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Sémiotique et bouddhisme

Sémiotique et bouddhisme

Publié le par Florian Pennanech (Source : Louis Hébert)

La revue de sémiotique Protée publiera un numéro sur Sémiotique et bouddhisme. Nous lançons un appel pour compléter la liste des collaborateurs au numéro. Il ne s'agit pas d'être un bouddhologue ni même un sémioticien patenté pour participer au projet. Il suffit d'étudier une production bouddhiste (ou bouddhisante) avec une approche sémiotique et/ou sous un angle sémiotique (les questions de sens, de signification, de concept, de signe, de perception, de référence, d'intertextualité, d'interprétation, etc.). Les productions étudiées (textes, sculptures, monuments, rituels, images, concepts, films, etc.) peuvent être traditionnelles ou modernes (par exemple, les textes, photos de Matthieu Ricard, le Milarepa de Éric Emmanuel Schmitt).

Pour soumettre un projet d'article, envoyer au directeur du numéro (louis_hebert@uqar.qc.ca): (1) un résumé de 250 mots maximum de l'article projeté, (2) un curriculum vitae. La date limite est le 30 avril 2010. Réponse sera donnée au début de mai. Les articles sont attendus le 1er janvier 2011 et le numéro paraîtra en septembre 2011.

Description :

Au premier abord, on pourrait voir dans le thème proposé une exploitation mécanique de la capacité du « et » de conjoindre toute chose. Mais le bouddhisme et la sémiotique se relient de plusieurs manières, parfois inattendues. Et si certains de ces liens ont commencé d'être explorés, la plupart restent encore à établir.

Toute religion se pose la question du sens, immanent et transcendant, et par là pose des questions sémiotiques, définit des structures du signe, des typologies des sens, des processus et critères interprétatifs, etc. Il est donc une sémiotique bouddhiste comme il est, par exemple, une sémiotique chrétienne. En fait, puisque le bouddhisme est protéiforme, il est de nombreuses sémiotiques bouddhistes. Par exemple, pour prendre le problème de la référence : « Dans le bouddhisme ancien, la vision karmique du monde ou samsara résulte de la projection d'une interprétation égotique sur un arrière-monde neutre et objectif. L'école mahayaniste yogācāra et le Vajrayāna vont plus loin : il n'existe pas d'arrière-monde et tous les phénomènes que nous ressentons sont de simples perceptions sans plus (sk. vijnaptimātra), surgies de l'esprit qui les prend pour référents. » (Cornu, 2009 : 26)

Les religions sont également des sémiotiques objets, parmi d'autres. Parmi d'autres mais, également, plus que d'autres pour ainsi dire : elles sont, pour le meilleur et le pire, au fondement même des cultures, même de celles qui, comme l'occidentale, réévaluent leur héritage religieux. L'étude des religions peut bien sûr porter sur les objets qu'elles produisent, textes, images, sculptures, monuments, livres, rituels, concepts, etc., ou sur les performances qui les concrétisent. L'étude des textes religieux est assurément la plus répandue et la plus avancée.

L'étude sémiotique des textes chrétiens est courante et déjà ancienne. Il n'est qu'à penser aux travaux du Centre pour l'analyse du discours religieux (Cadir, Université de Lyon), qui malgré son nom s'intéresse exclusivement aux lectures sémiotiques de la Bible. La revue qu'il anime, Sémiotique et Bible, est publiée depuis 1975. Plus près de nous, pensons au groupe Aster (Analyse sémiotique des textes religieux).

L'étude sémiotique des textes bouddhistes et, même plus largement, du bouddhisme sous quelque aspect que ce soit, reste, quant à elle, embryonnaire. Parmi les chercheurs pionniers, on trouve Roland Barthes (1984), François Rastier et, surtout, Fabbio Rambelli[1]. Ce dernier, actif dans le monde anglophone et italophone, s'avère, à notre connaissance, le seul sémioticien qui se consacre essentiellement à l'étude du bouddhisme. C'est dire que le numéro thématique que nous proposons permettra de baliser quelque peu une terre quasi-vierge, particulièrement pour ce qui est du monde francophone.

Plus fondamentaux et plus étonnants sont les liens entre le bouddhisme et la sémiotique de Saussure et, conséquemment, les sémiotiques saussuriennes, de Hjelmlsev à Rastier :

« Ne serait-ce que par ses études de sanscrit, commencées dès sa treizième année, puis sa formation d'indo-européaniste à Leipzig, Saussure avait naturellement été en contact approfondi avec la pensée indienne. […] Nous soulignerons des affinités remarquables entre la critique saussurienne de l'ontologie aristotélicienne qui préside aux théories de la signification et la critique bouddhiste de l'ontologie des logiciens védiques. Nous ne chercherons pas cependant à déterminer si les rencontres entre Saussure et les penseurs bouddhistes se justifient par des « influences », ou reflètent simplement une logique des positions théoriques. » (Rastier, 2006)

Barthes, quant à lui, donnera une interprétation proprement sémiotique de concepts bouddhistes : « Barthes contributed to the semiotic problematization of concepts such as emptiness and enlightenment, usually considered only from a religious point of view. » (Rambelli, s.d.)

D'autres auteurs non seulement se laissent influencer par le bouddhisme mais produisent des syncrétismes en mélangeant concepts bouddhistes et sémiotiques. C'est ainsi que

« Floyd Merrel (1991), using Peirce's theme of unlimited semiosis as a starting point, attempts to outline a theory of semiotics suitable to the “new” cosmology. According to Merrell, who describes the cosmos as an incessant semiosic flow, there is no way to talk about objective reality because everything that exists in our world “can be no more than semiotically real.” To sketch his semiotic cosmology, Merrell resorts also to Buddhist metaphors and concepts such as emptiness and Indra's net. » (Rambelli, s.d.)

Il existe également quelques liens entre la sémiotique et le bouddhisme qui proviennent d'une similitude plus aléatoire. On pourrait mentionner l'étonnante ressemblance – mais on sait que le simple hasard est l'un des plus grands pourvoyeurs de ressemblances – entre, respectivement, d'une part, priméité et secondéité de Peirce et, d'autre part, dans le bouddhisme, pensée non dualiste (le type de pensée auquel aspire le pratiquant) et pensée dualiste (le type de pensée ordinaire, qui mène à la confusion et donc à la création du samsara et donc à l'insatisfaction). Quant à nous, nous avons montré (Hébert, sous presse) les ressemblances et différences entre le carré sémiotique, le tétralemme des grecs anciens et le catuşkoţi bouddhiste systématisé par Nagarjuna. Ces liens ne sont pas qu'aléatoires, puisque le carré sémiotique est partiellement dérivé du tétralemme et que les grecs anciens, à tout le moins Aristote, connaissaient le catuşkoţi.

Les dates concernant le numéro sont les suivantes :

1. Remise du deuxième argumentaire avec les résumés des articles : avant septembre 2010 ;

2. Remise des articles au directeur du numéro : 1er janvier 2011 ;

3. Remise des articles à la revue: au plus tard le 15 janvier 2011 ;

4. Réponses aux auteurs : avril 2011

5. Montage du numéro : mai-juin 2011

6. Parution officielle : septembre 2011

Ouvrages cités :

— BARTHES, R. (2007) [1970], L'empire des signes, Paris, Seuil.

— EDELINE, F. (1984), « Structure perceptive et sémiotique du Mandala », dans Herméneutique du mandala, Cahiers internationaux du symbolisme, 48-49-50, p. 91-112.

— HÉBERT, L. (2010), « Sémiotique et bouddhisme. Carré sémiotique et tétralemme (catuskoti) », dans L. Hébert et L. Guillemette (dir.), Performances et objets culturels, Québec, Presses de l'Université Laval. (sous presse)

 

— MERRELL, F. (1991), Signs Becoming Signs. Our Perfusive, Pervasive Universe, Bloomington, Indiana University Press.

— RAMBELLI, F. (s.d.), Buddhism [en ligne], http://psychology.jrank.org/pages/1949/Buddhism.html, page consultée le 27 novembre 2009.

— RASTIER, F. (2006). « Saussure, la pensée indienne et la critique de l'ontologie », Texto! [en ligne], 11, 1, mars, http://www.revue-texto.net/Saussure/Sur_Saussure/Rastier_Inde.html, page consultée le 3 janvier 2010.

— SAUSSURE, F. de (1993), « Les manuscrits saussuriens de Harvard », édition d'Herman Parret, Cahiers Ferdinand de Saussure, 47, p. 179-234.

 


[1] Francis Édeline (du Groupe µ) a publié un article (1984) sur les avatars modernes de la forme de type mandala.