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Romance

Romance

Publié le par Alexandre Gefen

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Centre d'études duRoman et du Romanesque (CERR / CERCLL)

Université dePicardie Jules Verne

Appel àcommunication

pour le n°5 de lacollection « Romanesques »

Romance

Réfléchir sur le romance revient inévitablement à setourner vers l'étymologie et la généalogie du roman, le romance ayant à la fois affaire aux origines et au devenir(voire, selon les plus radicaux, à la postérité) du genre romanesque.

Mais faut-ilprononcer « romance » à la française ou à l'anglaise ? Autrementdit, de quoi est-il question ici au juste ? D'une composition poétique sedéployant en mesures octosyllabiques à l'accent ibérique et flamboyant, ou biende ce qui outre-Manche désigne la matière frétillante et aventureuse des romanshellénistiques, perpétuée au Moyen Âge par le merveilleux des péripétieschevaleresques ? Du reste, souhaiterait-on circonscrire le mot« romance » à son acception hexagonale que la tâche ne serait guèreplus facile… Ainsi pris au féminin, et non au masculin comme nous avons commencépar le faire, « romance » désigne une composition chantée, destinée àl'accompagnement musical et difficilement dissociable de son exécution…

Afin d'exploiterle large éventail sémantique qui, émanant de ce terme, disloque sans cessel'arbre généalogique du roman, nous proposons d'articuler le numéro 5 dela collection « Romanesques » (co-rédaction Paris III – UPJV,co-édition Encrage Université / CERR) consacré à la notion de romanceautour des axes de réflexion suivants :

1) La romance : « raisonmusicale » du roman

Décliné auféminin, le terme « romance » tend au roman l'image de sa propre« enfance » rythmique et musicale. On songe notamment à la proximitéentre épos, roman, oralité etmodulation sonore dans l'Antiquité et au Moyen Âge, mais aussi à une époqueplus récente : n'oublions pas que la langue littéraire russe tient sespremières lettres de noblesse d'un célèbre roman en vers de Pouchkine. Cettecontamination musicale nous renvoie plus largement aux origines lyriques duromanesque. Quel rapport, dès lors, entre le roman et les suites embrasées queles chantres du Moyen Âge espagnol et occitan (ou bien, plus près de nous,Lorca et Heine) appelaient « romancero » ?

2) Romance– novel

D'après uneillusion d'optique persistante, l'opposition romance / novel seraitl'exclusivité de la tradition littéraire britannique, qui l'inaugure par lapréface de William Congreve à Incognita ;or Love and Duty Reconcil'd (1691). Entreraientdans la catégorie du romance les« romans romanesques » de l'Antiquité (L'âne d'or, Daphnis et Chloé, Les Ethiopiques), les romans médiévaux en vers, les romans pastoraux ou héroïques duXVIème et du XVIIème siècle, aussi bien que la paralittérature de BarbaraCartland et la collection Harlequin. La typologie du novel couvrirait en revanche un domaine plus« présentable » allant du roman picaresque au roman analytique, enpassant par le roman réaliste du XVIIIème et du XIXème siècle. La distinction romance-novel se trouve ainsi à l'origine d'une hiérarchisation dont ondiscutera naturellement le bien-fondé.

Détailtroublant : la critique littéraire française s'accorde pour traduirel'anglais « romance » par l'adjectif substantivé« romanesque », en faisant de ce dernier une variante voire leconcurrent direct du roman. D'où la présentation du roman comme un genreessentiellement clivé, toujours construit et refondé contre le romancequi l'occupe. Il convient de s'interroger sur cette représentation théorique duroman comme genre de la contradiction.

3) Complexité générique de la notion

Histoire d'enrajouter un peu plus à ce désordre (trans)générique, le mot« romance » - dans sa version anglaise, mais pas uniquement - désigneaussi une variété de pièce de théâtre déployant un réseau de péripétiescompliquées, résolues par un happy end frôlant l'idylle. C'est le cas detoute une production lénifiante et bucolique caractéristique de la Renaissanceet du Baroque européens, mais aussi des dernières pièces de… Shakespeare (Périclès, Cymbeline, Le conte d'hiver,La Tempête). L'objectif avoué de cenuméro de « Romanesques » est de mettre en résonance les différentssens du terme « romance » et la diversité générique qu'ilsrecouvrent, afin de dessiner, au moins en pointillé, une généalogie du roman.

4) Romance : dépotoir ou avenir duroman ?

Nous voilàparvenus à la question cruciale, toujours en souffrance : la notion de romancerenvoie-t-elle à un âge d'innocence (peut-être révolu à jamais) du roman, un« paradis perdu », ou bien ce prétendu âge d'or fait-il plutôt signevers l'avenir, voire la relève du genre romanesque ? Dans le premier casle ou la romance serait le péché originel dont le « grand » romandoit inlassablement s'affranchir, sous peine de sombrer dans les facilités du« romanesque ». Dans l'autre, il représenterait en revanche le réceptacledes formes par lesquelles le roman renaît sans cesse de ses cendres.

Sonder lesenjeux des acceptions antinomiques de la notion de romance, inclure dans laréflexion les sens les plus divers que recouvre ce mot dans la typologie etl'histoire des genres, telle est la voie choisie ici pour éclairer la logiquedisjonctive qui semble présider depuis toujours aux destinées du roman.

"Une proposition de communication peut encore être envoyée jusqu'au 15 octobre 2009 à Carlo U. Arcuri (carlarc@hotmail.fr) et à Christophe Reffait (christophe.reffait@free.fr). Les articles eux-mêmes (30000 signes, espaces et notes compris) devront être envoyés à la même adresse avant fin mars 2010. Ils seront anonymés et soumis au comité de lecture de la collection « Romanesques », pour une publication à la rentrée 2010."