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Revue Arts et Savoirs :

Revue Arts et Savoirs : "Bouvard et Pécuchet : la fiction des savoirs"

[Agrégation 2011/2012]

Revue Arts et Savoirs : "Bouvard et Pécuchet : la fiction des savoirs"

On utilise souvent le mot « fiction » au sens d'invention mensongère en oubliant que la fiction avait plusieurs sens parmi lesquels celui-ci retiendra notre attention : « action de façonner, de former, de créer ». Le numéro spécial de la revue Arts et Savoirs consacré à Bouvard et Pécuchet montrera comment Flaubert utilise les savoirs pour inventer une forme nouvelle de roman, une sorte d'Odyssée de la connaissance dans laquelle s'embarquent deux personnages en quête de Vérité. La fiction met en question les savoirs tout en leur faisant produire les péripéties d'un roman mouvementé d'une manière nouvelle. Théoriser d'abord, expérimenter ensuite pour vérifier la théorie : ce mouvement à deux temps, dans lequel les personnages voient la garantie du positivisme tel qu'ils le comprennent, est à l'origine des événements racontés. Les tentatives d'application provoquent des incidents, des accidents, occasionnent des disputes. La confrontation du réel et des livres produit du romanesque. On peut surprendre, indigner ou faire rire avec des savoirs, on peut susciter des réactions hostiles lorsque le reste de la communauté n'adhère pas aux mêmes : le partage des savoirs touche alors au politique. Mais on peut aussi faire rêver : après la lecture de Cuvier les deux personnages imaginent l'histoire du globe sous la forme d'une série de tableaux et ils ajoutent à l'oeuvre de Cuvier quelques épisodes que celui-ci n'avait pas racontés. Le savoir tourne alors à la féérie, genre pratiqué par ailleurs par Flaubert. Dans Bouvard et Pécuchet, d'un côté Flaubert déconstruit les discours et les représentations et retourne les savoirs les uns contre les autres, et d'un autre côté il construit une oeuvre qui fait de la critique une nouvelle puissance d'invention et de mise en forme, une force qui s'allie curieusement à l'imaginaire. Il libère ainsi le roman de la « colle » romanesque – sentiments, amour, aventures, actions – qu'un Huysmans n'allait pas tarder à critiquer quelques-années plus tard en remettant en cause un genre aux procédés trop galvaudés (Là-Bas) –, et il sauve pourtant une forme de narrativité.

Ce numéro permettra d'aborder la fiction des savoirs selon des perspectives diverses. On pourra travailler sur les manuscrits dans une perspective génétique ou sur le texte dans une perspective épistémocritique pour étudier les effets textuels de la transplantation des savoirs et repérer les agents de transfert (mots, figures stylistiques, schémas narratifs) qui assurent leur conversion en fiction ou parfois la condensation voire le télescopage de plusieurs théories. Du point de vue de l'intertextualité, il ne sera pas inutile de faire un repérage des savoirs utilisés à condition de ne pas perdre de vue l'objectif de la mise en texte et en fiction (cette fois au sens le plus courant du terme). On s'interrogera aussi sur les savoirs à l'oeuvre dans l'organisation générale de ce roman des savoirs, sur la conversion de l'épistémologique en composition narrative, sur le passage du cognitif au poétique, du théorique au formel et à l'implicite. Enfin, si Flaubert n'en est pas à sa première utilisation de connaissances scientifiques dans ses oeuvres, dans Bouvard et Pécuchet il met au point une poétique particulière de la fiction des savoirs qu'il conviendra de spécifier en mesurant son impact sur l'évolution de la forme romanesque et de la conception du personnage.

Les articles sont à envoyer avant le 20 septembre 2011 à Gisèle Séginger : gisele.seginger@univ-paris-est.fr