Actualité
Appels à contributions
Scènes de l’obscène

Scènes de l’obscène

Publié le par Marc Escola (Source : Estelle Doudet)

Appel à contribution

Revue d’histoire du théâtre

Dossier coordonné par Estelle Doudet et Martial Poirson

à paraître en 2016

 

« Ah ! mon Dieu, obscénité. Je ne sais ce que ce mot veut dire ; mais je le trouve le plus joli du monde. » La célèbre réplique d’Élise dans la Critique de l’Ecole des femmes (1663) met ironiquement en lumière la complexité de l’obscénité portée en scène : elle y est un mot qui dérobe son sens, un discours qui se présente d’un même geste comme convenable et inconvenant. Quoiqu’erroné, le rapprochement étymologique de l’ob-scoena et de la scena, garanti par de prestigieuses autorités, a été largement diffusé depuis le XVIe siècle. En 1531, l’influent Dictionnaire de Robert Estienne rapporte le commentaire de Varron qui fait de l’obscoenus le propre de la scène, « parce que ce qui est montré sur scène serait ailleurs obscène (« quod scenis id daretur quod obscenum foret »). Ainsi conçue, l’obscénité apparaît comme un moteur paradoxal du théâtre : elle n’est pas ce qu’on ne peut montrer en public, mais au contraire ce qu’il est licite de faire paraître en ce lieu, qui serait ailleurs interdit. Autrement dit, l’obscène théâtral semble mettre à l’essai les conditions de visibilité et de dicibilité propres à la scène, en les confrontant à ce que les sociétés contemporaines considèrent comme impropre. Sexualité, scatologie, humeurs, comportements inconvenants ou considérés comme déviants, cantonnés au derrière, hors-regard et hors-discours, trouveraient dans le dispositif théâtral une forme ambiguë de mise en avant, voire, dans un paradoxe qui n’est qu’apparent, de convenance.

Le dossier proposé souhaite interroger ce paradoxe de plusieurs manières :

-       D’une part, sera menée une réflexion sur l’obscénité et les notions qui lui sont associées, telles que la propriété et l’impropriété, la convenance et l’inconvenance, le scandale et le decorum. Elles seront étudiées comme de véritables concepts socio-culturels dont les arts dramatiques se nourrissent.

-       D’autre part, seront interrogés les enjeux politiques, sociaux et esthétiques du paradoxe. Délaissant l’articulation paresseuse qui rabat souvent l’obscénité théâtrale sur le simple comique, nous nous proposons d’en explorer la complexité en prenant en compte ses visées sérieuses, les objectifs idéologiques de formes éventuellement parodiques, les tensions du scandale et du discours autorisé. En découlera l’examen des dramaturgies obscènes, qui jouent du glissement métaphorique, de la révélation et de l’occultation. La puissance de l’obscène tient autant à sa réception qu’à son énonciation.

Voilà pourquoi l’enquête présentée s’efforcera de saisir en diachronie la diversité de l’inconvenance et de la convenance théâtrale, afin de comprendre les transformations du dicible et du visible, et surtout, de porter à nouvel examen un seuil d’intolérance à l’indécence qui n’a rien perdu de son acuité jusqu’à aujourd’hui, comme l’indiquent les controverses autour de spectacles aussi divers que Sur le concept du visage du fils de Dieu (2011) de Roméo Castelluchi ou Exhibit B (2013) de Brett Bailey…

 

 

Prière d’envoyer vos propositions (500 signes maximum, avec quelques lignes de CV), avant le 15 janvier 2015, aux adresses suivantes :

Estelle Doudet (estelle.doudet@u-grenoble3.fr);

Martial Poirson (Martial.poirson@yahoo.fr)

et Léonor Delaunay (leonor.delaunay@sht.asso.fr).

Les propositions d’articles (35 000 signes notes et espaces compris) retenues par le comité de rédaction seront à rendre avant le 1er juin 2015.