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Réinventer le quotidien en temps de guerre en Afrique

Réinventer le quotidien en temps de guerre en Afrique

Publié le par Camille Esmein (Source : Charles DJUNGU-SIMBA K.)

UNIVERSITE DE KISANGANI/RDC

Centre de Recherches Politiques et Sociales d'Afrique Noire (CEREPSAN)


COLLOQUE INTERNATIONAL


Réinventer le quotidien en temps de guerre en Afrique. Dynamiques, logiques, enjeux, stratégies locales et chemins de la paix
15-18 mars 2006


Lieu : Département de Sciences Politiques et Administratives, Faculté de sciences sociales administratives et politiques, Université de Kisangani, Kisangani en RDC


Appel à contributions


Ces dernières années, mes activités scientifiques m'ont amené à vivre entre l'Afrique et l'Occident. Un périple qui m'a permis de me rendre compte des montagnes d'obstacles institutionnels, individuels, financiers et matériels qui entravent la recherche et de l'enseignement universitaire en Afrique. Des problèmes qui se posent avec acuité. Des manifestations scientifiques internationales traitant des problèmes africains se tiendraient moins sur le continent noir. C'est ailleurs, loin du théâtre des conflits que de nombreux colloques sur les guerres en Afrique réunissent les meilleurs spécialistes de la question. D'où, l'idée d'organiser un colloque sur les conflits armés en Afrique, dans l'un des pays les plus ravagés par la guerre ces dernières années, dans une ville qui a été au coeur d'intenses et violents affrontements. Ce pays, c'est la RDC et cette ville, c'est Kisangani, la troisième du pays et qui est une agglomération importante à la fois à cause de son histoire, de sa position stratégique. Ville symbole des guerres postcoloniales africaines, elle fut le fief de Patrice Lumumba, héros panafricain, dont les partisans insurgés en ont fait leur capitale en 1963/1964. Sa chute en mars 1997 a sonné le glas des trois décennies du règne de Mobutu. Le contrôle de cette cité stratégique et historique a opposé dans une lutte sans merci au moins à deux reprises, l'armée patriotique rwandaise à l'armée ougandaise. Enfin, Kisangani se trouve au centre de l'Afrique. En reliant Le Cape en Afrique du Sud au Caire en Egypte et Nouakchott en Mauritanie à Dar es Salam en Tanzanie, le point de jonction se situe à Kisangani. Donc, Kisangani est une ville mythique et historique, un bastion du nationalisme/lumumbisme, une ville-carrefour et entrepôt, ville stratégique aux richesses culturelles/naturelles considérables etc. Voilà autant des raisons ayant guidé le choix de cette ville tropicale, située de part et d'autre du majestueux fleuve Congo et en aval des Chutes Wagenia (Stanley Falls), pour abriter cette rencontre internationale.

La ville de Kisangani a été très affectée par des guerres différentes auxquelles le Congo a fait face ces années dernières. Que l'on se rappelle les multiples affrontements entre Ougandais et Rwandais dans cette ville. Les années de guerre ont fortement précipité l'isolement de cette localité. Ainsi, les activités scientifiques à l'université en particulier en souffrent beaucoup. Les stigmates d'un tel environnement fermé sont bien là. Peu d'articles/ ouvrages sont écrits par les chercheurs de l'université sur ce qui s'est vraiment passé durant ces cinq ans de guerre en Province Orientale (dont Kisangani est la capitale et Ituri est un des quatre districts). Comment les gens ont vécu durant ces années de guerre ? Comment les guerres ont été conduites ? Quelles sont les trajectoires sociales des chefs de guerre ? Des leaders d'opinion ? Pour rompre cet enclavement, surtout scientifique, et rouvrir Kisangani et la Province orientale sur le monde, nous essayons ainsi d'organiser ce colloque international qui réunirait à l'université de Kisangani en RDC non seulement des universitaires occidentaux, africains, congolais et boyomais de différents horizons, mais aussi des professionnels des médias, des agents humanitaires, des activistes de la société civile, des militants des droits de l'homme, des chefs religieux, etc. Ceux qui ont mené des recherches de terrain ou ont enseigné dans la région de Kisangani sont très vivement incités à participer. La situation de cette institution en termes d'activités de recherche, déjà critique avant la guerre, s'est empirée. Nous espérons qu'une rencontre pourrait contribuer à redynamiser les activités scientifiques et universitaires dans cette capitale provinciale. Les actes du colloque seront publiés.

Peu de choses sont dites sur la manière dont les gens vivent de/dans la guerre. Pourtant, cette connaissance du quotidien de la guerre est indispensable pour comprendre les dynamiques de la (re)production de la violence, pour reconstruire ces pays, y restaurer durablement la paix et y promouvoir de façon satisfaisante les droits de l'homme. Quoi de mieux que d'en débattre dans une ville qui sort d'une longue guerre. Rencontrer des gens ayant vécu dans la guerre en marge de la conférence peut offrir une posture exceptionnelle d'observation.

Les propositions de contributions peuvent porter sur des études de terrain soit monographiques soit comparatives. Encrage local : comment le soldat rebelle, le milicien, le petit peuple se conduisent pour survivre dans la guerre ? Que deviennent-ils après les conflits armés ? Comment comprendre les dynamiques et les logiques des combattants, du petit peuple qui ne sont pas forcément celles des chefs ? Une approche « de l'intérieur » et « d'en bas » qui tienne compte des particularités, des spécificités de chaque situation, mais sans ignorer les similitudes. S'agissant des entreprises d'action humanitaire et de rétablissement d'une paix durable ou de défense des droits de l'homme, Comment analyser le déploiement des activistes de la société civile (militants des droits de l'homme, leaders religieux etc.) ? Celui des acteurs internationaux (humanitaires, militaires etc.) qui interviennent sur le terrain ? Comment en évaluer les résultats ? C'est à ce niveau que les témoignages de ces acteurs sont les bienvenus et complémentaires à la démarche des universitaires. Nous le ferons en évitant de tomber dans le piège des particularismes localiste, nationaliste, régionaliste de nombreuses études sur les conflits armés modernes en Afrique. Cloisonnement de la recherche qui entretient des stéréotypes de barbarie, de retour aux ténèbres, de guerres tribales, de conflits ethniques etc.

S'agissant de Kisangani et de la Province Orientale, les communications pourraient porter divers points.
1-Qui ont été durant ces années de guerre les dirigeants successifs de la province, de la ville de Kisangani, des communes, des districts, des territoires et des collectivités ? Il s'agit de retracer leurs trajectoires sociales.
2-Comparer les rebellions de 1963-64 et celles de 1996-2003 dans une perspective de longue durée.
3-Les batailles de Kisangani : en 1997, en 1998, 1999, 2000, 2002. Que s'est-il passé ? Comment ? Quand ? Pourquoi ? Conséquences ? Les chefs militaires impliqués et les troupes engagées (effectifs et appartenance?) qui sont-ils ? Qui s'est distingué en quoi durant ces batailles ? Quelles récompenses ? Et les victimes, combien ? Réparation ?
4-Quelles sont les personnes (physiques ou morales) influentes celles qui, sans occuper des postes officiels, semblent être devenus ces cinq dernières années incontournables- et émergeantes? Quel rôle ont-elles joué ou jouent-elles encore ? Qu'est-ce qui fait leur influence ? De quel type d'influence bénéficient-elles ? Que sont devenues aujourd'hui des personnes influentes sous Mobutu et Kabila père ?
5-Economies de la ville et de la province : qu'en a-t-il été durant ces années de guerre ? Qu'en est-il aujourd'hui ? Qui contrôle quoi ? Mines (comptoirs d'achat, carrières, exportations etc.), agricultures, élevages, commerce général (import/export), pharmacies, rôle des femmes, entreprises publiques et privées, transports aériens/ urbains/ routiers/ fluviaux/ ferroviaires, transferts financiers et banques ?
6-Société : salaires (combien de salariés, quels salaires moyens), vécu social (en particulier des fonctionnaires), signes de richesses, habitat, scolarisation, taux d'alphabétisation et de déperdition scolaire etc.
7-Y a-t-il recomposition dans l'occupation de l'espace local (urbain) par les différents groupes ethno-provinciaux, dans les activités économiques, scientifiques, associatives ? Comment ?
8-Montée d'un nationalisme, transformation et exacerbation des identités particulières, etc.
9-Les statuts et les rôles des médias, des femmes, des jeunes, chefs traditionnels et religieux. 10-Consolidation de l`Etat, reproduction des autoritarismes, autonomisation des collectivités locales, développement des espaces alternatifs de pouvoir (société civile joue un rôle accru).

Perspective comparative : des contributions analysant des situations de guerre pour une mise en perspective globale dans le temps et dans l'espace (avec d'autres situations africaines) dans un contexte mondial où les problèmes locaux sont d'une certaine façon planétaire, peuvent avoir une résonance planétaire. Les médias contribuant à éliminer les frontières étatiques et à rapprocher les personnes et les peuples, véhiculant à l'échelle planétaire des codes de conduite, des modes de vie (vestimentaires, alimentaires, militaires, etc.) Des papiers sur les médias sont également les bienvenus. S'agissant spécifiquement des médias, trois axes d'intervention sont proposés. D'une part, analyser comment les guerres en Afrique sont vues par les médias internationaux et nationaux / locaux, occidentaux ou africains. D'autre part, centrer des réflexions sur la problématique de l'usage fait des médias par les acteurs engagés plus ou moins directement dans les conflits armés : « Dire la guerre, analyse des stratégies communicationnelles des acteurs ». D'autre part enfin, examiner le rôle des médias pour les perspectives de paix.

Encrage historique : une perspective historique permet de repérer, d'une part, les éléments structurant des crises, d'autre part, la continuité sans perdre de vue les ruptures et les changements. Il faudrait éviter l'historicisme. L'on peut s'apercevoir de la pesanteur des traditions, des héritages du passé qui sont encore agissants et susceptibles d'apporter un éclairage particulier à l'explication du présent.

Perspective pluridisciplinaire et interdisciplinaire : ce rendez-vous se voudrait pluridisciplinaire et interdisciplinaire, seule approche susceptible de permettre une compréhension et une explication globales sans devenir trop globalisant. Des spécialistes de différentes sciences sociales et humaines pour une meilleure compréhension globale des crises, des guerres.

L'histoire récente et l'actualité africaines sont très marquées par la violence et la guerre. De l'est à l'ouest, du nord au sud, le continent connaît des conflits armés dont les effets sont dévastateurs. Le Libéria, la Sierra Leone, la Côte d'Ivoire, la Somalie, l'Ethiopie, l'Erythrée, le Rwanda, les deux Congo, l'Angola, le Mozambique sont en situation (post)conflictuelle. La rémanence de la violence dans la vie politique sur fond des luttes de pouvoir pose donc problème quant à sa nature. S'agit-il d'un chaos total comme le suggèrent certains auteurs? Ou pourrait-on le lire comme un processus politique qui relève d'une dynamique de transformation de l'Etat postcolonial en Afrique ? Dans la seconde alternative, analyser les transformations sociales, culturelles et économiques induites par ces conflits armés ? Trajectoires sociales.

Même les parenthèses libérales ne sont pas toujours exemptes de la violence. Les contestations sociales et politiques, les manifestations sur la voie publique sont violemment réprimées (parfois dans le sang) . La torture est très utilisée pour extorquer des aveux, au pire, il y a atteinte à la vie. Les régimes changent, les hommes passent, et se distinguent plutôt par l'ampleur des violations des droits et libertés individuels et collectifs. "La vie d'un homme n'a plus de valeur. Depuis que Mobutu a été chassé, on vous tue pour un rien et dans une totale impunité, souligne un employé d'une ONG locale à l'Est du Congo." Loin de faire avancer les revendications démocratiques, le recours a la violence rebelle tend à reproduire, voire à renforcer les systèmes autoritaires qu'elle combat. D'où le désenchantement des populations, mais aussi des combattants.

L'Etat, le pouvoir et le contrôle des ressources, principaux enjeux dans les luttes politiques, sont au coeur de ce déchaînement de force. Cette violence multiforme n'est pas absurde ni même gratuite. Elle suit les logiques des acteurs et, de ce fait, elle est porteuse de messages sociaux et politiques, comme le fait observer Laborie . Bien qu'elle soit une contrainte réelle, elle paraît devenir une ressource politique majeure et ordinaire dans cette bataille pour le contrôle de l'Etat et du pouvoir. Pour les gouvernants, elle viserait à préserver le régime en place en remettant au pas les contestataires; pour les opposants, elle servirait à accéder au pouvoir.

Même si elle ne transforme pas la nature du pouvoir et son mode d'exercice, la violence travaille sourdement les sociétés africaines. Elle en modifierait l'espace politique. Il s'agit d'abord d'analyser la transformation des représentations politiques et les modes populaires d'action politique corrélés à cette violence. Il importe ensuite d'identifier les nouveaux langages du politique et les modes populaires d'action politique consécutifs à cette recomposition des représentations politiques. Peut-on parler de la transformation des représentations du pouvoir et de la réussite sociale ? Quelles en sont les évolutions ? En définitive, la question consiste à savoir si la violence serait devenue une ressource politique banale au point de modifier les imaginaires et les pratiques politiques, la trajectoire des Etats postcoloniaux africains, les rapports de pouvoir entre gouvernants et gouvernés et les modes d'action politique.

Merci de nous envoyer par email vos propositions de communication (résumé et affiliation institutionnelle sur une page) au plus tard le 15 juin 2005 à :
-MAINDO M.N. Alphonse
Email: maindo@wanadoo.fr
amaindo@wanadoo.fr
Tél.(0033)619631745 ou (00243)97629785
-ATENGA Thomas
Email: th_atenga@yahoo.fr
tatenga@wanadoo.fr
Tél.(0033)608572963
-AMURI MISAKO Fraternel
Email : framuri23@hotmail.com
Tél.(00243)812005218