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Réfléchir la projection

Réfléchir la projection

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Véronique CAMPAN)

Réfléchir la projection

Colloque international organisé à l'Université de Poitiers du 26 au 28 mai 2011

(Laboratoire FoReLL, EA 3816, équipe B3)

La polyvalence d'un dispositif et d'une notion qui permettent de croiser plusieurs champs disciplinaires est à l'origine de la recherche que propose ce colloque. La projection est un phénomène complexe qui articule les domaines de l'optique, de la représentation picturale et architecturale, des arts du spectacle et de la psychologie. Au fondement des mythes de la fille du potier Dibutade et de la caverne platonicienne, elle est aussi le point de rencontre originel de l'histoire de la représentation artistique et de la représentation cognitive. Sur le modèle du transport physique des images, se calque un sens second, qui fait de la projection un processus mental et affectif. Quel que soit le champ dont elle relève, la notion conjugue déplacement, transfert et rapport, dans l'espace et dans le temps. On partira de l'hypothèse qu'au cinéma, un mécanisme projectif intervient tant au niveau de la production que de la réception des images et des sons en échos.

Loin d'être un processus daté, au service du seul régime photochimique de l'image, le mécanisme projectif traverse les époques : depuis le moment, légendaire, du modelage du premier portrait, jusqu'aux installations et performances associées aujourd'hui aux arts vivants (danse, théâtre, cirque, présentations muséales etc.) comme aux arts numériques, on retrouve le besoin de projeter les images pour en transformer la nature, la texture, la forme, le site et la taille. Tandis qu'au cinéma ce dispositif est aujourd'hui mis en concurrence avec d'autres modes de production et d'exposition des images, il gagne toutes les branches de l'art contemporain. Dans les installations et les musées, le recours à la projection détourne l'image des écrans traditionnels et s'éloigne de la pratique cinématographique tout en se référant à elle. Les contractions, dilatations ou dispersions temporelles, les démultiplications, superpositions ou déformations spatiales que les artistes font subir au film, permettent d'en éprouver autrement la nature d'image-lumière. Le théâtre et la danse déclinent des rapports changeants entre corps et projections et révèlent les effets tant physiques que psychiques du transport des images.

Par ailleurs, la notion de projection, ces dernières années, est souvent mise à contribution pour redessiner les contours d'une théorie de la réception. Le constat de la coïncidence entre la mise au point du dispositif cinématographique et l'élaboration de la théorie psychanalytique est par exemple le point de départ des réflexions de Jean-Louis Déotte ou de Raymond Bellour, qui ouvrent chacune des perspectives différentes. Jean-Louis Déotte émet l'hypothèse que tout « appareil » fait époque et analyse la manière dont l'appareil projectif a pu, pour un temps, modeler l'imaginaire et les formes de la sensibilité. (L'époque des appareils, Paris, Lignes et manifestes, 2004). Raymond Bellour reprend et précise l'intuition qu'illustraient déjà certains films de la période muette, d'une parenté entre la projection filmique et l'induction hypnotique des images, reformulant, après Christian Metz, une « métapsychologie du cinéma » (Le Corps du cinéma, P.O.L. , 2009). Dans la démarche herméneutique que développent les chercheurs canadiens Martin Lefebvre (Psycho: De la figure au musée imaginaire: Théorie et pratique de l'acte de spectature , Paris, L'Harmattan, 1997) ou Bertrand Gervais (Figures, lectures. Logiques de l'imaginaire. Tome I, Montréal, Le Quartanier, coll. « erres essais » 2007), la projection est également constitutive d'une certaine forme de lecture ou d'acte de « spectature ». C'est en effet comme une dynamique projective qu'est définie la construction imaginaire qui permet l'élaboration de figures.

Ce colloque pourrait donc être l'occasion d'infléchir le questionnement sur l'image, sa production, sa lecture, ses manipulations ou explorations. Dans le désir de prolonger et de renouveler la réflexion qui avait accompagné l'exposition inaugurale du Fresnoy-Studio national des arts contemporains (Projections, les transports de l'image, sous la direction de Dominique Païni, 1997), on s'efforcera de reformuler sur de nouvelles bases l'hypothèse que la projection peut être envisagée comme un outil critique pour réfléchir la place du cinéma par rapport à d'autres formes artistiques et redéfinir les modes de la réception spectatorielle.

Axes de recherche

Le colloque, prévu sur trois jours, sera articulé autour de trois axes : 

Une exploration de la manière dont, au cours de son histoire, la réflexion sur le cinéma s'est emparé de la notion de projection, tantôt pour en proposer une élaboration théorique, tantôt pour en user comme d'une métaphore critique dont on s'efforcera évaluer la portée. L'étude de films qui réfléchissent le dispositif accompagnera cette mise au point ; ceux, attendus, de Fritz Lang, Ingmar Bergman ou Jean-Luc Godard par exemple, ou des films contemporains qui prennent acte de l'évolution d'un dispositif et de sa mise en concurrence avec des modes de consultation numériques.

Un examen des modes actuels d'exposition des images projetées, auxquels cinéastes et vidéastes, mais aussi commissaires d'exposition et spécialistes de l'installation muséale seront invités à participer. La réflexion portera sur les mutations du dispositif et les formes nouvelles de scénographie et d'accompagnement des images projetées qu'elle entraîne 

Une rencontre avec des artistes contemporains (dramaturges, metteurs en scène, scénographes, chorégraphes, plasticiens), amenés à interroger l'emploi qu'ils font du dispositif de projection et l'imaginaire que pour eux il véhicule. Ces échanges ouvriront sur l'explicitation et la confrontation des pratiques artistiques d'aujourd'hui.

Les communications, d'une durée de 30 minutes, pourront s'inscrire dans l'un ou l'autre de ces trois domaines d'investigation, et seront chacune suivies de débat.

Les propositions (500 mots environ) devront être envoyées à Véronique Campan (vcampan@free.fr) avant le 15 novembre 2010, accompagnées d'une brève biobibliographie.