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Sens de la langue et sens du langage

Sens de la langue et sens du langage

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Jérôme Roger)

SENS de la LANGUE et SENS du LANGAGE

Poésie,grammaire,traduction


Colloque « Littérature Enseignement Recherche » 17-19 novembre 2010

IUFM d'Aquitaine Equipe TELEM

Université Montesquieu - Bordeaux IV Université Michel de Montaigne - Bordeaux IIIAppel à communications

L'intuition, l'éducation ou l'idéologie attribuent parfois un mystérieux « sens de la langue » à tel enfant, comme on parle du sens de l'équilibre, ou de l'orientation... Ce compliment ne masque-t-il pas une réalité plus com- plexe, à savoir qu'une langue est la manifestation du langage, de son pouvoir inconnu de création ?

A force de croire qu'une langue comme le français « possède une littérature », on a fini par penser que cette littérature était un idéal de langue et que cette propriété était spécifiquement française : « Il n'y a qu'en France où la nation entière considère la littéra- ture comme l'expression de ses destinées », écrivait Robert Curtius en 1930 dans son Essai sur la France - tout en généralisant un cliché répandu à l'époque : « la grandeur de sa littérature n'est pas fondée sur la poésie mais sur la prose ». La confusion de la poésie avec le vers, dénoncée depuis par Henri Meschonnic (notamment dans La Rime et la vie, Verdier, 1989, fo- lio/essais, 2006), demeure emblématique du rapport faussé qu'entretient jusqu'à nos jours l'enseignement du « français » avec la littérature/la poésie.

Plutôt que de parler d' « un » sens de la langue, notion qui renvoie toujours à une essence ou à une norme, mieux vaut donc prendre acte des relations conflictuelles entre grammaire et littérature, poli- tique des oeuvres et enseignement de « la langue » maternelle et nationale. Ce sont là des questions déjà soulevées par Proust dans une lettre de janvier 1908 adressé à Emilie Strauss, qui n'a rien perdu de sa force :

« La seule manière de défendre la langue, c'est de l'attaquer, mais oui, madame Strauss ! Parce que son unité n'est faite que de contraires neutralisés, d'une immobilité apparente qui cache une vie vertigineuse et perpétuelle. Car on ne « tient », on ne fait bonne figure, auprès des écrivains d'autrefois qu'à condi- tion d'avoir cherché à écrire tout autrement. [...] La correction, la perfection du style existe, mais au-delà de l'originalité après avoir traversé les faits, non en deçà ».

Deux séries d'interrogations découlent de ces confi- dences :

- Que signifie « traverser les faits », pour un écri- vain, si ce n'est faire l'épreuve du remuement de la langue en lui, puisqu'il est obligé, ajoute Proust, de « se faire sa langue, comme chaque vio- loniste est obligé de se faire son ‘'son'' » ? Dans ces conditions le style n'est-il pas moins affaire de catégorie rhétorique que de phrasé ou de « proso- die personnelle », comme disait Apollinaire ?

- Si, comme l'a montré Gilles Philippe, la grammai- re, la littérature et l'école ont entretenu des liens étroits au cours de ce « moment grammatical de la littérature française » qui va de 1890 à 1940 (Su- jet, verbe, complément, Bibliothèque des idées, Gallimard, 2002), ce lien ne semble-t-il pas rompu aujourd'hui par l'institution scolaire, avec tous les risques que cela comporte : la perte de sens des études dites littéraires ?

Si ces problèmes peuvent être esquivés par le profes- seur dans sa classe, ils ne peuvent en revanche, rester longtemps ignorés des élèves.

Ce colloque, organisé conjointement par l'IUFM d'Aquitaine/Université Bordeaux 4, et l'équipe d'ac- cueil TELEM de l'Université Bordeaux 3, se propose donc de confronter les points de vue de chercheurs et de praticiens, sachant que du langage nous n' avons que des représentations, jamais le savoir.

Mais il est aussi l'occasion d'interroger à nouveaux frais les rapports qu'entretiennent l'enseignement du « français » et celui de la littérature, en mettant à distance les fantasmes de « maîtrise de la langue » qui fondent notamment les programmes scolaires, fantasmes d'ailleurs rarement analysés.

Ce colloque relève peut-être le défi que Proust se lan- çait à lui-même dans la même lettre: « Madame, quel- le sombre folie de me mettre à vous écrire grammaire et littérature ! »

Perspectives de réflexion privilégiées

a) A quelles conditions peut-on parler de la « grammaire » d'un écrivain ? A quelle(s) conception(s) du langage peut référer cette notion, si, comme l'écrivait Mallarmé à Verlaine : « Vous tenez votre syntaxe » ?

b) Quel rapport à la langue induit donc un enseignement de « la » grammaire (voir notamment les programmes de l'école primaire et du collège) coupé de la poétique ? A quelles difficultés se heur- tent les étudiants de Lettres à l'université, en particulier dans la lecture des poèmes ? Quelles pratiques d'écriture et de lecture mettre en place ?

c) L'expérience de la traduction littéraire, y compris dans la formation des étudiants, n'est-elle pas le révélateur fondamental de la résistance et de l'étrangeté de toute langue ? Ce que recherche le traducteur, n'est-ce pas le corps vivant de l'expression, une résonance plutôt qu' une simple mon- naie d'échange ?

Seront appréciées les propositions se référant de préférence, mais sans exclusive, aux littératures mo- dernes ou contemporaines, ou se fondant, dans la perspective du colloque, sur des problématiques liées à la transmission.

Comité scientifique

- Arnaud Bernadet, Littérature française, Université de Franche-Comté, Besançon. - Daniel Delas, Littératures francophones, Université de Cergy-Pontoise. - Jean-Yves Masson, Littérature comparée, Université Paris 4. - Gilles Philippe, Linguistique, Université de Sorbonne nouvelle, Paris 3.

- Dominique Rabaté, Littérature française, Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3. Public

Ce cinquième colloque de la série « Littérature Enseignement Recherche », comme les précédents, ne s'adresse pas seulement aux chercheurs mais aussi aux formateurs, ainsi qu'aux étudiants, aux profes- seurs-stagiaires, titulaires et vacataires des 1er et 2nd degré.

Calendrier

- Les propositions de communications sont à adresser – 2000 signes environ - jusqu'au 31 janvier 2010 à jerome.roger12@wanadoo.fr ; Isabelle.Poulin@u-bordeaux3.fr ; c.lapeyre1@free.fr

Informations pratiques

Le colloque se déroule la 1ère journée à l'IUFM d'Aquitaine (site de Bordeaux) , les jours suivants sur le cam- pus de l'Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3.

A l'attention des participants : Les frais de déplacement seront pris en charge par les établissements de rattachement, le colloque assurant l'hébergement (deux nuits maximum), ainsi que les deux repas du midi des 17 et 18 novembre. Il sera demandé une participation de 10 euros aux convives de la soirée festive.

Organisateurs

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Chantal Lapeyre, Université de Bourgogne/IUFM, équipe TELEM.

Isabelle Poulin, Université Bordeaux 3, équipe TELEM.

Jérôme Roger, Université Montesquieu - Bordeaux IV / IUFM, équipe TELEM.