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Appels à contributions
Séminaire Espaces Ecritures Architectures : lisible/visible

Séminaire Espaces Ecritures Architectures : lisible/visible

Publié le par Pierre-Louis Fort (Source : Emmanuel Rubio)

Séminaire Espaces Ecritures Architectures : lisible/visible

Appel à contributions pour 2011-2012

Du visible, qui paraissaitd'abord le domaine réservé de l'architecture, au lisible, que proposent toutnaturellement les lettres, il n'est qu'un pas que la théorie fait bien souvent.Kevin Lynch, pour sa part, n'hésite pas à appliquer ce glissement à la villedans son ensemble : « Tout comme cette page imprimée est lisible sion peut la percevoir comme un canevas de symboles reconnaissables et liés entreeux, de même une ville lisible est celle dont les quartiers, les points derepère ou les voies sont facilement identifiables et aisément combinés en unschéma d'ensemble. » Et l'architecture n'est pas en reste :Viollet-le-duc louait, de l'architecture romaine, le plan « clair, facileà lire », et Boullée pensait avant lui que « nos édifices, surtoutles édifices publics, devraient être en quelque façon des poèmes ». A bieny regarder, les deux professions de foi ne s'appuient d'ailleurs pasnécessairement sur la même lisibilité, et la lecture ne saurait se limiter à ceque le dix-huitième siècle dénommait « architecture parlante ».Par-delà le symbolisme proprement dit, la lisibilité de l'architecture peutrenvoyer à une fonction, une pratique, à moins encore qu'elle ne laisseapparaître l'histoire d'un lieu…

D'une certaine façon, la lisibilitésigne peut-être déjà une certaine transformation du visible, une manière del'habiter. Peut-être même en est-elle indissociable et engage-t-elle, par-delàsa définition a minima (comme effetde reconnaissance, de clarté), la question du sens. Il n'est pas rare en tout cas que l'architecte, soucieux dela réception de son oeuvre, s'attache parécrit, à l'éclairer, à moins qu'il ne la redouble, ayant, pour la rendrevraiment lisible, à passer du côté dela lettre. La littérature ne s'est pas privée d'opérer sur l'architecture et laville un décryptage dont les descriptions balzaciennes ou celles des romanspoliciers offrent de remarquables points d'orgue.

Rien pourtant de naturel dans unetelle opération. Comment l'objet architectural (dispositif spatial,morphologie, effets de lumière...) est-il perçu et vécu (frontalité,déplacement...) ? Dans quelle mesure cette perception visuelle ou les modalitésde son habité induisent-elles une lecture du bâti (instantanéité, parcours sociauxou sensoriels...) ? Comment la littérature exprime-t-elle cette lisibilité entermes de narrativité (rôle du détail, de l'ornement...) ?

D'une lisibilité commeoriginelle, et nécessaire, à la lisibilité comme concept opératoire, voirecomme idéal architectural, le changement est d'ailleurs peut-être plus décisifqu'il ne le paraît au premier abord et peut conduire à privilégier certainstypes d'écriture et d'habitation. Avancer l'« honnêteté », la« sincérité » de façades rendant lisible l'intérieur, est unechose ; on peut tout aussi bien favoriser les effets de surprise, derupture, et jouer, en dehors de toute transparence, d'une multiplication duvisible, dont le cinéma ou la littérature narrative savent user à leur tour.

Est-il d'ailleurs légitime dedonner le texte pour modèle ultime à l'architecture ? L'architecture sevoit et se donne à voir dans ses projets comme dans ses réalisations ainsique dans ses diverses représentations plastiques et littéraires. Si lesconditions de sa production, ses projets, leurs représentations (maquettes,photomontages, simulations...) permettent de mieux d'approcher la réalité del'objet architectural, d'en mesurer la lisibilité, faudra-t-il supposer pourautant que le spectateur ne soit pas d'emblée un bon lecteur de l'architecture(en raison de son originalité ou de sa complexité) ? Qu'il faut lire ouavoir lu pour voir une architecture ? Et cette lecture ne finit-elle pas par faireeffet de masque ?

« La lettre tue »,rappelle Thom Mayne après Lacan ; « la pratique du langage […] annuleles proliférations potentielles de sens contradictoires, tous les contrairesqui pourraient aussi être vrais ». A moins, il est vrai, d'en appeler à untexte un peu moins lisible. Car lalittérature elle-même, que l'on pense au Nouveau roman ou avant lui auxexercices extrêmes de James Joyce ou Gertrud Stein, a su se défier d'unelisibilité évidente – qui risquait de perdre toute charge humaine. A côté de lavisibilité de la lettre, du Coup de dés mallarméen à la poésieconcrète, on pourrait ainsi mentionner le rôle important, pour la rénovation dulisible, tenu par l'image poétique ou la description etl'attention au réel sensible – en passant par l'architecture (Robbe-Grillet).Il est significatif, en tout cas, qu'un architecte comme Peter Eisenman, aucontact permanent de la lettre philosophique, ait oeuvré sans cesse à unearchitecture brouillant toute lisibilité définitive.

Les questions de lavisibilité et de la lisibilité se posent enfin dans tous les arts, sansque de leur visibilité ne soit induite leur lisibilité. « Il n'y apeut-être d'image à penser radicalement qu'au-delà de l'opposition canonique duvisible et du lisible », écrit Georges Didi-Huberman. En irait-il de mêmede l'architecture ?

Le séminaire, organisé dans lecadre du CSLF (www.cslf.fr/), de l'EA 4414 - Histoire des arts et des représentations et de l'équipeREAGIR, EA 1586, (Paris Ouest Nanterre La Défense), aura une séance par mois. Architectes, spécialistes de littérature,d'arts ou de critiques, psychanalystes, sociologues, sémioticiens y seront lesbienvenus.

Les propositions de contribution (20-30) lignes devront parvenir auxorganisateurs avant le 30 juin 2011 aux adresses suivantes : Emmanuel Rubio,  MarcPerelman, PierreHyppolit