"Réformons la réforme" Communiqué du Forum des Sociétés Savantes du 10 novembre 2009
http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article3126
Nos Sociétés se sont déjà adressées par deux fois en 2009 auministre de l'Education Nationale pour lui faire part de leurs analysessur les effets de la réforme de la formation et des concours derecrutement des professeurs. Sur le principe, il est légitime que laformation des professeurs, qui s'effectue déjà en cinq ans (six anspour les agrégés), soit sanctionnée par un master. Si une réforme plusample doit être envisagée, elle ne peut l'être sans l'accord descommunautés enseignantes et universitaires et ne peut aboutir qu'auterme d'une véritable concertation que la parution précipitée desdécrets en juillet a compromise. La parution de ces décrets et decirculaires crée une situation d'extrême confusion que nos sociétésdénoncent. Confrontées à un projet de réforme qui nous semble, enl'état, irréalisable et dangereux, nous proposons de repenser laréforme sur la base des principes suivants.
Résumé
Les concours de recrutement et leurs programmes doivent resternationaux et fonder la sélection des candidats sur leurs connaissanceset compétences, évaluées par des spécialistes universitaires et desenseignants des disciplines concernées. La réforme de la formation etdes concours ne doit pas produire un affaiblissement des exigencesdisciplinaires ni une restriction du champ des matières étudiées. Pourles candidats au concours de professeur des écoles, la réforme doitêtre l'occasion d'un renforcement, adapté à leur future mission, desconnaissances dans les disciplines absentes de la licence dont ils sonttitulaires.
La formation proprement pratique doit intervenir après leconcours. La connaissance du système éducatif, notamment, ne seravérifiée qu'à l'issue de l'année rémunérée de stage pratique enalternance dont on ne saurait faire l'économie. Si des stages doiventintervenir avant le concours, il s'agira de stages en observation ou depratique accompagnée sous la responsabilité d'un tuteur, les stages enpleine responsabilité n'ayant de sens qu'après la réussite au concours.
La formation continue des enseignants titulaires devra être développée.
Les cursus menant aux différents concours de recrutement del'Education Nationale, à une autre voie professionnelle ou à larecherche doivent pouvoir rester compatibles et permettre desréorientations. A cette fin, nous demandons le maintien d'exigencesscientifiques et disciplinaires effectives dans toutes les formationsde master.
Enfin, pour garantir la cohérence des formations, il estindispensable de connaître les programmes et les dates des concoursainsi que les modalités des éventuels stages avant d'élaborer lesmaquettes des masters correspondants.
Pour le concours de l'agrégation 2011, des solutions doivent êtretrouvées afin qu'aucun étudiant ne soit lésé dans la phase detransition.
Propositions développées
Ne pas dissocier les maquettes des masters et les concours :
Les concours de recrutement et leurs programmes doivent resternationaux et fonder la sélection des candidats sur leurs connaissanceset compétences, évaluées par des spécialistes universitaires et desenseignants des disciplines concernées. La réforme de la formation etdes concours ne doit pas produire un affaiblissement des exigencesdisciplinaires ni une restriction du champ des matières étudiées. Pourles candidats au concours de professeur des écoles, la réforme doitêtre l'occasion d'un renforcement, adapté à leur future mission, desconnaissances dans les disciplines absentes de la licence dont ils sonttitulaires.
Selon les promoteurs de la réforme, les épreuves des concours nesauraient influer sur les programmes des masters : ce seraient lesmasters, indépendants et complémentaires des concours, quigarantiraient la compétence disciplinaire des candidats. Nous récusonstoujours cette vision irréaliste, qui vide les concours de leursubstance, comme s'il s'agissait, à terme, de les faire disparaîtrepurement et simplement. Au contraire, c'est sur la base de concoursnationaux, aux exigences disciplinaires larges et clairement établies,que pourra être rédigé le cahier des charges précis qui permettraensuite à chaque université de préparer des maquettes de master, et auministère de les valider. Il est indispensable d'articuler (et non dedissocier) la réflexion sur le contenu du concours (dates des épreuves,nombre, nature et programmes de celles-ci) et la réflexion portant surle contenu des masters. Il faut aussi écarter la possibilité deconcours comprenant des épreuves à géométrie variable, différentesselon le cursus actuel ou passé des candidats. C'est la seule garantiedu niveau national des compétences requises de tous les enseignants duprimaire et du secondaire.
L'absence de certaines disciplines au sein des épreuves du projet deconcours allégé, loin de conduire à une présence plus marquée de cesdisciplines dans les maquettes de master, entraînerait au contraireleur disparition. C'est pourquoi un cadrage national des formations demaster est indispensable pour chaque discipline, afin de garantirl'équité et la cohérence nationale des recrutements.
Les maquettes des nouveaux masters ne sauraient être élaborées dansnos universités sans un accord préalable de la communauté enseignantesur l'ensemble du dispositif de formation et de recrutement (calendrierdes stages et des concours, dispositif précis d'encadrement des stages,maquette et programme des concours, cadrage national des masters enterme de contenu, modalités de l'adossement des masters à la recherche,etc.). Un cadrage des concours tardif, pour des maquettes à remettrepar les universités mi-avril, et donc localement par les concepteurs deformations bien plus tôt, serait clairement incompatible avec cetteexigence. Il déboucherait sur une impossibilité de mettre en oeuvre laréforme à la rentrée 2010.
Stages, année de stage pratique rémunérée et formation professionnelle :
La formation proprement pratique doit intervenir après leconcours. La connaissance du système éducatif, notamment, ne seravérifiée qu'à l'issue de l'année rémunérée de stage pratique enalternance dont on ne saurait faire l'économie. Si des stages doiventintervenir avant le concours, il s'agira de stages en observation ou depratique accompagnée sous la responsabilité d'un tuteur, les stages enpleine responsabilité n'ayant de sens qu'après la réussite au concours.
La notion de stage pratique en alternance est loin d'être acquise,les stages prévus cette année n'étant accompagnés d'aucune préparationni encadrement universitaire. Les modalités prévues en font de simplesremplacements, créant un précédent plus qu'inquiétant pour la formationprofessionnelle future des enseignants. La première année d'eêrcice entant que fonctionnaire stagiaire est modifiée pour tous en 2010-2011,sans que les modalités en aient été précisées d'aucune façon. Aucuneinformation n'est disponible sur la forme des actions prévues àl'université ni sur la nature de leur encadrement. Aucune certitude surla réduction du temps de service n'est donnée.
Nous demandons, pour tous les lauréats aux concours de recrutementde l'Education Nationale, le maintien de l'année de stage rémunérée,permettant au professeur stagiaire encadré par un tuteur de prendrepour un tiers de son service la responsabilité d'une classe, tout ensuivant l'indispensable formation universitaire d'accompagnement. C'estau cours de ce stage que pourra être approfondie et vérifiée si besoinla connaissance du système éducatif. C'est à l'issue de ce stage quedevront être titularisés les professeurs ayant fait la preuve de leuraptitude à l'enseignement.
Il est légitime que des stages passifs en observation et actifs enpratique accompagnée, donnant lieu à une préparation et un encadrementuniversitaire, soient proposés aux étudiants dès la licence puis enmaster pour leur permettre de confronter leur vocation d'enseignants àla réalité, mais cela ne doit pas se faire au détriment del'acquisition de connaissances disciplinaires.
Formation continue des enseignants :
La formation continue des enseignants titulaires devra être développée.De nombreux universitaires participent déjà à la formation continue desenseignants du secondaire par le biais des formations proposées par lePlan Académique de Formation. Néanmoins, il est indispensable de mettreen place ou de développer des structures spécifiques au sein desuniversités, gérées par elles, proposant aux enseignants des formationséventuellement obligatoires et donnant lieu a dècharge de service, auxmissions de l'Education Nationale et aux programmes enseignés. Lemodèle des IREM (Instituts de Recherche en Enseignement desMathématiques) pourrait être étendu aux autres disciplines. Dans cetesprit, il est primordial de conserver les concours internes, dont lapréparation constitue un maillon essentiel de la formation continue desenseignants.
Choix des masters et conséquences pour les étudiants :
Les cursus menant aux différents concours de recrutement del'Education Nationale, à une autre voie professionnelle ou à larecherche doivent pouvoir rester compatibles et permettre desréorientations. A cette fin, nous demandons le maintien d'exigencesscientifiques et disciplinaires effectives dans toutes les formationsde master.
Un master défini comme un parcours professionnalisant vers lesmétiers de l'enseignement ne saurait en même temps préparer lesétudiants au doctorat. Mais on ne peut demander aux étudiants dechoisir dès la fin de leur licence entre des cursus exclusifs les unsdes autres, dirigés le premier vers la recherche, le deuxième versl'agrégation, le troisième vers le CAPES et le quatrième vers le CRPE,leurs choix n'étant pas toujours conséquences de vocations différentes,mais parfois de niveau disciplinaire, qu'ils ne sont pas nécessairementà même d'appréhender en fin de licence. De plus, de nombreuxétablissements ne pouvant ouvrir deux ou trois masters différents dansun même domaine se verraient rapidement privés de master recherche ouprofessionnel. Le financement de préparations post-masternon-diplômantes à l'agrégation et aux autres concours doit aussi êtregaranti. Sinon, les répercussions se feraient sentir dès la licence,avec la fermeture induite de nombreuses filières en dehors des grandscentres et un appauvrissement dramatique de l'offre de formation,créant une injustice géographique dans l'enseignement supérieur et unappauvrissement du potentiel d'enseignants.
En retardant d'un an le recrutement, la réforme annoncée pénaliserales étudiants dont les moyens financiers sont fragiles et aboutiraèlection sociale des candidats. Elle entraînera aussi la baisse dunombre de candidats, et donc la baisse du niveau de recrutement. Leproblème des admis-refusés qui obtiendraient le master mais pas leconcours aggraverait le problème social si la structure des mastersn'était pas assez souple pour garantir leur reconversion vers les vraisemplois qu'un diplôme à bac+5 doit légitimement leur permettre debriguer. De surcroît, il ne doit pas s'instaurer un double régime entreles enseignants fonctionnaires qui auront réussi le concours, et destitulaires du master refusés au concours mais recrutés avec un statutdifférent, ce qui, a terme, rendrait possible la disparition desconcours, affaiblissant la qualité de l'enseignement en France.
Les mesures sociales prévues cette année, limitées à quelquesbourses, sont très insuffisantes. L'offre de postes d'assistantsd'éducation est clairement incompatible avec, simultanément, lavalidation d'un master, la préparation d'un concours et les stagesprévus.
Mesures de transition :
Enfin, pour garantir la cohérence des formations, il estindispensable de connaître les programmes et les dates des concoursainsi que les modalités des éventuels stages avant d'élaborer lesmaquettes des masters correspondants.
Les concours de recrutement de l'enseignement primaire et secondairen'ont pas été maintenus en l'état pour 2010 puisque les lauréats 2010non candidats en 2009 devront simultanément valider un M1. Chaqueétablissement doit ainsi délivrer cette année des ECTS de master dansdes conditions qui n'ont pas été clairement précisées. On constate lemélange de la prise en compte de l'assiduité à une préparation à unconcours non con¸cue pour être diplômante avec des modules ou desmémoires de master con¸cus pour un débouché sur la recherche, etc. Desabsurdités dans la délivrance des équivalences sont déjà observées. Lalourde charge constituée par des stages en responsabilité estclairement incompatible avec la préparation des concours.
Problèmes spécifiques de l'agrégation :
Pour le concours de l'agrégation 2011, des solutions doivent êtretrouvées afin qu'aucun étudiant ne soit lésé dans la phase detransition.
La parution fin juillet du décret instituant l'obligation d'êtretitulaires d'un master complet pour les candidats à l'agrégation a desconséquences dès cette année. Les etudiants titulaires d'un M1 doiventchoisir entre se concentrer sur la préparation de l'agrégation cetteannée et valider un M2 qui leur permettrait de candidater en 2011. Lespréparateurs craignent surtout une diminution très forte du nombre descandidats pour l'année prochaine (uniquement non re¸cus cette annéemais titulaires d'un M2), entraînant la fermeture de la majorité despréparations. Faute de mesures de transition efficaces, le nombre decandidats se trouvant mécaniquement diminué en 2011, une importanteproportion des postes ne pourra être pourvue par les jurys, ceprocessus risquant d'entraîner une diminution drastique du nombre despostes pour l'avenir.
Beaucoup de candidats à l'agrégation préparent en même temps leCAPES. Les moyens doivent être trouvés de maintenir cette possibilité,sous peine de voir s'effondrer le nombre de candidats au concours leplus diffcile et se creuser l'écart entre les universités en mesure deproposer une préparation à l'agrégation et les autres. L'agrégationétant en pratique souvent préalable à la thèse, le nombre de futursdoctorants, donc de futurs chercheurs, s'en trouverait égalementdiminué.
Conclusion
En tant que responsables élus des sociétés savantes et associationsd'enseignants, représentatives de la communauté universitaire etenseignante dans toutes les disciplines du savoir, nous demandons àêtre partie prenante de véritables négociations. Compte tenu de notrelégitimité scientifique, de notre expérience pédagogique et de notrereprésentativité dans le monde universitaire et enseignant, il estnécessaire que nous soyons des interlocuteurs à part entière, que noussoyons informés du calendrier, des étapes et des acteurs de la réforme,que nous participions en tant que spécialistes aux commissions quiauront à prendre les décisions.
Le respect de ces exigences sera la condition d'une réforme réussie de la formation des enseignants et de leur recrutement.
Liste des associations signatairesAssociation des Anglicistes pour les Etudes de Langue Orale dans l'Enseignement Supérieur, Secondaire et Elémentaire
Association des Etudes Grecques
Association des Germanistes de l'Enseignement Supérieur
Association des Historiens Contemporanéistes de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche
Association des Historiens Modernistes des Universités Françaises
Association des Linguistes pour l'enseignement de l'Oral dans l'Enseignement Supérieur Secondaire et Elémentaire
Association des Linguistes Anglicistes de l'Enseignement Supérieur
Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie
Association des Professeurs de Langues Anciennes de l'Enseignement Supérieur
Association des Professeurs de Langues des IUT
Association des Professeurs de Lettres
Association des Professeurs de Mathématiques de l'Enseignement Public
Association des Professeurs de Musique et de Musicologie de l'Enseignement Supérieur
Association des Sciences du Langage
Association Française d'Ethnologie et d'Anthropologie
Association Française d'Etudes Américaines
Association Française de Mécanique
Association Française des Enseignants Chercheurs en Cinéma et Audiovisuel
Association Française des Russisants
Commission Française pour l'Enseignement des Mathématiques
Femmes et Mathématiques
Groupe d'Etudes et de Recherche en Anglais de Spécialités
Rassemblement National des Centres de Langues de l'Enseignement Supérieur
Société des Anglicistes de l'Enseignement Supérieur
Société d'Etude de la Littérature Française du XXe siècle
Société d'Etudes Medio - et Néo-Latines
Société Mathématique de France
Société Botanique de France
Société d'Etude du XVIIe Siècle
Société de Langue et Littérature Médiévales d'Oc et d'Oïl
Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles
Société des Etudes Romantiques et Dix-neuvièmistes
Société des Hispanistes Français
Société des Italianistes de l'Enseignement Supérieur
Société des Langues Néo-Latines
Société des Médiévistes de l'Enseignement Supérieur Public
Société des Personnels Enseignants et Chercheurs en Informatique de France
Société des Professeurs d'Histoire Ancienne de l'Université
Société Française d'Etude du Dix-huitième Siècle
Société Française d'Étude du Seizième Siècle
Société Française de Littérature Générale et Comparée
Société Française de Physique
Société Française de Statistique
Société Française des Etudes Japonaises
Société Française Shakespeare
Union des Professeurs de Physique et Chimie
Union des Professeurs de Spéciales