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Signes & espaces // Traverse(s) (Saint-Etienne)

Signes & espaces // Traverse(s) (Saint-Etienne)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Kader Mokaddem)

Signes et espaces // Traverse(s)

4-5 avril 2016

 

Après avoir conduit pendant trois ans, une réflexion spécifique sur les dispositifs esthétiques de l’urbain intitulé Déserts urbains où l’image photographique a joué un grand rôleil nous a semblé important d’interroger la configuration de signes dans les espaces fictionnels des arts et de la littérature.

Ces journées sont également l’occasion de rendre compte des travaux des étudiants et de présenter une exposition photographique à l’Ecole nationale d’architecture rendant compte de l’état actuel de la réflexion sur Déserts urbains.

« Imaginer des possibles et les faire varier par la pensée (…) est la source aussi bien des connaissances scientifiques que des mondes imaginaires des mythes et des arts.»(1)

Nos espaces sont marqués par une variété multiple de signes qu’il nous faut sans cesse déchiffrer. Ces signes se donnent parfois comme des signatures d’espace : un tag, par exemple, est un marquage spatialisé dont le seul but est de signifier une forme de prise de possession territoriale, certaines architectures instituent une perception orientée des espaces urbains...

Les signes marquent et déterminent l’appréhension que nous devrions avoir des espaces.

Nos espaces sont marqués par une emprise d’esthétique des signes. Les espaces portent parfois en eux-mêmes leurs propres signes sur lesquels nous venons apposer les nôtres au point parfois de les saturer et de vider les signes de leur caractère signifiant.

Longtemps on a cru que les signes servaient à rendre compte de choses absentes.

Il « fait venir à la pensée quelque autre chose »(2).

Puissance évocatrice-évocréatricre du signe puisqu’il fait advenir une différence qui produit de la semblance.

Ils sont là, porteurs de significations, et se présentent à nous en attente d’un déchiffrement et d’une interprétation.

La multiplication des signes est une étrangeté ; F. de Saussure pensait avec juste raison que l’apparition d’un signe fait perdre à tous les autres en signification.

Il faut donc parier dans notre rapport actuel aux signes sur autre chose que la signification, il faut parier sur une puissance de signifiance – c’est-à-dire d’une puissance à ouvrir au sein des espaces où les signes viennent s’inscrire d’autres régimes de sens.

Il y a une puissance dans les signes qui ouvre à l’imaginaire.

Brassaï déjà photographiquement avait perçu cette puissance des signes :

« Ces signes succincts ne sont rien moins que l’origine de l’écriture, ces animaux, ces monstres, ces démons, ces héros, ces dieux phalliques, rien moins que les éléments de la mythologie. S’élever à la poésie ou s’engouffrer dans la trivialité n’a plus de sens en cette région où les lois de la gravitation ne sont plus en vigueur. » (3).

Peut-être nous manque-t-il encore ce savoir et cette science des signes que Ferdinand de Saussure nous promettait en fondant la linguistique ?

Soyons plus précis, notre expérience sensible des signes et des espaces n’est pas définitivement établie.

Nous croyons que les signes fixent la signification, voire qu’ils la produisent. Il n’en est rien.

Les signes ne sont que les articulations dans les espaces de l’indécision du sens.

Ils cherchent à maintenir un moment dans ces espaces, la relation ouverte que nous avons pu avoir avec le monde.

En somme, les signes maintiennent, à l’égard de l’organisation des espaces, une forme d’insistance à énoncer, proposer, formuler certains états du monde.

Aussi arbitraires puissent-ils nous paraître, les signes s’insurgent parfois contre la signification institutionnelle qui nous est donnée du monde.

Les signes insistent à dire un état ouvert du monde, un état du monde qui persiste ; d’une certaine manière, les signes récusent leur ressaisie, il est possible de concevoir cela à la lumière de cette proposition de Walter Benjamin :

« Car il n’est pas de témoignage de culture qui ne soit en même temps un témoignage de barbarie. » (4).

Les signes ne sont donc pas que des indices de sens, ils sont aussi les traces résiduelles d’un autre sens à jamais perdu : la main sur la paroi de la grotte, le graffito sur les murs de Pompéi...

De ce qu’il reste donc d’une histoire filtrée par les vainqueurs.

Fragilité de ces signes qui surgissent sans que notre regard y prête attention et viennent nous dire, à nouveau, quelques fragments, quelques récits qui se sont joués dans des espaces.

Peut-être est-il temps de dégager les relations particulières des signes avec les espaces que nous parcourrons et dans lesquels nous vivons.

Les signes nous entraînent par leur puissance sur d’autres étendues que la leur.

On se souviendra, parce qu’il est question dans ces journées de littérature, que les espaces de la page, les espaces du livre, les espaces géographiées (5) proposent des itinérances, des cheminements d’un signe, l’autre.

Ce cheminement déploie donc une géographie par les signes des espaces. Ce sont comme les tracés d’un dessin dont la configuration finale est à venir.

Marcel Duchamp, déjà, remarquait qu’il fallait aussi pour faire une œuvre d’art constituer un langage. Souvent, nous n’avons que les éléments de base de ce langage (6) que sont les signes, épars dans les espaces, ils nous attendent pour devenir, au sein des propositions que nous constituerons avec eux, autre chose. Le problème est donc bien de faire advenir les possibilités de sens (nous choisissons ce mot plutôt que signification qui restreindrait la perception à celle uniquement de la phrase linguistique).

Les signes sont des entités sensibles. En tant que telles, ils peuvent se rendre imperceptibles et le travail est alors de les aider à manifester leurs qualités propres.

Ce sont ces signes d’espaces, dans des espaces que la session 2016 de Traverse(s) se charge de questionner.

C’est donc une manière de considérer que sur l’étendue incertaine de la mer, la bouteille et son message annoncent que le signe attend son messager.

 

1. Maurice Godelier, Levi-Strauss, Paris, Seuil, 2014.

2. Saint Augustin, De Magistro § 2, Paris, Klinscksieck, 1988.

3. Brassaï, Du mur des cavernes au mur d’usine in Minotaure n°3-4, décembre 1933.

4. Walter Benjamin Sur le concept d’histoire, § VII in Oeuvres III, Paris, Folio essais, 2000.

5. Les espaces géographiées, ce sont les espaces que la littérature, comme puissance

évocréatrice, arrive à instituer avec un degré de vraisemblance et de réalisme au point qu’ils se substituent aux espaces réels. Le texte livre les espaces à une variabilité des régimes des signes qui ouvrent la possibilité de territoires de sens.

6. Marcel Duchamp, Duchamp du signe, Paris, Champs Flammarion, 1994.

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Lundi 4 avril 2016

Cité du design - ESADSE

Auditorium

9h30

Accueil et présentation des enjeux et du déroulé

10h00

Equipes du laboratoire Images_ Recits_Documents

ScotScape : Paysages imaginaires.

10h30 Bertrand WESTPHAL

Court périple à travers les espaces et les lieux : le legs d’Italo Calvino.

12h00 Pause déjeuner

14h30 Emmanuelle BECQUEMIN & les étudiants année 4 de la mention Espaces

Objets commémoratifs : expérience et corps dans l’espace public

15h00 Philippe VASSET

Imprécis de géographie

16h30 Théo ZERBIB, Clémentine CHALENÇON & Camila RAGONESE

Couvrir de signes picturaux les signes photographiques

17h00 Pause

18h00 Ernest PIGNON-ERNEST

Signes dessinés - désigner//dessiner// déciller le regard.

 

20h00

AMPHITHÉÂTRE DE L’ENSASE

Projection et présentation du film : « Sociologie de comptoirs, cafés cosmopolites ».

 

Mardi 5 avril 2016

ENSASE

10H00 - 12H00

Manuel BELLO MARCANO & Anne LEFEBVRE

« En quoi la question de l’animalité, ou plus généralement du vivant, reconfigure-t- elle les compréhensions de l’image, du signe et du symbole en architecture ? »

12h00 Pause déjeuner

14H30 - 16H00 Pauline JURADO BARROSO

« Photographie de paysages : La ruine moderne comme condition urbaine »