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Revue Ecrans : "L'écran expérimental"

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Olivier Leplatre)


Revue Ecrans, n°1 : L'écran expérimental

Figure privilégiée de laprojection cinématographique, l'écran n'en demeure pas moins la variableintensive des pratiques contemporaines de l'image, du texte et de la scène, desréflexions théoriques sur le réel, le visible et la perception, desscénographies muséales et des techniques de communication. De surface deprojection servant à couper le rayonnement lumineux au modèle opératoire desdispositifs et des réseaux d'images numériques, l'écran est devenu le noeudesthétique, technologique et économique de la communication de masse comme del'expérimentation artistique. A tel point que notre culture visuelle estpeut-être autant celle de l'image que celle de l'écran. Ce premier numéro de larevue Ecrans entend réfléchir aux mutations qui affectent nos modesperceptifs, nos représentations visuelles, nos modèles cognitifs et nospratiques artistiques. Nous proposons quelques pistes de recherche, qui ne sontque les indications problématiques d'un chantier en devenir.

1. Les dispositifsd'écrans qui caractérisent nombre d'oeuvresdes arts visuels contemporains ont profondément modifié la manière dont lesimages pensent et exposent leur contenu fictionnel ou documentaire, leurlogique scénarique et leur type de sollicitation spectatorielle. Perceptionkaléidoscopique (Malte Hagener, 2008), écran global, total (Dick Tomasovic,2010), installations multi-écrans et multimédia pour un spectateur décentré, encerclé,absorbé, scénographies écraniques des musées, élargissement vidéo de la scène théâtrales(Simon Hagemann, 2010), ce sont là autant d'usages et de formes qui définissentde nouvelles perspectives esthétiques, politiques et anthropologiques del'image et de l'art.

2. Les avant-gardes des années 20 ont très tôt entrepris depenser l'image projetée en fonction des perturbations écraniques dusupport. L'écran cinématographique pouvait être enduit, froissé, déchiré. Cettesollicitation physique de l'écran s'est poursuivie avec les nouveaux média etles nouvelles technologies de l'écran. Non seulement l'écran fait démonstrationd'une autonomie à l'intérieur du dispositif, mais il libère des forces d'altérationqui touchent aussi bien l'image que le spectateur, l'espace et le temps del'oeuvre. On s'intéressera en outre aux écrans excentriques, inadaptés,détournés, aux écrans à faible teneur technologique : murs, corps, ciels,plans d'eau, etc. Aux écrans qui investissent les images, qui les mettent enréseaux sur le principe de l'hypertexte et de l'hypermédia.

3. Les arts de la scène utilisent les écrans pour démultiplierles effets visuels, pour compliquer leur mise en scène de nombreuses mises enabyme, ce qui montre l'importance des relations entre écran et scène. Siles metteurs en scène actuels usent à profusion de ces dispositifs, le film estutilisé depuis les années 1890 (défilés militaires intégrés à des pièces chantées,film Méliès dans des féeries au Chatelet…) pour ouvrir la scène sur d'autres mondes.Les vingt premières années du 20ème siècle n'ont pas méconnu la valeur intermédialedes spectacles, comme en témoignent les écrans installés sur scène de MaxLinder, Max Reinhardt ou bien encore de Brecht. Aujourd'hui bien sûr ces misesen scène se mutiplient. Le spectateur peut être inclus dans cette relation : unfilm comme The Rocky Horror Picture Show transforme les sallesaméricaines en scène de spectacle. Même les jeux vidéo font aujourd'hui dusalon privé une scène qui se synchronise à l'écran numérique.

4. La nature du dispositif conditionne les modalités de lalecture (cf. Alberto Manguel), ce que ne peut que confirmer l'apparition de l'écrannumérique. L'apparition d'une lecture-écran des textes accessiblesvia Internet et la diffusion croissante, même si encore embryonnaire,d'e-books, invitent donc à repenser un usage de la lecture jusque-là définie parsa linéarité. La fragmentation du texte numérisé consécutive à la recherche parmots-clés invite à situer cette évolution dans l'histoire du livre, à lacomparer notamment avec le passage du rouleau au codex. L'écran comme espacepoly-sémiotique détermine aussi une écriture-écran qui mêle les médias,son, texte, image (voir la revue D'ici-là, de Pierre Ménard, sur le sited'édition numérique Publie.net, ou Béton de François Bon). La présence deces oeuvres sur le Net comme sur les liseuses (Kindle, iPad…) invite également àune nouvelle interrogation sur leur matérialité même et sur la pertinence de lanotion de page-écran (réflexions sur l'ergonomie de la page web,coexistence d'un texte central et de rubriques marginales, de liens hypertexteset de tags, configuration aléatoire de l'écran d'accueil d'un site comme LeDésordre…). Ainsi L'écran numérique semble bouleverser l'écriture, tant par laprofondeur hypertextuelle qu'il permet, que par l'ouverture du chantier individuelaux interventions externes. La liquidité du texte nativement numérique peut aboutirà une redéfinition de la notion d'auteur, par l'avènement du Read/Write Book(Marin Ducos).

5. De quelle épaisseur est fait un écran ? Dans sa présence aumonde et au contact des choses, il est tout à la fois surface et profondeur.Que la projection privilégie en lui un travail de miroitement et c'est à saqualité de support que l'on demande une réaction. Mais l'écran enveloppe aussiun lieu plein, susceptible d'accueillir une lumière, des images, de leur donnerdu volume, de les sculpter. Cette phénoménologie de l'écran est lereflet problématique, dialectique, des multiples rapports entre l'écran, cequ'il recèle et qu'il anime, et la réalité qui l'entoure et le contient. L'écranest-il simple fenêtre ouverte, transparence transitive et mimétique, miroir ?Ou bien voile-t-il le monde, en découpant, en recadrant le réel et en redistribuantses aspects, en opacifiant alors la représentation de façon à creuser un lieu-écranoù se recomposent les formes et s'inventent des ailleurs ? Que masque l'écranpour mieux faire voir, jusqu'à quel point obture-t-il le réel, jusqu'où vont satrahison et sa fidélité et comment produit-il ses effets d'étrangeté ? Il yaurait donc à mesurer dans tout écran sa part de puissance auratique (W.Benjamin). Et cette puissance devrait encore être évaluée à la manière dontl'écran implique le spectateur (disponibilité/refus) et à la manière dont l'imagede son côté réussit à déborder son cadre. Les expériences de franchissementsd'écran, de traversées de niveaux (la métalepse de G. Genette, 2004), proposéespar exemple par le cinéma de Sherlock Junior à La Rose pourpre duCaire en passant par Vidéodrome sont autant de retours au trouble ducontact avec l'écran, à l'hésitation de son existence réelle ou fantasmatique,à la question obsédante de ce qu'il a à cacher et de ce que, érotiquement, il entrebâilleet, pour nous, éclaire.

Ces thématiques sontproposées à votre attention et à votre réflexion. Nous attendons vos propositionsavant le 15 janvier 2011, sous la forme d'un texte de 1500 à 2000 signes maximum à l'adresse électronique suivante :

jpierre.esquenazi@wanadoo.fr

Ces propositions serontanonymées et examinées pour cette fois par le comité de rédaction de la revue.Les réponses seront signifiées dans les quinze jours et nous espérons lestextes pour le 15 avril. La publication est prévue par les éditions Kimé pourle mois de septembre 2011.