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Shakespeare et les arts de la table

Shakespeare et les arts de la table

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Société Française Shakespeare)

Shakespeare et les arts de la table

Congrès 2011 de la Société Française Shakespeare (17, 18 et 19 mars 2011)

(English version follows)

Texte de cadrage

Les arts de la table sont des arts du spectacle. La table est un théâtre. Elle a ses acteurs, ses coulisses, ses décors, ses accessoires, ses règles, ses mises en scène, ses éclairages, ses musiques. En français, on parle aussi bien de « tréteaux» lorsqu'il s'agit de dresser une table que lorsqu'il s'agit de monter « sur les planches », ces dernières, « boards » renvoyant en anglais tout aussi bien à la scène qu'à la table. Le répertoire élisabéthain se nourrit abondamment de cette matière spectaculaire et festive. Qu'il s'agisse des pièces de Shakespeare ou de ses contemporains, Heywood, Kyd, Marlowe, Lyly, Greene, Peele, Chapman, Marston ou Dekker, ce théâtre regorge de séquences où la nourriture est mise en scène(s) et où la table devient lieu de création, de récréation et d'ostentation. De la cuisine funeste élaborée par Titus au festin par lequel Timon met littéralement « l'eau à la bouche » de ses convives, en passant par le mirage de banquet orchestré par Ariel, le corpus shakespearien présente les rituels et cérémonies alimentaires et culinaires dans tous leurs artifices, musicaux, visuels, théâtraux. La formulation « Shakespeare et les arts de la table » invite à étudier non seulement la culture, les pratiques et discours alimentaires dans le monde élisabéthain, mais aussi à explorer les mises en scène et l'esthétique de la table, l'art de cuisiner et de servir, les recettes, objets et ustensiles qui donnent forme au cru et au cuit, au boire et au manger.

« She makes hungry where most she satisfies » : Cléopâtre, décrite comme un morceau de choix (« a morsel for a monarch ») devient, par la métaphore alimentaire, une oeuvre d'art, dont le sens et la saveur ne s'épuisent pas dans la consommation mais qui génère au contraire un plaisir infiniment renouvelé et donc un désir éternellement insatisfait. Les aliments doivent subir des métamorphoses pour devenir des mets dignes des princes (« dainties ») dont le sens va bien au-delà de la simple fonction nourricière ou d'une pure réponse à un instinct. Parler des arts de la table, c'est évoquer non pas tant la nourriture qui rassasie que celle qui réjouit les sens, régale le convive ou le laisse sur sa faim.

Etudier Shakespeare et les arts de la table, c'est aussi explorer les règles de l'hospitalité et de l'étiquette ainsi que leurs transgressions. Lieu de convivialité et de festivité, la table peut être table de torture. Il faut non seulement interroger la matière alimentaire mais également les manières de table telles qu'elles sont enseignées à la Renaissance dans les nombreux manuels et traités consacrés au règles de civilité et de bonne conduite et telles qu'elles sont représentées ou subverties dans les pièces. Comme l'a montré Michel Jeanneret, les banquets sont faits de mets mais ils sont également une affaire de mots ; ils réconcilient le ventre et la tête en mobilisant les deux fonctions essentielles de la bouche que sont le manger et le parler. Explorer les arts de la table dans le monde de Shakespeare, c'est s'intéresser aux arts et aux plaisirs de la langue, aux propos de table comme aux festins de mots.

Nous ne doutons pas qu'un sujet aussi appétissant saura nourrir de nombreuses propositions à partir desquelles nous pourrons établir le plus alléchant des menus.

Appel à contributions

Merci de nous adresser vos offres de contribution – titre + résumé d'une demi-page maximum avant le 30 septembre 2010 à l'adresse suivante : contact@societefrancaiseshakespeare.org

Nathalie Vienne-Guerrin
Institut de Recherche sur la Renaissance, l'âge Classique et les Lumières
UM 5186 du CNRS Université de Montpellier III Paul Valéry

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Shakespeare and the Arts of the Table: 2011 Conference of the Société Française Shakespeare (March 17-19, 2011)

Arts of the table are not that far removed from performing arts. The table is a stage. It has its actors, its backstage, its sets, its props, its rules, its mises en scène, its lighting and musical effects. In English, “boards” can refer both to a table and a stage — both of which can indifferently be designated by “tréteaux” (trestles) in French. The early modern stage abundantly feeds on this spectacular and festive matter. Plays by Shakespeare or by his contemporaries, notably Heywood, Kyd, Marlowe, Lyly, Greene, Peele, Chapman, Marston or Dekker, teem with episodes where food, feeding and eating are staged and where the table appears as a place of creation, recreation and ostentation. From Titus' bloody serving-up of dishes to the banquet whereby Timon literally makes his guests' mouths water, through the trompe-l'oeil feast conjured up by Ariel, Shakespeare presents cooking and eating rituals in all their musical, theatrical and visual artifice. “Shakespeare and the arts of the table” is an invitation to study early modern food culture, practices and discourses, to address the representation and aesthetics of both the table and the art of cookery, and to explore recipes, objects and utensils that give shape to the raw and the cooked.

“She makes hungry where most she satisfies”: Cleopatra, described as “a morsel for a monarch”, is changed through a gastronomic metaphor into a work of art whose meaning and taste are not exhausted in consumption but which feeds instead a pleasure that is endlessly renewed, generating desire that is consequently never satisfied. Foodstuffs must undergo transformation in order to become royal dainties whose meaning goes beyond mere physical necessity and pure instinct. Arts of the table refer not so much to food that satisfies as to food that leaves you hungry while being a source of sensual pleasures, be it for the hosts or the guests.

A study of Shakespeare and the arts of the table implies an exploration of the rules of hospitality and etiquette as well as of their transgression. The festive, civil table can become a table of torture. One should not only interrogate food stuffs but also table manners as they are taught in the numerous Renaissance treatises on civility and conduct and as they are staged and perverted in the plays. As was shown by Michel Jeanneret, arts of the table have to do with edibles but also with speakables and readables; they reconcile the stomach and the head by summoning the two functions of the mouth: eating and talking. In Shakespeare's world, the arts of the table inevitably lead to the arts and pleasures of the tongue, to table talk and feasts of words.

Call for Papers

This appetizing theme is bound to provide food for thought and invite proposals which will enable us to draw up a mouth-watering menu.

Please send your proposals (title and 1/2 page abstract) by 30 September 2010 to: contact@societefrancaiseshakespeare.org

Nathalie Vienne-Guerrin
Institut de Recherche sur la Renaissance, l'âge Classique et les Lumières
UM 5186 du CNRS Université de Montpellier III Paul Valéry