Essai
Nouvelle parution
Revue Pleine Marge, n° 39

Revue Pleine Marge, n° 39

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : Jean-Marc Hamon)

Editorial du N°39

 

EN  MARGE

 

 

Ce nouveau Cahier a pris corps autour d'une évidence : que l'autre n'était pas nécessairement l'étranger, mais pouvait au contraire fonder, ancrer une identité. L'étrangeté d'un paysage linguistique peut produire cette exigence : dans des pages écrites en anglais et réunies par Adélaïde Russo, Rosanna Warren nous conte la naissance de son double, la petite Française Anne Verveine. Et Craig Dworkin joue avec les codes, notamment ceux de l'OuLiPo, si proches de la pratique de Benjamin Péret. Son texte le plus étonnant, Ar, est une démultiplication en tous sens de la syllabe, produisant une histoire impeccable et improbable, saturée de métaphores baroques, qui nous conduit de l'invention du gaz Argon jusqu'à Aragon et ses incipit. Il y a encore un bel avenir pour la descendance de Raymond Roussel. Cette fièvre joueuse aurait-elle gagné notre ami Maurice Fickelson ? Converti à l'esthétique de la contrainte, le voici qui nous propose un « Sonnet » dont la composition est empruntée à celle du sonnet classique, deux quatrains, deux tercets - chaque vers étant remplacé par un court texte en prose -, d'où fusent d'étranges flammèches.

 

Ce qui nous a touchées, c'était aussi l'exil commun aux artistes étrangers dont nous montrons ici le travail, et leur choix de quelque chose qui touche à la lumière des climats tempérés. Ainsi, le peintre allemand Hans Steffens a choisi Gordes, la Provence, région natale d'Anne Verveine, pour y vivre la deuxième moitié de sa vie, et le poète cubain José Triana la démocratie ici mise en oeuvre, tant bien que mal. Certes, où qu'il réside, le grand peintre Jorge Camacho, lui aussi Cubain exilé, inlassablement se ressource à son « feu secret » qui n'est de nulle part. Mais, dans tous les cas, la matière composite que brasse un étranger déraciné nous offre sa couleur incomparable, faite de frôlements, d'emprunts décalés, d'angoisse et de carrefours inattendus.

 

Deux grands solitaires viennent s'ajouter à ces adeptes du déplacement : il s'agit ni plus ni moins de Mallarmé et d'Henri Michaux. Du premier, Renée Riese et Judd Hubert nous exposent les successives mises en espace d'Un coup de dés dans des livres d'artiste. Du second, Brigitte Ouvry-Vial nous donne à lire quelques-unes des lettres inédites, hachées, incisives, qu'il adressait à Jean Paulhan, et Élodie Laügt médite sur l'écriture-conduite qu'est selon lui la pratique de l'idéogramme - une pratique dont il fait un modèle de « désorientation », propice à l'invention poétique.

 

 

 

 

 

Prix au numéro : € 22

 

Distribution : Association des Amis de Pleine Marge