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Surréalisme et contraintes formelles

Surréalisme et contraintes formelles

Publié le par Marielle Macé (Source : H. Béhar)

Appel à communication

COLLOQUE « Surréalisme et contraintes formelles»
Université Paris III, 13-14 octobre 2006
Organisé par le Centre de recherches sur le surréalisme (Paris III-CNRS) et la revue Formules

Comme ultime avatar de la tourmente romantique, l'écriture surréaliste s'est voulue une libération par rapport aux formes traditionnelles jugées contraignantes.
Une contrainte littéraire peut être définie comme une règle supplémentaire, distincte des lois de la langue et des règles du discours, ainsi que des règles définissant les divers genres littéraires canoniques. (Cf. Bernardo Schiavetta, « Définir la Contrainte » document Internet consultable sur le site FORMULES : http://www.formules.net/)
Contrairement au déclencheur futuriste et à certaines manifestations de poésie visuelle ou sonore qu'on peut trouver dans le modernisme et chez Dada, le mouvement institué par André Breton a respecté ces lois et ces règles. Mais n'a-t-il pas introduit, d'une façon très voyante, de nouvelles contraintes à visée créatrice comme celles des « jeux surréalistes », du cadavre exquis au jeu de « l'un dans l'autre » en passant par le dialogue surréaliste, contraintes elles-mêmes issues de certains jeux de société, comme la notation, les préférences, les petits papiers, l'énigme, etc. ? Les jeux sur le son et le sens des mots de Robert Desnos anticipent-ils ceux de l'Oulipo ? Peut-on périodiser ces différents jeux, sans omettre ceux des surréalistes belges, à commencer par Paul Nougé ?
Plus profondément, l'écriture automatique, le « parler surréaliste », n'est-elle pas, elle aussi, une contrainte en visant à interdire aussi bien l'usage ordinaire du discours que son usage poétique traditionnel ? Son échec ne semble pas avoir été relevé par l'imitation des différents types de discours correspondant aux maladies mentales. Quel rapport la recherche d'une spontanéité affective a-t-elle avec la poésie intellectuelle du nonsense ?
Le récit de rêve a-t-il été un genre nouveau en prose ? Le poème en prose a-t-il connu à ce moment une période d'efflorescence ? Le récit poétique ou le théâtre surréaliste annonce-t-il la libération de certaines formes nouvelles de roman ou de théâtre ? La maxime poétique chez Robert Desnos et chez René Char, ou la maxime morale chez Louis Scutenaire, n'ont-t-elles pas été renouvelées ? La présentation de la théorie littéraire, sous la forme de manifestes, et celle de la critique elle-même n'a-t-elle pas été modifiée ?
Dans le domaine de la métrique, la disparition de la charge musicale du vers symboliste, au nom de la quête de l'image, voire de l'expression des idées, n'a-t-elle pas renforcé l'hégémonie d'un vers libre des plus platement « syntaxiques » dans la poésie française ? Ne convient-il pas néanmoins de reconsidérer le vers blanc chez Éluard, l'alexandrin chez Desnos, le vers oral d'Aragon ? Quelles formes poétiques cachées peut-on déceler chez ces deux derniers poètes ? Le surréalisme a-t-il engendré les « grands poèmes » qui se faisaient attendre depuis la constriction parnassienne ? L'Ode à Charles Fourier d'André Breton peut-elle encore être définie comme un poème surréaliste ?
La similarité de résultat entre texte surréaliste et texte oulipien dans les détournements de proverbes ou de textes classiques, ou dans certains textes à base combinatoire, comme ceux de Péret ou de Jean Arp, amène à poser la question des critères de reconnaissance de la contrainte dans un texte, qu'elle ait été explicitée ou non.
Faut-il rapprocher ou distinguer les productions de « l'automatisme mental », inconscient ou préconscient, qu'il soit personnel ou issu d'un travail collectif, et l'automatisme aléatoire, comme celui de la méthode S + 7 ou des procédures informatiques actuelles ? Quelle est la part de chacun des deux automatismes dans les jeux alphabétiques d'E.L.T. Mesens, les variations phoniques de Ghérasim Luca ou la composition rousselienne à partir de jeux syllabiques de Guy Cabanel ?
Pour le surréalisme, il ne sera pas inutile de revoir les liens avec les contraintes des arts plastiques, ou même les contraintes de l'intervention culturelle ou politique, comme les papillons, les tracts, mais aussi l'art de l'insulte et les manifestations à scandale.
Dans quelle mesure l'Oulipo a-t-il été et reste-t-il une image en miroir du surréalisme, tant en ce qui concerne son découplage des avant-gardes politiques révolutionnaires en faveur d'un escapisme souvent ludique d'allure postmoderne, qu'en ce qui intéresse son fonctionnement interne qu'il affiche comme non conflictuel ? Son art conscient de la prestidigitation, avec le dévoilement de ses tours, que d'autres écrivains peuvent reprendre, n'est-il pas l'opposé de l'invocation à la magie, forme affaiblie de religion séculière, d'où est partie et sur laquelle s'est terminée l'activité surréaliste ?
Quelle est la part du surréalisme, et de « l' angoisse de son influence », dans l'oeuvre de Raymond Queneau ? Comment comprendre la trajectoire de Noël Arnaud ? Et des poètes à la frontière du surréalisme comme Henri Michaux, ou Jean Tardieu, ou André Frédérique, n'ont-ils pas exploré également des contraintes littéraires ?
Autant de questions auxquelles il nous paraît que le moment est venu de tenter d'apporter des réponses.

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