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(Res)sources de l'extravagance : de la littérature aux autres arts (Carnets IV)

(Res)sources de l'extravagance : de la littérature aux autres arts (Carnets IV)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Carnets, Revue électronique d'études françaises)

A l'origine de ce nouveau numéro de Carnets, après celui consacré à (l'in)vraisemblable, une question susceptible d'engager un nouveau faisceau d'approches et d'hypothèses : que peut nous apporter une réflexion sur l'extravagance, terme si porteur dans la littérature et les autres arts, puisqu'il évoque aussi bien les bizarreries thématiques, stylistiques ou formelles que les paradoxes de la création même?

L'extravagance qui, par ailleurs, rompt avec le rationalisme aristotélicien et, entre autres, avec le principe de l'imitation, a suscité au fil des temps et des espaces, diverses formes de manifestations, que l'on pense aux attitudes « dandy» ou aux pratiques génériques « hors cadre » aux formes hétérogènes ou aux motifs surprenants.

Elle se forme, se forge ou se force de manière variable, prenant des configurations sui speciei chez les « dissidents, excentriques et marginaux de l'Âge classique » dont Cyrano de Bergerac reste l'emblème[1] et chez les irrévérents modernes issus de Baudelaire, de Van Gogh, de Nietzsche ou de Wagner, si imprégnés d'éclectisme[2]. À ce titre, la spécificité de l'étrange dans l'art et la littérature belge offre un terrain particulièrement fertile pour penser l'extravagance, depuis la tradition picturale carnavalesque jusqu'aux expressions symbolistes du théâtre de Maurice Maeterlinck, des masques de James Ensor au foisonnement du Fantastique. Si la tension entre l'artiste et le monde est traditionnelle, un nouveau contexte s'est installé dès lors: l'extravagance est devenue le point de repère par excellence de la subjectivation, que Foucault pose comme caractéristique propre de la pensée moderne dans L'herméneutique du sujet (2001).

Si, d'autre part, l'extravagance traverse l'histoire des formes, ce concept présente le grand intérêt de relever d'un domaine où la double dimension créative et mentale de l'artiste s'entremêle inextricablement. En témoigne la liste de synonymes proposée par le site du CNRTL : « folie, bizarrerie, caprice, toquade, absurdité, aberration, fantaisie, fredaine, aliénation, démence, erreur, humeur, incartade, insanité, imagination, excentricité, divagation, dérèglement, outrance, élucubration » [3]...

On ne saurait en outre oublier les échos privilégiés que cette notion éveille dans les discours théoriques et critiques sur la modernité. A ce titre, l'ouvrage récent de Gérard Dessons intitulé L'oeuvre folle s'offre riche d'implications poétiques et politiques, démontant et démontrant l'efficience conceptuelle du mot manière, ses relations à la folie et le pouvoir particulier du langage ; face à cela, "il en est de la folie dans ce qu'elle engage, comme du politique: elle ne peut s'imiter " (Dessons, 2010: 71), précise-t-il.

C'est donc sur la base d'une rétrospection et d'une prospection paradoxales, plus que sur un parcours historique et stylistique, que les éditeurs de ce numéro invitent à saisir le devenir, les configurations et le mécanisme d'une notion dont la pérennité n'a pas tari notre étonnement.

De nature interdisciplinaire, ce numéro ambitionne de croiser différents domaines disciplinaires : littérature, peinture, musicologie, philosophie, histoire des idées.

Les propositions d'articles (autour de 250 mots) doivent être envoyées jusqu'au 15 mars 2011 à revuecarnets@gmail.com . Ce numéro sera disponible en ligne au mois de janvier 2012. Pour des informations supplémentaires, consulter Carnets sur le site http://carnets.web.ua.pt ou écrire à l'adresse indiquée ci-dessus.

 

Les éditeurs, à l'Université de Coimbra (Portugal),

Marta Teixeira Anacleto, Maria de Jesus Cabral, João da Costa Domingues


[1] Voir l'ouvrage de Patricia Harry, Alain Mothu et Philippe Sellier intitulé Autour de Cyrano de Bergerac, Dissidents, excentriques et marginaux de l'Âge classique (2006), Bouquet offert à Madeleine Alcover, Paris: Honoré Champion, coll. « Colloques, congrès et conférences sur le Classicisme », n° 10, 624 pp.

[2] Voir à ce sujet Geneviève Latour, Les Extravagants du théâtre de la Belle époque à la Drôle de guerre (Paris-Bibliothèques, 2000). Il s'agit du catalogue d'une exposition qui s'est tenue à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Parmi les extravagants retenus figurent les noms biens connus de Jarry, Henri Rousseau, le Sâr Péladan, Berthe d'Yd et Paul Castan, Apollinaire et André Salmon, Cocteau, Radiguet, Satie, Max Jacob, Louise Lara et Edouard Autant, Paul Méral, Marinetti, Gourmont, Ghil, Michel de Ghelderode, Michel Seuphor, Pierre Palau, Artaud, Vitrac, Jean-Louis Barrault et Prévert, sans oublier Picasso.

[3] Centre National de Recherches textuelles et lexicales du CNRS, à l'adresse http://www.cnrtl.fr/synonymie/extravagance (consulté le 6 janvier 2010).