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Revue Ad hoc - n° 3 : La crise

Revue Ad hoc - n° 3 : La crise

Publié le par Laure Depretto (Source : Romain Courapied)

Revue Ad hoc – n°3 : La crise.

 

     Crise économique, crise civilisationnelle, crise politique, crise de la culture… de nos jours, le spectre d’utilisation du terme de crise semble s’être élargi au point d'en arriver à l’idée d’un phénomène total, quitte à en recouvrir certaines acceptions plus subtiles. La crise, protéiforme et incontrôlable, tend à devenir un effet de discours, traduisant un sentiment d’angoisse offrant peu d’occasions à la pensée critique. Nous pouvons donc d’emblée déterminer qu’une part de fantasme anime cette sensation d’un délitement des rapports humains, voire d’une indifférenciation culturelle. On peut, dès lors, se demander si cette habitude de pensée n’entrave pas la capacité du monde à penser la sortie de crise, c’est-à-dire encore à penser la crise autrement que dans l’ordre de l’interminable. Quelle que soit l’interprétation qu’on lui donne, la crise se signale invariablement comme le point de rupture d’un équilibre. Mais la pensée d’une persistance de la rupture, dès lors qu’elle ferme toute capacité d’ouverture à un changement d’état, s’affirme comme une impasse.

 

     En première lecture la crise apparaît donc comme une grille de lecture spécifiquement contemporaine, mais nous devinons, en raison de l’impossible saisie de la contemporanéité même, l’intérêt d’en revenir aux conceptions antérieures pour tenter d’échapper à l’arrêt que la notion de crise globale pose sur la capacité à réagir[1]. Ne faut-il pas alors dédramatiser la crise et considérer avec Bertrand Gervais qu’« une crise qui n’est plus unique n’est plus une crise. Elle est un pattern, une habitude, ce qui ne suscite pas le même niveau d’urgence, ni ne requiert le même type de réaction[2] »? Si cette notion de crise globale mérite qu’on la discute, nous aimerions également explorer les conceptions ne répondant pas à cet imaginaire de la finitude. À ce titre, l’étymologie du terme se révèle instructive : la krisis grecque renvoie au moment de la décision, c'est-à-dire l'instant où les choses basculent. Elle aurait donc tendance à correspondre, non à une durée, mais à un point, celui du basculement : non le sommet de la parabole, mais le point qui lui succède. Chez Aristote la krisis semble renvoyer au discernement, le moment où les choses apparaissent séparées pour permettre choix, décision, jugement, bifurcation[3] (c'est le sens du verbe de même racine, krinô, « je sépare, je distingue, je décide, je tranche »). De même, en latin, cribrum (« crible,tamis ») ou le verbe cerno (« je cerne par la pensée, je discerne, je décide ») associent la question de la crise à celle du discernement. Il y aurait donc des rapprochements possibles à établir entre crise et critique. Par ailleurs, le concept de crise généralisée est devenu pertinent en regard de la question du moderne ou du post-moderne, dans l’inscription d’une durée à la crise qui n’était lue, auparavant, que comme moment critique. Ce moment critique était un déséquilibre bénéfique, état d’urgence aiguisant la conscience et précipitant le choix, mais qui n’était pas compris, dans la pensée des Lumières notamment, autrement que comme un retour cyclique « naturel ». La triade Nouvelle Critique/Nouveau Roman/Nouvelle Vague a témoigné de cet accès de conscience, ponctuel et radical, renversant les fondements esthétiques et théoriques. En dehors des crises collectives historiquement identifiées, existent donc des prises de conscience individuelles, autrement dit des crises de conscience, invitant à renverser les acquis dans un renouvellement créatif.

 

     Le troisième numéro de la Revue Ad hoc vous propose d’explorer cette notion de crise dans une approche qui peut être transdisciplinaire (littérature, Histoire, philosophie, études cinématographiques et théâtrales, arts visuels, arts plastiques…). La réflexion pourra s’inscrire dans l’une (ou plusieurs) de ces directions non exhaustives :

 

— Crise et temporalité :

cycles de la crise, crise ponctuelle ou crise permanente, crise et révolution, crise et modernité…

— Crise et critique :

crise de conscience, crise du récit, crise de la représentation…

— Fantasme de la crise :

la crise comme effet de discours, angoisse de la crise et décadence, la notion de crise globale…

 

     Les propositions, comprenant un titre provisoire et un résumé de 3000 signes maximum, sont à envoyer avant le 5 Octobre 2013 à l’adresse suivante : asso.adhoc@gmail.com

     Après examen par le comité scientifique, les propositions retenues donneront lieu à un article d’une longueur comprise entre 20000 et 30000 signes à envoyer à la même adresse avant le 31 décembre 2013. À cet effet, les contributeurs recevront une feuille de style à respecter scrupuleusement.

 

Comité scientifique :

 

Doctorants : Clément Auger, Romain Courapied, Aurélie Palud.

Enseignant chercheur : Daniel Riou.

 

Bibliographie indicative

 

Monographies

 

  • Bertrand Gervais, L’imaginaire de la fin : temps, mots et signes. Logiques de l’imaginaire, t.3, Montréal, La Quartanier, coll. « Erres Essais », 2009.
  • Edmund Husserl, La crise des sciences européenne et la phénoménologie transcendantale, Paris, Gallimard, 1976.
  • Alexandre Koyré, Du monde clos à l’univers infini, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2003.
  • Hannah Arendt, La crise de la culture, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1985.

 

Articles

 

  • « La crise, comment la raconter ? », Esprit, juin 2012/6.