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Appels à contributions

"Refaire / Redoing" (revue Intermédialités)

Publié le par Marc Escola (Source : revue Intermédialités/Intermediality)

Appel à contributions / Call for Submissions

* Please scroll down for the English version *

« Refaire / Redoing »

n29 (printemps 2017)

Intermédialités : Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques

Sous la direction de :
Anne Bénichou (Université du Québec à Montréal)

Date de soumission des propositions : 15 mars 2016

Annonce des résultats de la sélection des propositions : début avril 2016

Soumission des textes complets aux fins d’évaluation : 15 septembre 2016

Publication des textes retenus par le comité de rédaction : mars 2017


Intermédialités est une revue scientifique bisannuelle qui publie en français et en anglais des articles évalués de façon anonyme par les pairs.

Les propositions de contribution (300 mots max.) devront être écrites en anglais ou en français, et envoyées avant le 15 mars 2016 à la directrice du numéro thématique, à l’adresse suivante :

Anne Bénichou [benichou.anne@uqam.ca]

Le résultat de la sélection des propositions sera annoncé début avril 2016 et les articles seront à remettre pour le 15 septembre 2016. Ils seront ensuite évalués anonymement par les pairs. Le comité de rédaction de la revue rendra sa décision finale de publication au courant de l’automne. Les articles retenus seront publiés au printemps 2017. 

Les articles définitifs ne devront pas dépasser 6 000 mots (40 000 caractères espaces compris) et peuvent comporter des illustrations (sonores, visuelles, fixes ou animées) dont l’auteur de l’article aura pris soin de demander les droits de publication.

Il est demandé aux auteurs d’adopter les normes du protocole de rédaction de la revue disponible à l’adresse suivante :

http://cri.histart.umontreal.ca/cri/fr/intermedialites/protocole-de-redaction.pdf

Pour de plus amples informations sur la revue, vous pouvez consulter son site web [http://www.intermedialites.com], ainsi que ses anciens numéros accessibles en ligne sur la plateforme Erudit [http://www.erudit.org/revue/im/apropos.html].

Argumentaire :

De nombreux débats se sont récemment tenus autour de la notion de reenactment, un terme anglais qui n’a pas d’équivalent satisfaisant en français et par lequel on désigne les phénomènes de recréation, de reconstitution, de reprise et d’autres formes de réactivation vivante d’œuvres performatives du passé, d’évènements historiques ou de phénomènes culturels. Le reenactment implique une « réincarnation » ; il engage des corps, des gestes, des actions. Il permet de transmettre des œuvres, des savoirs, des valeurs entre les individus, les groupes sociaux, les générations de façon directe, d’un corps à un autre, en privilégiant l’oralité, la mémoire corporelle et kinesthésique.

Sa logique de transmission relève plus du répertoire que de l’archive. À l’inverse d’une collection ou d’un patrimoine que l’on conserve, le répertoire est rejoué, recyclé, actualisé. Il est évolutif, expansif, dynamique et autorise les combinaisons (Litvan, López Izquierdo). Dans le domaine de l’anthropologie, Diana Taylor l’envisage comme un ensemble de gestes transmis par le corps à travers des pratiques vivantes, selon un processus pleinement créatif de répétitions et de différences. Les sociologues Robert Faulkner et Howard Becker parlent à propos du jazz de « répertoire en action ». À travers des dynamiques d’apprentissage, de routine, de négociation, d’improvisation, de transposition, les musiciens créent ensemble et sur le vif des variations à partir de la répétition d’un nombre réduit de schémas.

Le reenactment consiste donc à perpétuer en actualisant et en transformant. Aussi, il met en jeu des processus de confirmation et d’émancipation. À travers la répétition, il transmet des connaissances, des savoirs, des conceptions du monde ; il confirme des ordres symboliques et sociaux, des valeurs philosophiques, politiques, esthétiques, morales, etc. Il génère des formes d’identification et des sentiments d’appartenance à un groupe. Grâce à sa propension à transformer, il a la capacité de suspendre ces logiques de confirmation et d’adhésion et peut jouer un rôle émancipateur et contestataire. Il est un instrument d’agentivité au sens du terme anglais agency qui désigne la capacité des sujets à agir sur leur réalité sociale. Les modifications et les mutations que les acteurs opèrent leur permettent de se réinventer en fonction des changements qui surviennent dans leur société et dans leur environnement (Taylor).

Cette capacité critique et émancipatrice du reenactment a été soulignée par plusieurs théoriciens des performance studies. Ils y voient un mode de transmission permettant d’échapper aux institutions archivistiques qui contrôlent l’accès et l’interprétation des documents, selon les intérêts des pouvoirs en place. Rebecca Schneider soutient que le reenactment, en tant que pratique culturelle vivante, serait une « forme performative d'archive » apparentée au symptôme et à la contre-mémoire. Il permettrait de produire des contre-histoires et de donner une parole aux groupes minoritaires. Selon André Lepecki, le reenactment en danse aurait le potentiel de libérer les œuvres d’un certain nombre de diktats : la conformité des reprises à l’original, le contrôle du chorégraphe sur le devenir de son œuvre, l’emprise du système économique et de l’industrie culturelle sur la création. Il serait un geste politique de déverrouillage permettant une libre circulation des œuvres.

Si ces auteurs reconnaissent pleinement la fonction mémorielle du reenactment et revendiquent même une dialectique de l’archive et du vivant, du direct et du médiatisé pour le penser, c’est dans la perspective d’analyser sa capacité à subvertir la logique de l’archive et l’économie des médias. Chez eux, l’agentivité et le potentiel émancipateur du reenactment tiennent à sa nature corporelle, directe et vivante. Pourtant, quel que soit le champ d’activités, les pratiques de reenactment sont étroitement intriquées aux technologies d’enregistrement et de captation, elles participent de la culture archivistique, elles circulent sur les réseaux de communication et d’information, et s’inscrivent aisément dans les économies du spectacle et les industries culturelles et touristiques.

C’est pourquoi nous souhaitons développer dans ce numéro une approche intermédiale qui permettra de saisir et de penser la complexité des liens que les pratiques de reenactment entretiennent avec la culture archivistique et les médias. Les enregistrements photographiques, filmiques, vidéographiques, sonores, l’établissement de partitions, de notations ou de scripts, la conservation des costumes, des instruments de musique, des accessoires, etc., sont concomitants aux pratiques de reenactment. Au-delà de leurs valeurs de témoignage et d’authenticité propres aux archives, ces corpus documentaires sont orientés vers la remise en actes. Ils rendent possibles l’appropriation et l’actualisation des pratiques qu’ils documentent par de nouveaux acteurs qui peuvent les interpréter à leur manière et les transformer.

Enregistrés avec des technologies actuelles et diffusés dans les nouveaux médias, les reenactments engendrent des phénomènes de remédiation des images. Des pratiques culturelles et artistiques que nous ne connaissions qu’à travers des captations de mauvaise qualité sont désormais « disponibles » en images couleur, haute définition, ou bandes sonores sophistiquées. Nés numériques, ces documents sont conservés selon les nouvelles formes de stockage d’informations dont l’organisation, l’accès, l’usage et le contrôle diffèrent des archives « domiciliées ». Non seulement ils sont plus accessibles que ceux des générations précédentes, mais ils ont la capacité de générer des formes de sociabilité proches de celles de la culture orale. À travers leur circulation sur le Web, ils engendrent des processus d’identification et d’adhésion, créant des communautés virtuelles. Leur reproductibilité presque illimitée et la facilité avec laquelle on peut les approprier et les transformer encouragent la création de nouveaux contenus dont la portée critique reste à évaluer.

Nous sollicitons des textes qui proposent une réflexion théorique sur le reenactment  appréhendé selon les relations étroites qu’il entretient avec les archives et les médias, et dans la perspective de saisir son potentiel critique : les dialectiques d’adhésion et de contestation qu’il génère, les nouvelles formes d’actions collectives qu’il engendre, ses liens aux cultures minoritaires, sa capacité à produire des contre-mémoires et des contre-histoires. Nous souhaitons aussi des études de cas issues de champs d’activités et de disciplines plurielles, abordant le reenactment selon une approche intermédiale. À titre indicatif :

-       Les phénomènes de reprise et de reenactment dans les arts vivants (danse, théâtre, art de la performance, musique, cirque, etc.) : les interactions entre performances, enregistrements, scripts et partitions, répertoires ;

-       Les usages du reenactment dans les musées d’art et d’anthropologie, particulièrement dans le cadre d’expositions ou d’activités de médiation ;

-       Les remakes cinématographiques dans la mesure où ils mettent en jeu et problématisent des formes de réincarnation ;

-       Les recréations de concerts rock à partir des setlists et des enregistrements ;

-       L’histoire vivante et ses liens aux archives et aux médias : les recréations d’événements historiques, les pageants, les musées d’histoire vivante, etc. ;

-       Le patrimoine culturel immatériel : la polémique suscitée par la convention de l’UNESCO adoptée en 2003, le recours aux nouvelles technologies pour maintenir vivantes des pratiques culturelles menacées ;

-       L’archéologie expérimentale : entre les technologies numériques de reconstruction 3D et l’expérimentation vivante ;

-       Les formes virtuelles de reenactments, notamment sur le Web, dans Second Life ou dans certains jeux vidéo ;

-       Le reenactment à la télévision : les recréations de scènes de crime et la forensique dans les séries télévisées, le rôle du reenactment dans la fabrication des stars de la téléréalité.

Références :

Faulkner, Robert R. and Howard S. Becker, « Do you know…? ». The Jazz Repertoire in Action, Chicago, The University of Chicago Press, 2009.

Lepecki, André. « The Body as Archive : Will to Re-Enact and the Afterlives of Dances », Dance Research Journal, vol. 42, no 2, hiver 2010, p. 28-48.

Litvan, Valentina and Marta López Izquierdo, « Répertoire(s). Mode d’emploi », Pandora, no 7, 2007, p. 9-17.

Schneider, Rebecca. Performing Remains. Art and War in Times of Theatrical Reenactment, London, New York, Routledge, 2011.

Taylor, Diana. The Archive and the Repertoire: Performing Cultural Memory in the Americas, Durham, Duke University Press, 2003.

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Call for Papers

« Redoing/Refaire »

n29 (Spring 2017)

A thematic issue of the journal
Intermédialités:  Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques /
Intermediality: History and Theory of the Arts, Literature and Technologies

Guest editor:
Anne Bénichou (Université du Québec à Montréal)

Deadline for proposals (abstracts): March 15, 2016

Announcement of the final selection: early April, 2016

Submission of papers for evaluation: September 15, 2016

Publication of the papers selected by the Editorial committee: Winter 2017

Intermédialités/Intermediality is a biannual, internationally renowned peer-reviewed journal. It publishes articles in both French and English.

Abstracts of proposals (up to 300 words) in English or French should be sent by March 15, 2016 to the guest editor:

Anne Bénichou [benichou.anne@uqam.ca]

The Editorial board will announce its selection of abstracts at the beginning of April 2016 and papers should be completed by September 15, 2016. Final submissions will go through a double-blind peer review and the editorial board will reach a final decision on acceptations during the fall of 2016. Selected papers will be published in the spring of 2017. Submissions should be no longer than 6,000 words (40,000 characters, including spaces) and should be sent as email attachments to the issue editors. Authors are encouraged to use audio, visual, still, or animated illustrations when appropriate.

Authors are asked to follow our author guidelines for submitted manuscripts, which are available at http://cri.histart.umontreal.ca/cri/fr/intermedialites/protocole-de-redaction.pdf

For more information on Intermédialités please visit the journal website at http://www.intermedialites.com. Issues of the journal are available through the on-line portal Erudit : http://www.erudit.org/revue/im/apropos.html

Argument

Recently, there has been much debate around the notion of reenactment, a term that encompasses re-creation, reconstruction, reprise, and other forms of “living reactivation” of past performance works, historical events, and cultural phenomena. Reenactment implies “re-embodiment”: it engages bodies, gestures, and actions. It makes it possible to transmit works, knowledge and values among individuals, social groups, and generations directly, from one body to another, by privileging oral tradition as well as corporal and kinaesthetic memory.

The logic of transmission by reenactment is more related to the notion of repertoire than to that of the archive. Unlike a collection or patrimony that is preserved, a repertoire is replayed, recycled, updated (Litvan, López Izquierdo). It is evolving, expansive, dynamic, and allows for combinations. In the field of anthropology, Diana Taylor envisages it as a group of gestures transmitted by the body through living practices, in a fully creative process of repetitions and differences. Sociologists Robert Faulkner and Howard Becker speak about jazz as a “repertoire in action”: through the dynamics of learning, routine, negotiation, improvisation and transposition, musicians create live variations together, by repeating a limited number of patterns and schemas.

Thus, reenactment perpetuates by updating and transforming. It also brings into play the processes of confirmation and emancipation. Through repetition, it transmits understanding, knowledge and conceptions of the world; it confirms symbolic and social orders and philosophical, political, aesthetic, and other values. It generates forms of identification and a sense of belonging to a group. With its propensity to transform, it also has the capacity to suspend these logics of confirmation and belonging and may thus play a role in emancipation and protest. It is an instrument of agency – defined as the capacity of subjects to act on their social reality. The modifications and mutations that the actors perform enable them to reinvent themselves in accordance with the changes that occur in the society and environment that surround them (Taylor).

This critical and emancipatory capacity of reenactment has been noted by a number of performance studies theorists, who see it as a mode of transmission able to sidestep archival institutions that control the access to and the interpretation of documents on behalf of various powers. Rebecca Schneider maintains that reenactment, as a living cultural practice, can be a “performative form of archive” related to the notions of symptom and counter-memory, thus giving a voice to minority groups and enabling the production of counter-histories. According to André Lepecki, dance reenactment has the potential to free works from a number of diktats: conformity with the original, the choreographer’s control over the future of his or her work, or the sway of the economic system and the cultural industry over creation. Reenactment is thus a political gesture of unlocking that makes possible the free circulation of works.

Even as these authors fully recognize the memorial function of reenactment and understand it in the context of a dialectic between the archive and the living, between the live and the mediatized event, their perspective focuses on the analysis of its capacity to subvert the logic of the archive and of the media economy. In their view, the potential for agency and emancipation in reenactment is related to its corporal, live, and living nature. Yet, reenactment practices remain closely interwoven with recording and capture technologies: they participate in archivist culture, circulate on communications and information networks, and are easily inscribed in the economies of the spectacle and the culture and tourism industries.

This upcoming issue of Intermediality, then, wants to put forward an intermedial approach for understanding and thinking through the complex links between reenactment practices, on the one hand, and archivist culture and the media, on the other. Directly related to reenactment practices are such media practices as the photographic, film, video and sound recordings; the establishment of scores, notations, or scripts; and the conservation of costumes, musical instruments, and props. Beyond their value of testimony and authenticity, which they share with archives, these documentary collections are oriented towards a return to action. They make it possible for new actors to appropriate and update the practices that they document by reinterpreting them in a new way and thus transforming them.

Recorded with new technologies and disseminated through various new media channels, reenactments engender the re-mediation of images. Cultural and art practices that were familiar to us only through low-quality recordings are now readily “available” in colour, high definition, or as sophisticated sound tracks. Born digital, these documents are conserved via new forms of information storage, whose logic of organization, access, use, and control differs from that of “domiciled” archives. Not only are these new digital archives more accessible than those of previous generations, but they have the capacity to generate forms of sociability resembling those of oral culture. Through their circulation on the Web, they engender processes of identification and belonging, creating virtual communities. Their almost unlimited reproducibility and the ease with which they can be appropriated and transformed encourage the creation of new content whose critical scope remains to be assessed.

We welcome contributions that offer a theoretical reflection on reenactment as understood through its relation with archives and media and in the perspective of capturing its critical potential: the dialectics of belonging and protest that it generates, the new forms of collective action that it engenders, its links with minority cultures, its capacity to produce counter-memories and counter-histories. We are also interested in case studies conducted within multidisciplinary fields that address reenactment from an intermedial perspective. Possible themes include:

-       Phenomena of reprise and reenactment in the performing arts (dance, theatre, performance art, music, circus, and so on): interactions among performances, recordings, scripts and scores, repertoires;

-       The uses of reenactment in art and anthropology museums, particularly for exhibitions and mediation activities;

-       Film remakes, especially when they concern themselves with and put into play forms of re-embodiment;

-       Re-creations of rock concerts from set lists and recordings;

-      Living history and its connections to archives and media: re-creations of historical events, pageants, living history museums, and others;

-       The Intangible Cultural Heritage, a debate sparked by the UNESCO convention in 2003, which pertains to the use of new media in the preservation of disappearing cultural practices;

-       Experimental archaeology: between digital 3D reconstruction technologies and living experimentation;

-       Virtual forms of reenactment, notably on the Web, in Second Life, or in other virtual realities and video games;

-       Reenactments on television: re-creations of crime and forensic scenes within TV series, the role of reenactment in the manufacturing of TV reality stars.

References:

Faulkner, Robert R. and Howard S. Becker, « Do you know…? ». The Jazz Repertoire in Action, Chicago, The University of Chicago Press, 2009.

Lepecki, André. « The Body as Archive : Will to Re-Enact and the Afterlives of Dances », Dance Research Journal, vol. 42, no 2, hiver 2010, p. 28-48.

Litvan, Valentina and Marta López Izquierdo, « Répertoire(s). Mode d’emploi », Pandora, no 7, 2007, p. 9-17.

Schneider, Rebecca. Performing Remains. Art and War in Times of Theatrical Reenactment, London, New York, Routledge, 2011.

Taylor, Diana. The Archive and the Repertoire: Performing Cultural Memory in the Americas, Durham, Duke University Press, 2003.