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Appels à contributions
Se figurer l'origine

Se figurer l'origine

Publié le par Pierre-Louis Fort (Source : Jean-Sébastien Trudel)

73eme congrès de l'ACFAS
Appel à contribution

Colloque interdisciplinaire
Se figurer l'origine, ou la spécificité humaine

La pensée de l'origine se distingue radicalement d'une interrogation sur le commencement. Elle se fonde même sur cette distinction. Les figures du commencement fixent dans le temps un début d'histoire, un point zéro que l'on voudrait reporter toujours plus loin : point cosmique, avec la figure du Big Bang, ou point évolutionniste, avec l'image d'un Homo Sapiens issu de la génération animale. Dans la mesure où la pensée de l'origine suppose une sortie de l'imaginaire, elle implique l'abandon de ces figures du commencement où les temps et espaces sont externes au sujet en train de se penser. Cet abandon seul est susceptible de permettre à l'origine de continuer à être pensée, à devenir pensée.

Une fois levée la confusion entre origine et commencement, il apparaît que les textes bibliques n'ont pas épuisé leur ressource dernière en livrant aux dogmatismes tous azimuts l'imagerie créationniste de Dieu, de l'Eden, du péché originel Une relecture de ces textes montre qu'ils visent « ce point obscur où l'humanité de chacun naît à la jonction du corps vivant et de la parole (1) ». Mais il n'y a pas que les textes bibliques qui méritent une telle (re)lecture. Certains textes plus littéraires s'offrent eux aussi comme des lieux privilégiés de reprise de la pensée de l'origine, dans la mesure où ils investissent la langue pour ouvrir la question de « l'existence humaine ». En fait, beaucoup d'oeuvres d'art, qu'elles soient picturales, cinématographiques ou musicales, engagent un modèle de l'anthropogenèse capable de dialoguer avec ceux de la psychanalyse (entre autres).

De plus, à l'instar de la pensée du commencement, la pensée de l'origine engendre ses figures propres. Ou plutôt, elle convie à penser le langage à partir de ce qui fait événement en lui et qui renvoie le sujet à son expérience, soit le figural : « le figural nous donne [] accès à une expérience originaire indéfiniment ouverte précisément parce que l'origine nous fait absolument défaut (2). » Ainsi, il est possible de penser l'origine à partir de réflexions sur certaines figures de style, comme la métaphore, la métonymie, l'oxymore ou même la tautologie, qui saisissent des « paradoxes », des points de jonction du corps vivant et de la parole.

Le colloque examinera la question de l'origine à partir de textes bibliques, de textes littéraires, d'oeuvres artistiques et par la dimension la plus « vive » du langage (le figural). Le colloque sera aussi consacré à un autre versant de cette même question : la spécificité humaine dans le tissu du vivant.

En effet, à partir de cette notion d'origine entrevue comme dimension structurale du sujet dans son avènement, n'est-il pas pertinent de poser à nouveau la question du commencement, c'est-à-dire de se placer sur le plan d'une historicité linéaire pour penser la spécificité humaine, tout en évitant une capture de la question par une réponse imaginaire ? S'il n'y avait rien d'autre que la matière, comment expliquer l'apparition de quelque chose d'absolument irréductible à la matière, soit l'esprit humain, au sens générique ? Si quelque chose d'aussi impossible que l'esprit se réalise, n'est-ce pas qu'au commencement était le Verbe ? Cet impossible est pour une certaine rationalité un impensé. Pourtant, il insiste.

Il ne s'agit pas d'en revenir à un créationnisme littéral pour expliquer la spécificité humaine par l'intervention de Dieu (qui donnerait une âme à chaque humain au moment de la procréation) ce serait éviter ce qui en nous origine à chaque instant. Au contraire, dans un monde dominé par des fondamentalismes de tous genres, qu'il soient religieux ou technoscientifiques, il est essentiel de réaffirmer une troisième voie qui refuse à la fois la réduction matérialiste prétendant déduire l'esprit du cerveau et les raccourcis d'un créationnisme expliquant tout par une intervention extérieure. Étrangement, cette troisième voie reprend et conjugue les prémisses matérialistes et les prémisses créationnistes pour en arriver à ses fins, c'est-à-dire ne plus « impliquer perpétuellement l'être dans l'étant (3) ». Ainsi, la troisième voie cherche à expliquer l'humain sans recourir à un Dieu formateur du monde ni à aucun de ses avatars tout en se rendant compte que l'esprit humain ne peut être pleinement expliqué par une évolution de la matière : il y a quelque chose d'irréductible qui a causé l'esprit et qui continue de le causer.

Évidemment, l'esprit humain n'est pas saisissable. C'est la marque de sa transcendance. Il peut quand même être cerné, c'est-à-dire contourné par son centre. Autrement dit, si l'enjeu consiste à se figurer (penser dans les termes d'autre chose) l'esprit humain sans le réduire à un imaginaire, toute démarche qui ne prend pas le symbolique pour acquis est susceptible de porter fruit, peu importe son objet.

Certes, rien n'est réglé par l'hypothèse voulant que le quelque chose d'irréductible à la matière, qui commence [avec] l'humain, soit le Verbe (ou la Parole, le Signifiant, le Symbolique). Au contraire, tout continue à commencer. Comment s'en surprendre si cette hypothèse est elle-même origine ? À la question « d'où viennent les enfants ? » peut-on répondre autre chose que « de leurs questions » ?

Le colloque se tiendra dans le cadre du 73e congrès de l'ACFAS à l'Université du Québec à Chicoutimi, les jeudi et vendredi 12 et 13 mai 2005. Si vous êtes intéressé(e) à participer, envoyez par courriel une proposition de communication d'environ 25 lignes aux trois responsables du colloque avant le 5 février 2005. Indiquez, s'il y a lieu, le matériel nécessaire à votre présentation (projecteurs multimédia, projecteurs d'acétate, etc.) L'inscription au congrès est obligatoire pour toute personne qui présente une conférence ou communication.
Coresponsables : Isabelle Dalcourt (isabelle.dalcourt.1@ulaval.ca), Jean-Sébastien Trudel (jean-sebastien.trudel.1@ulaval.ca) Olivier Dionne (olivier.dionne.1@ulaval.ca)


(1) Louis Panier, La naissance du fils de Dieu. Sémiotique et théologie discursive. Lecture de Luc 1-2, Paris, Cerf, 1991, [quatrième de couverture].
(2) Laurent Jenny, La Parole singulière, préface de Jean Starobinski, Paris, Belin (L'extrême contemporain), 1990, p. 89.
(3) Jacques Lacan, L'éthique de la psychanalyse. Le séminaire livre VII : 1959-1960, texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, Seuil (Champ Freudien), 2000 [1986], p. 253.