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Th. Groensteen, Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée : Canon

Th. Groensteen, Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée : Canon

Publié le par Nicolas Geneix

Thierry Groensteen, Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée : Canon

Article publié sur le site "neuvième art 2.0", janvier 2018.

"L’ensemble des classiques de la littérature forme ce qu’il est convenu d’appeler le canon littéraire, et le plus large consensus règne quant à la composition de ce répertoire des œuvres qu’il « faut » connaître et, si possible, avoir lu. 
Le recul du temps est nécessaire à la constitution du canon. Les œuvres célébrées au moment de leur publication (celles, par exemple qui reçoivent un prix littéraire important) n’y rentreront pas nécessairement. Il suffit de considérer la liste des lauréats du Goncourt pour être éclairé là-dessus.
À l’école, l’un des buts des cours de français était naguère d’initier les enfants à ce canon à travers l’étude d’extraits choisis, de les familiariser avec ce qui a été écrit de meilleur – et, ce faisant, de leur inculquer des notions de valeur et de hiérarchie entre les œuvres. Mais aujourd’hui les enseignants doivent reconnaître qu’ils n’ont plus guère la possibilité de remplir cet office. L’émiettement de la culture, l’effondrement de la transmission, le remplacement du mérite littéraire par le conformisme idéologique ont porté de sérieux coups à la notion de canon. Elle est, par ailleurs, de plus en plus mise en cause dans son fondement même. L’heure est à l’abolition des hiérarchies. L’idée que certains textes seraient « fondateurs » ou « classiques » est remise en cause. La déconstruction du canon est à l’ordre du jour.

Dans ce contexte, sert-il à quelque chose de s’interroger sur l’existence d’un canon dans le domaine qui nous intéresse ici, celui de la bande dessinée ? On pourrait en douter. Mais la promotion de la bande dessinée comme neuvième art ne pouvait aller sans la mise en exergue d’un certain nombre de maîtres incontestés – quoiqu’en pense Harry Morgan pour qui « la conception canonique ne vise nullement à la légitimation de la forme d’expression considérée » (2011). Cette opinion peut être défendue, s’agissant de la littérature mais, selon moi, elle ne s’applique pas de la même manière à un art qui a longtemps été dans un grand déficit de légitimité. (...)"

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