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Romantisme (2016/4): dossier «La mesure du temps»

Romantisme (2016/4): dossier «La mesure du temps»

Publié le par Marie Minger (Source : Éléonore Reverzy)

Appel à contribution

Romantisme (2016/4): dossier «La mesure du temps»

 

«La Terre est peuplée d’êtres intelligents depuis six mille ans, c’est-à-dire depuis six minutes». (H. Taine, «D’un nouvel essai de philosophie religieuse. Ciel et terre par Jean Reynaud», Revue des deux Mondes, août 1855)

«La Terre est peuplée d’êtres intelligents c’est depuis cent ou deux cent mille ans, c’est-à-dire depuis cent ou deux cents minutes» (H. Taine, «Philosophie religieuse. Ciel et terre par Jean Reynaud», Nouveaux essais de critique et d’histoire, 1865)

En 1855, Taine mesurait l’ancienneté de l’humanité conformément aux chronologies établies à partir de la Bible; en 1865, la mesure passait d’une estimation ponctuelle de 6000 ans à une fourchette de 100'000 à 200'000 ans. Ce changement est doublement significatif, non seulement d’un bouleversement dans la mesure des temps préhistorique, mais aussi du passage d’un référentiel religieux à un référentiel scientifique, essentiellement géologique et biologique.

Mais le XIXe siècle n’est pas seulement le témoin de phénomènes de dilatation ou de resserrement de l’échelle temporelle: comme le rappelle Hartmut Rosa, c’est à la même époque que, grâce aux développements techniques (cartographie, transports, diffusion des horloges mécaniques), le temps s’émancipe de l’espace «pour devenir de plein droit une dimension autonome du monde»: une dimension finalement tellement prégnante qu’on en oublie qu’elle doit être construite et mesurée.

C’est à la construction et à la mesure du temps que sera consacré la quatrième livraison de Romantisme en 2016. Plusieurs axes sont envisagés pour traiter de cette question. Le premier est consacré à la mesure «objective» du temps. Du point de vue des techniques de chronométrie, et si l’on fait abstraction des premiers essais d’horloge électriques, le XIXe semble vivre sur les découvertes des siècles précédents. Ce qui le caractérise, en revanche, c’est la diffusion massive des horloges mécaniques, et l’avènement, vers la fin du siècle, de mode de production industriel. La détermination du méridien de référence, qui fut longtemps disputée entre la France et l’Angleterre, a permis la construction d’un «temps mondial», et a contribué à l’autonomisation de la dimension temporelle. De la même façon, on pourra s’intéresser à la mesure des phénomènes temporels: le champ en est très divers, de l’invention du métronome en musique, aux expériences scientifiques. les montages de Léon Foucault sont un bon exemple de cette dernière catégorie, qu’il s’agisse de la mesure comparative de la vitesse de la lumière dans l’eau et dans l’air en 1853, célèbre cas d’expérience cruciale devant décider de la nature de la lumière (voir Duhem 1906), ou de la détermination de la vitesse de la lumière en 1862. Enfin il conviendra de rappeler le rôle déterminant de la géologie dans la mesure des époques de la terre.

La mesure de l’ancienneté de la terre ou celle de l’humanité forment une transition vers le second axe, dévolu à la mesure du temps historique. Les hésitations de Taine marquent bien que son époque est celle de L’invention de la préhistoire (N. Richard, 1992). Mais on peut penser aussi aux périodisations des temps historiques, qu’elles soient l’œuvre d’historiens, de philosophes de l’histoire, ou encore d’utopistes. On prêtera aussi une attention particulière aux périodisations en histoire de l’art, ainsi qu’aux effets de chrononymie.

La mesure du temps par les institutions sociales, dans une perspective socio-politique, fournit un troisième axe. Le XIXe siècle français, dans la continuité du calendrier révolutionnaire, a été fécond en calendriers nouveaux: John Tresh (2012) a récemment souligné l’importance du calendrier positiviste conçu par Auguste Comte. Mais ce n’est peut- être là qu’un aspect d’un phénomène plus large, celui de l’opposition entre le temps religieux et le temps laïc, opposition qui parcourt tout le siècle. Le temps laïc qui s’installe en ce siècle pose de nouveaux repères et de nouveaux problèmes: c’est, par exemple, celui de la mesure de la valeur du travail, indissolublement liée à celle du temps de travail; c’est la question de l’accélération sociale, thème porté par Hartmut Rosa; c’est enfin celle de la mesure du temps de la journée: de l’heure du dîner, de l’emploi du temps, etc.

L’ensemble de ces thématiques sera abordé à partir des corpus philosophiques, scientifiques, et historiques; mais il pourra être aussi étudié, bien entendu, à partir du corpus littéraire: on sera alors particulièrement attentifs à la façon dont le temps institué croise, dans l’écriture fictionnelle ou mémorialiste, le temps vécu.

Ce dossier de Romantisme sera le quatrième de 2016, à paraître pour la fin de l’année. Les propositions d'une page au maximum comportant un résumé et une brève notice biobibliographique sont à adresser avant le 1er mars 2016 à Laurent Clauzade (noille- clauzade@wanadoo.fr). Les articles achevés (qui ne devront pas excéder 30'000 signes espaces comprises) avec leurs illustrations (libres de droits, en 300 dpi, et ne dépassant pas 2 Mo) devront être remis le 15 août 2016 aux responsables du numéro. Ils seront accompagnés d'un résumé en français de 800 signes espaces comprises. L'éditeur prendra en charge les traductions des articles en langues étrangères.