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Séminaire "L'Insignifiant" IV : 'L'Insignifiant : de Barthes à Proust'

Publié le par Marielle Macé (Source : Johan Faerber)



La quatrième séance du séminaire doctorant-e-s/post-doctorant-e-s du CERACC aura lieu le vendredi 18 mars de 17H30 à 19H30 en salle 410 de l'Université Paris 3 (Centre Censier). Nous recevrons Stéphane Chaudier, maître de conférences à l'Université Jean Monnet (Saint-Etienne), pour une communication intitulée "L'insignifiant : de Barthes à Proust" dont Johan Faerber sera le modérateur.

Audrey Lasserre pour le collège des jeunes chercheuses et chercheurs du CERACC (Mathilde Barraband, Sabrinelle Bédrane-Tsalpatouros, Audrey Camus, Camille Deltombe, Johan Faerber, Audrey Lasserre, Aline Marchand, Aurélien Pigeat).Courriel: jeunes_chercheurs_du_CERACC@yahoo.fr

Séminaire sous la direction scientifique de Marc Dambre, Professeur, Université Paris 3 - Oxford


Résumé :
L'INSIGNIFIANT : de BARTHES à PROUST


Soit l'adjectif « signifiant » : « qui a du sens », « qui est plein de sens ». On s'attendrait à ce que le préfixe « in- » joue pleinement son rôle de morphème négatif. Or l'usage répugne à penser une chose absolument dépourvue de sens, une chose véritablement non signifiante. Le Petit Robert en témoigne. Dans sa définition, il fait intervenir le mot « sens » tardivement et seulement à titre exceptionnel : « insignifiant : 1° qui ne présente aucun intérêt ; 2° qui n'a pas d'importance ; 3° Rare : qui n'a pas de sens. Sans réelle signification : au sens propre du mot (Gide) ». Il est curieux que le très puriste André Gide n'hésite pas à fausser ce qu'il nomme pourtant « le sens propre » du mot ; car en bonne logique, « insignifiant » devrait se gloser par « sans aucune signification ». Euphémique, l'expression « sans réelle signification » maintient donc un reste de sens à l'horizon du mot ; et même dérisoire, ce reliquat accrédite une signification postiche qui empêche de considérer l'absence de sens dans toute sa crudité. Enregistrée par le dictionnaire, la réticence de Gide dévoile l'arrière-plan idéologique du commentaire lexicographique : on ne peut pas se passer de sens.

Parmi tous les penseurs que hante sa disparition, j'ai retenu Barthes, lui qui rêve la possibilité d'un anéantissement du sens non par la voie banalement polémique de la rupture (le non-sens) mais par celle, moins frayée, de la douceur : et cette douceur aurait pour nom « l'insignifiant ». C'est peut-être parce que Barthes a longtemps tenu cette notion pour impossible, impensable, qu'elle a fini par lui apparaître désirable. De 1968, « L'effet de réel », à 1980, La Chambre claire, il ne cesse en effet de déplacer, de réévaluer l'insignifiant. Sous des dispositifs différents l'anamnèse, le neutre, la photographie c'est en fait, me semble-t-il, toujours l'insignifiant qui revient ; et c'est aussi par lui que, paradoxalement, le rapport du signe et de la chose (cette vieille histoire) se trouve ré-interrogée.

Je n'oublie pas toutefois l'autre nom qui orne mon titre : car si Proust est incontestablement le romancier du sens qui comble, il est aussi celui qui, comparable à Barthes en cela, se déprend de la tâche épuisante qu'il assigne à son oeuvre : mettre au jour les détours, les enchevêtrements du sens, s'appliquer à rendre signifiant l'insignifiant. Mais pourquoi ne pas l'accueillir dans sa pure manifestation ? Une phénoménologie est-elle possible qui tiendrait en respect la sémiologie ? Deux voies d'accès à cette problématique peuvent être envisagées : l'étude du mot « insignifiant » dans La Recherche, et, d'autre part, l'analyse de certains textes où le rendu de la sensation semble bien échapper à l'imposition d'un sens.

Barthes et Proust : chacun d'eux, à sa manière, n'a-t-il pas rêvé l'insignifiant comme une délivrance inespérée, comme une utopie ?

Stéphane Chaudier
Université Jean Monnet (Saint-Étienne)