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Krypton, 4:

Krypton, 4: "L'argent"

Publié le par Marc Escola (Source : Luigi Magno)

http://host.uniroma3.it/progetti/romatrepress/pubblicazioni3.html

 

Krypton 4/2014

Argent

 

 

L'argent, moyen et pouvoir universels, extérieurs, qui ne viennent pas de l'homme en tant qu'homme et de la société humaine en tant que société, moyen et pouvoir de convertir la représentation en réalité et la réalité en simple représentation, transforme tout aussi bien les forces essentielles réelles et naturelles de l'homme en représentation purement abstraite et par suite en imperfections, en chimères douloureuses, que d'autre part il transforme les imperfections et chimères réelles, les forces essentielles réellement impuissantes qui n'existent que dans l'imagination de l'individu, en forces essentielles réelles et en pouvoir. Déjà d'après cette définition, l’argent est donc la perversion générale des individualités, qui les change en leur contraire et leur donne des qualités qui contredisent leurs qualités propres.

[Karl Marx, Manuscrits de 1844]

 

 

           

L’argent transforme la fidélité en infidélité, le vice en vertu, le déshonneur en héroïsme et, par son « pouvoir de convertir la représentation en réalité et la réalité en simple représentation », il est la contrainte ultime sur laquelle se fonde l’ordre des fictions.

Acheter, vendre, voler, tricher, hériter, prêter, donner, spéculer, corrompre et trahir. Le pouvoir de l’argent est pratiquement illimité et se confond au pouvoir de celui qui le possède, déterminant inévitablement la représentation de l’argent lui-même. Avoir de l’argent veut dire avoir du pouvoir et, vice versa, ne pas avoir d’argent se lie à un manque de pouvoir. Pareillement, c’est le pouvoir d’achat qui conditionne toute représentation, qu’elle soit sociale ou individuelle.

D’autre part l’argent, en tant que soubassement de l’économie monétaire, est l’un des piliers du développement de l’Occident européen. L’administration de la justice, dans son articulation entre for intérieur et tribunaux publics, les pouvoirs politiques de plus en plus sécularisés et le marché ont donné naissance, en Europe, à un système cohérent à l’intérieur duquel on a conçu les droits de l’homme, les libertés constitutionnelles mais aussi le capitalisme industriel. Ces éléments sont les quelques éléments clés d’un système qui, en Europe, a dominé pendant des siècles sur d’autres systèmes politico-économico-juridiques et qu’on perçoit encore aujourd’hui comme un modèle à exporter, voire à imposer.

Le poids et les significations culturelles, voire religieuses, que toute société attache à l’argent, au profit, au prêt à intérêt et à la richesse, tout comme, au contraire, au manque d’argent et de moyen de survie, sont par ailleurs uniques – comme le montre l’anthropologie économique, depuis la réflexion de Karl Polanyi. Le capitalisme mercantile, caractérisé par une sous-estimation des facteurs tels que les liens sociaux, la réciprocité, le don et les mécanismes de compensation, est le produit d’une culture spécifique, d’un moment historique précis, et n’est donc pas donné une fois pour toutes.

Dans la perspective interdisciplinaire qui caractérise Krypton, le quatrième numéro de la revue se propose donc d’analyser le rapport entre l’argent, le pouvoir et les représentations sociales.

 

Les articles, rédigés dans l’une des langues acceptées par la revue Krypton (anglais, français, italien, portugais, roumain), doivent être envoyés avant le 10 juillet 2014 au courriel suivant : krypton@uniroma3.it.

Les articles, ne devant pas excéder les 35000 signes et devant respecter impérativement les normes de rédaction adoptées par la revue, feront l’objet d’une double évaluation anonyme (double blind peer review).