparabilité ; le rôle fondamental de l'observateur dans la constitution du monde – principe porteur d'un nouvel humanisme – ; l'existence d'une matière mentale qui composerait le monde (Eddington) ; la théorie des supercordes – qui, ramenée au champ artistique, implique que chaque homme est une vibration unique d'énergie devant émerger des ondes communes dans lesquelles nous sommes tous plongés, etc. Appliqué à l'art et au théâtre, le quantique permet donc d'élargir notre vision du monde à l'infiniment petit (ainsi qu'à l'infiniment grand) et de rendre compte de l'intrinsèque complexité de l'homme et de l'univers en reconnaissant leur part d'inconnaissable, en refusant la pensée binaire, en faisant de la conquête de l'inconscient une aventure à part entière, en s'intéressant aux synchronies, en opposant le hasard à la  causalité, la mémoire holographique à l'évocation, la complexité à toute modélisation schématique, etc.

Alors même que le concept de quantique a été revendiqué par des figures majeures du théâtre européen contemporain, à commencer par José Sanchis Sinisterra ou Claude Régy, force est de constater que le théâtre quantique semble encore peu étudié, que ce soit par le Salon des Indépendants ou par d'autres chercheurs, dans d'autres aires linguistiques. C'est pourquoi nous avons souhaité pousser plus avant la réflexion sur l'implication de ces théories au coeur même des textes, et ce d'autant plus que, si la recherche s'est déjà intéressée au rapport qu'entretient l'art dramatique avec des théories scientifiques proches ou héritières de la physique quantique – la théorie du chaos entre autres –, elle s'est surtout appuyée sur des formes de théâtre qui privilégient l'image. Pourtant, les premières pistes explorées ont prouvé à la fois la dimension novatrice de cette approche et sa validité, justifiant pleinement la tenue de cette rencontre. Centrée autour du théâtre (et marquée par une forte présence du théâtre espagnol due à l'apparition du label « quantique » en Espagne), cette manifestation, qui souhaite jeter les premiers jalons d'une réflexion plus large et qui devrait donner lieu à la publication d'un ouvrage collectif aux éditions Lansman (Belgique), se déroulera, en outre, pendant le festival de théâtre universitaire Universcènes, au Théâtre Daniel Sorano (avec créations de théâtre en langue originale surtitrée, tables rondes, bords de scène), répondant à la dynamique qui est la nôtre depuis maintenant vingt ans : celle de la fusion entre théorie et pratique de l'art.

Quelques pistes bibliographiques :

  • Quelques ouvrages sur la physique quantique :

Hawking, Stephen (1989), Une brève histoire du temps. Du big bang aux trous noirs, trad. Isabelle Naddeo-Souriau, Paris, Flammarion.

Hermann, Greta. Les Fondements de la mécanique quantique, Paris, Vrin, 1996

Lachièze-Rey, Marc, et Jean-Pierre Luminet (2005), De l'infini… Mystères et limites de l'Univers, Paris, Dunod.

Ortoli, Sven, et Jean-Pierre Pharabod (1984), Le cantique des quantiques. Le monde existe-t-il?, Paris, La Découverte, 1984.

Trinh, Xuan Thuan (2000), Le chaos et l'harmonie. La fabrication du réel, Paris, Gallimard.

  • Esthétique et théâtre quantiques :

Abuín González, Anxo (2006), Escenarios del caos. Entre hipertextualidad y la performance en la era electrónica, Valencia, Tirant lo blanch.

Caro, Manuel J. et Murphy,  John W. (2002), The World of Quantum Culture , Westport, GPG.

Corrons, Fabrice, Martinez Thomas, Monique et Surbezy, Agnès (2008) « Le théâtre quantique. Ordre et désordre dans l'Espagne contemporaine », à paraître dans L'annuaire théâtral, Québec, SQET.

Hébert, Chantal (1997), « De la mimesis à la mixis ou les jeux analogiques du théâtre actuel », dans Chantal Hébert et Irène Perelli-Contos, (éd.), Théâtre, multidisciplinarité et multiculturalisme, Québec, Nuit Blanche Editeur, p. 25-39.

Martinez, Monique et Agnès Surbezy (à paraître en 2008) : « Le traitement quantique de la mère empêchée », in Nadia Mekouar (éd.), La Mère empêchée dans la littérature espagnole contemporaine, Paris, L'harmattan.

Morales, Gregorio (1998), El cadáver de Balzac. Una visión cuántica de la literatura y del arte, Alicante, De Cervantes Ediciones.

Morales, Gregorio (1998), « La estética cuántica mirando a García Lorca », conférence prononcée à Pinos Puente (Grenade, Espagne), disponible en ligne. [http://www.terra.es/personal2/gmv00000/garcia%20lorca.htm]

Morales, Gregorio (2003), Principio de incertidumbre, Valencia, Novatores / Diputació de Valencia.

Régy, Claude (1998), Espaces Perdus, Besançon, Les Solitaires Intempestifs.

Régy, Claude (2002), Le principe d'incertitude, Besançon, Les Solitaires Intempestifs.

Rykner, Arnaud (2008), « L'univers quantique de Marguerite Duras et la critique des dispositifs », in Alhstedt, Eva et Bouthors-Paillart, Catherine (éd.), Marguerite Duras et la pensée contemporaine, Göteborg, Université de Göteborg, p.181-193.

Salón de los Independientes (1995), Manifiesto de Valencia, manifeste signé à Valence (Espagne). [http://www.terra.es/personal2/gmv00000/salon.htm]

Shepherd-Barr, Kirsten (2006), Science on Stage : from Dr Faustus to Copenhagen, Princeton, Princeton University Press.

Surbezy, Agnès (à paraître en 2009), « Ondes et corpuscules : le personnage quantique dans la Trilogía de mujeres medievales d'Antonia Bueno », in Reck, Isabelle et Weber, Edgard (éds), Le texte dramatique. Orient-Occident, 1968-2008, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg.

Valmer, Michel (2006), Théâtre de sciences, Paris, éditions du CNRS.