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Séminaire Récit, fiction, Histoire (2010-2011)

Séminaire Récit, fiction, Histoire (2010-2011)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Alexandre Prstojevic)

Séminaire Récit, fiction, Histoire

Responsables : Jean-Marie Schaeffer, Luba Jurgenson, Alexandre Prstojevic

 

Année 2010 - 2011

 

EHESS, 105 bd Raspail, 75006 Paris, 17 h à 19 h (salle 2)

 

 

 

À partir des travaux des structuralistes français des années soixante, notamment du célèbre article de Roland Barthes « Le discours de l'histoire » (1967), une réflexion sur les spécificités du récit factuel a donné naissance, outre-Atlantique, à une véritable école de pensée appelée « the linguistic turn » (le tournant linguistique). La floraison d'études sur l'écriture du passé publiées dans la décennie suivante principalement par les historiens de métier (H. White, P. de Man, D. LaCapra) montre une remarquable perméabilité du champ historiographique aux travaux issus des domaines scientifiques connexes, mais aussi la volonté de la profession à comprendre et codifier elle-même sa propre méthodologie.

Cette réflexion avait la particularité de se développer dans une période qui fut marquée, en Occident, par de profonds changements sociaux (mai 68), démographiques (l'augmentation des flux (im)migratoires), politiques (l'effondrement du bloc communiste) et économiques (le « triomphe » du libre marché et le déplacement du pouvoir économique vers les pays émergeants). C'est dire qu'elle a coïncidé avec l'émergence, sur la scène intellectuelle, de la question de l'identité culturelle. Pour les gardiens des traditions européennes aussi bien que pour les théoriciens d'un univers métissé, la question de l'Histoire résumait à elle seule les tourments d'un monde qui se sentait de plus en plus déshérité de sa propre identité. Désormais, l'Histoire était la pierre de touche des théories. La littérature, en particulier, affichait un sévère doute en la possibilité de connaître objectivement le passé humain. Pour elle, les événements révolus perdaient la dureté de leurs contours physiques pour devenir un fait de langage qui pouvait être possédé, manipulé, déformé. (Il s'agit d'un fait épistémologique dont nous nous proposons d'explorer les enjeux et les limites, à savoir : que la science du passé risque à tout moment - et pas seulement dans les sociétés totalitaires - d'être ravalée au rôle d'une servante de la politique.)

Dans le contexte du structuralisme et du post-structuralisme, l'idée d'une vérité unique se voyait contestée au moyen d'une polyphonie énonciative posée comme principe démocratique préalable à toute discussion : chaque événement peut (et doit) être raconté de plusieurs points de vue idéologiques. Cette multiplicité narrative devint ainsi une sorte d'obligation morale. Le passé identifié à un « géométral » devait toujours pouvoir être raconté de plusieurs façons qui se valaient mutuellement. L'idée d'équivalence de principe est peut-être le point le plus intéressant - et le plus critiquable - de la théorie postmoderne dont les implications possibles vont jusqu'à des tentatives de mise en doute radicale de la validité de la frontière entre le récit factuel et l'imagination romanesque et par la voie de conséquence à la négation de la différence entre les faits historiques et la fiction littéraire (phénomène que nous allons analyser en nous appuyant sur des exemples précis).

L'objectif du séminaire Récit, fiction, Histoire est de croiser la réflexion théorique d'un côté et la pratique historiographique et littéraire de l'autre ; d'examiner l'une des plus stimulantes théories contemporaines du récit à la lumière des oeuvres concrètes des témoins historiques. En un mot, de mener avec le concours des historiens et des littéraires, une réflexion qui relève à la fois de la poétique, de la méthodologie de l'histoire et de l'analyse littéraire afin de mieux comprendre non seulement les enjeux esthétiques et cognitifs de tels questionnements, mais aussi comment les thèses « relativistes » et « fictionnalistes » ont façonné la manière dont la culture occidentale raconte aujourd'hui son passé et, ce faisant, comprend son propre présent.

 

Corpus : Varlam Chalamov, Alexandre Soljenitsyne, Imre Kertesz, Danilo Kiš, Sebald, Yannick Haenel, Jonathan Litell, Hans Magnus Enzensberger, etc.

Mots clés : tournant linguistique, point de vue en histoire et en littérature, limites de la pratique historiographique, rapport entre les faits historiques et la fiction artistique, témoignage, roman.

 

Calendrier 2011

 

Mercredi 12 janvier 2011

Luba Jurgenson, La mise en scène d'un camp modèle par les nazi: le camp de transit de Teresiensztadt

 

Mercredi 26 janvier 2011

Alexandre Prstojevic, Ce qu'on voit n'est pas la vérité (à propos de l'oeuvre de W. G. Sebald)

 

Mercredi 9 février 2011

Littérature et Historiographie face à la Shoah

 

Mercredi 23 février

Marie-Andrée Morache, Démythification chez Patrick Modiano et Danilo Kiš: le doute au service de l'histoire

 

Mercredi 9 mars 2011

La question du bourreau dans le roman contemporain

 

Mercredi 23 mars

Aline Vennemann, "Nous accordons l'histoire avec nous." L'écriture d'Elfriede Jelinek comme mise en scène de la trace

 

Mercredi 6 avril 2011

Luba Jurgenson, Paul Ricoeur: la triple marbrure de la construction du savoir historique. Quelles implications pour le témoignage littéraire?