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Seuils, bornes et frontières : sémiotique des passages

Seuils, bornes et frontières : sémiotique des passages

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Arnaud Laimé)

Seuils, bornes et frontières : sémiotique des passages

(mai 2015)

responsables de l’organisation : Michel Costantini, Arnaud Laimé
Colloque international Université Paris 8 / École Nationale Supérieure Louis-Lumière (mai 2015)

 

La sémiotique est pluridisciplinaire dans la genèse de sa théorie (issue qu’elle est du tripode philosophie, médecine et linguistique) comme dans le bricolage solitaire de sa pratique (elle fait feu de tout bois, ce qui définit une sorte de co-disciplinarité, variable selon les étapes de la quête).

Elle est interdisciplinaire par sa visée critique et collective, en tant que discipline d’amont fondamentalement ancillaire, élaborant sa quête autonome pour servir les autres approches, et favoriser par ses propres conclusions l’accouchement des leurs.

Mais bien plus : en tant que discipline d’aval, reconfigurant les contenus issus de ces autres approches, et visant à leur construire une schématisation commune, elle est trans (ou méta-) disciplinaire, pour autant qu’à cette fin elle dialogue (devrait dialoguer continûment), qu’elle entretient (devrait entretenir) une collaboration active, interactive, avec les disciplines ses contemporaines, hier, la théorie de la communication ou la cybernétique, aujourd’hui la biologie, les sciences cognitives, de façon générale les neurosciences, ou encore, pêle-mêle, la médiologie, l’esthétique, l’épistémologie, et… l’écriture, roman, poésie, théâtre…

C’est dans cette perspective qu’une réunion de sémiotique sur le sens de certains phénomènes ne peut que s’adresser à des chercheurs opérant à l’intérieur d’un large empan de disciplines, par delà les références doctrinales, les réticences doctrinaires et les clivages académiques. C’est dans cet esprit qu’est formulé cet appel à communication, suivant trois axes principaux.

 

Translations : sémioses, langages et métalangages

Le cadre posé est celui des réflexions théoriques et des polémiques anhistoriques sur l’intertraduisibilité, sur l’intraduisibilité (ou intraductibilité) et sur les stratégies de contournement, mais aussi celui des enjeux historiques des grandes entreprises collectives de traduction homosémiotique (en Occident, les Romains traduisant les Grecs, les  Pères de l’Eglise traduisant les Ecritures, les théologiens médiévaux face à l’arabe et au grec, disputant sur la question : de verbo ad verbum ou de sensu ad sensum ?, les Réformés entreprenant de faire lire la Bible en langue vulgaire), comme, sur un mode généralement plus individuel, celui des problématiques de la création hétérosémiotique (les transpositions verbales du peint, les illustrations picturales du dit, les adaptations cinématographiques).

Dans ce cadre, on prendra en compte la reconnaissance des frontières de même que les passages tentés, forcés, les remises en cause, les tentatives de dépassement et de repoussement, la problématique d’acceptation de la « licence créative » et des glissements contrôlés d’isotopie, ou encore le double mouvement d’approche de l’autre pour le ramener à soi, de déplacement de soi pour approcher de l’autre, tel qu’il se présente, entre autres, dans la question de l’ostran(n)enie (« défamiliarisation », « estrangement » et autres traductions possibles).

On s’interrogera sur les translations créatrices, qui conjuguent et alternent ces moyens de l’imitation (ou privilégient l’un d’entre eux) que sont « l’ajouter, le soustraire, le commuter, le transférer et l’innover », comme disait le bergamasque Gasparin, grammairien humaniste, au début du quinzième siècle. Car ces translations sont au cœur de notre problématique de la frontière pour l’ensemble du colloque, déployé sur le mode tripartite : langagièrement, culturellement, ontologiquement.

 

Transculturelles : local (ou pas tout à fait), global (ou presque), glocalisé ?

Le deuxième axe joue sur des polarités spatiales comme le bourg et le faubourg, le centre et la périphérie, l’ici et l’ailleurs, et s’attache à proposer des parcours qui rencontrent des barrières et suscitent leur franchissement, suivent méticuleusement des étapes ou les brûlent, sont constitués de catastrophes successives, attendues ou inattendues, de séquences continues que viennent scander (jugement objectivant) et troubler (modalisation subjective) discontinuités et ruptures.

Cet axe permettra de cerner un peu mieux ce qui peut se passer dans les relations interrégionales, internationales ou intercontinentales du point de vue du sens, en considérant notamment les jeux de désémantisation et de resémantisation, de constriction et d’élargissement, d’enracinement et de globalisation, d’internationalisation et de mondialisation, etc., tous jeux qui débouchent sur la question fondamentale de l’affirmation et de la modification de l’identité, dans une dialectique de l’universel et du particulier (et de la hiérarchie des strates de ce dernier) qui peut coïncider ou non avec une supposée « glocalisation ».

Les exemples privilégiés, sans exclusive certes, pourraient en être celui de l’Europe et celui de l’Asie. L’Europe, quelle que soit l’extension considérée, et un espace où les transferts culturels ont été particulièrement étudiés, et méritent de l’être encore, notamment selon le triangle Allemagne-Russie-France (dans le domaine de la sémiotique, on peut relever la migration des concepts de la psychologie germanique au formalisme russe et jusqu’au structuralisme français, pour ne donner qu’un exemple).

L’Asie, pour sa part, nous invite à réfléchir, singulièrement dans l’optique de la relation entre Extrême Orient et Extrême Occident, sur les beautés et les dangers du dialogue, sur les espoirs de la création du composite, sur les illusions de  la complémentarité, tant sur le plan strictement sémiotique (trois voies sont envisagées : la théorie, par définition européenne, à l’épreuve d’objets asiatiques, la pensée asiatique traditionnelle du signe et du sens considérée comme une autre sémiotique, et, à peine explorée, mais plus prometteuse, la voie de la recherche de renouvellement interactif et synergique), que dans une optique philosophique où une pensée renouvelée de l’universel s’impose pour clarifier les relations interculturelles et dégager l’horizon de l’hybride, du métissage.

 

Transhumanité : à la limite du sensé et de l’insensé, du pensé  et de l’impensé

Le troisième axe s’articule autour de la catégorie du temps, sous plusieurs aspects. Il y sera question de transmission et de traditions, de survivances et de résurgences, dans l’ordre du sens, toujours, donc entre autres et de nouveau des phénomènes de désémantisation et de resémantisation.

On se concentrera de préférence sur deux périodes de mutation (on pourrait en choisir d’autres, comme celle qui faisait Henri-Irénée Marrou s’interroger et nous interroger : Décadence romaine ou Antiquité tardive ?), deux grands moments de transit : genèse de l’humanisme autour des quinzième et seizième siècles, pensée et fictions de la post-humanité au tournant du deuxième et du troisième millénaire.

Deux grands moments qui convoquent le franchissement de frontière et ses conditions, qui déplacent les limites, voire les transgressent, dans les rapports – parfois des monomachies entre Majuscules –, de l’Homme et de  la Nature, de l’Humain et du Divin, entre le Microcosme et le Macrocosme, entre l’Animal (ou le Vivant) et la Machine,  la Vie et la Mort, le Corps et l’Esprit.

Les deux moments ont cela en commun, mais au moins ceci de différent, et même d’opposé : les deux visent certes l’« homme augmenté », mais selon des optiques, des modalités et des finalités divergentes. Quand l’un se pense ou se laisse penser de Renaissance – de retrouvailles avec l’Ancien –, l’autre est centré sur le détachement radical d’avec lui,  tourné, au moins illusoirement, vers le totalement nouveau. Et s’il s’agit de l’orientation par rapport à une frontière, l’humanisme, confiant en la nature dont il pense pouvoir repousser les frontières apparentes, cherche à augmenter l’homme dans tous ses aspects pour l’amener à ses dimensions naturelles, ce qu’on pourrait appeler sa condition, mais le transhumanisme, qui se défie au contraire de cette même nature, apparaît vectoriellement univoque, ne voyant dans l’augmenté que le premier pas vers le dépassement, le premier pas de la transformation du trans- en post-.

Pour ce qui est de ce moment actuel, on prendra en considération tous phénomènes qui pourraient se révéler signifiants de la problématique proposée, et à discuter, depuis les manifestations déjà présentes et relativement superficielles, comme la thématique des drag-queens et des drag-kings, seuils dépassés entre les genres dans des pratiques sociales plus ou moins marginales, jusqu’à des projections sur l’avenir de l‘être-humain, qui portent mille noms synonymes ou non : robots, robots humanoïdes éventuellement dotés d’exosquelettes, hubots, cyborgs et autres androïdes, si tant est qu’il les faille distinguer, voire à des descriptions du Successeur, support d’une forme de vie nouvelle – cyborg d’au-delà de toute frontière pensable.

Envoi des propositions avant le 29 septembre 2014

à   arnaudlaime@yahoo.fr  et  mic.costantini@orange.fr