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Ouvrage collectif : C. Reig et H.Salceda (dir.), Raymond Roussel : merveilleux, sciences (et) fiction 

Ouvrage collectif : C. Reig et H.Salceda (dir.), Raymond Roussel : merveilleux, sciences (et) fiction

Publié le par Université de Lausanne (Source : hermes salceda & Christophe Reig)

Raymond Roussel : merveilleux, sciences (et) fiction

Christophe Reig et Hermes Salceda (dir.)

 

PRESENTATION

Une des questions qui revient avec insistance dans les études rousselliennes concerne les rapports de l’imagination au réel. L’auteur avait fait tenir toute sa poétique en un énoncé radical dans sa simplicité même « chez moi l’imagination est tout », ajoutant qu’il n’avait jamais rien tiré pour ses livres de ses nombreux voyages dans les lieux les plus exotiques de la terre. Or, les travaux d’A.-M. Amiot, P. Bazantay, B. Gromer ont bien montré à quel point l’oeuvre de Roussel est bel et bien imprégnée de la culture et de la société de son temps ; sédimentée à la fin du xixe siècle, fille de la Révolution industrielle et de la Belle Époque.

Pour ne prendre que cet exemple, les décors et les personnages qu’il plante dans ses livres proviennent essentiellement du monde de son enfance. Une enfance – qu’il disait d’un bonheur parfait – qu’il a vécue immergé dans l’univers fantaisiste de la Foire de Neuilly, du Carnaval de Nice, des fêtes déguisées que sa mère organisait, ou encore des théâtres de marionnettes, des guignols, des spectacles de prestidigitateurs, des opérettes, et du cirque.

L’autre versant de l’inspiration et de la fiction roussellienne est imprégné d’un étroit rapport aux sciences et aux techniques qui lui sont contemporaines. Ses textes drainent ainsi nombre d’alluvions scientifiques où cohabitent les disciplines les plus disparates, l’anesthésie et la météorologie, le génie civil et la fabrication de tissus, l’invention du cinéma et la botanique. Roussel était d’ailleurs grand amateur de sciences au point d’avoir déposé un brevet pour l’isolation des bâtiments et d’avoir fait installer dans sa propriété un laboratoire de chimie et son œuvre ne fait pas abstraction des Expositions Universelles de 1989, de 1900 et de 1907.

Les modèles narratifs rousselliens sont ainsi largement empruntés à la littérature populaire de son temps, aux contes merveilleux, aux légendes, mais aussi au roman à énigme ou d’anticipation, au fantastique en général qui s’origine au xixe siècle.

 

AXES DE RECHERCHE

Nous souhaiterions donc, dans ce nouveau volume de la Série Raymond Roussel, nous interroger sur cet univers imaginaire si particulier : celui d’une œuvre fondamentalement imprégnée de culture populaire et enfantine, pourvue en travestissements, masques, jeux, animaux dressés, et êtres singuliers ou extraordinaires mais qui prend également ses sources dans les sciences et techniques de son époque et les transforment en inventions avant-gardistes.

Dans ce cadre, mais sans exclusive, les contributions pourraient donc s’interroger sur la confrontation et l’articulation entre ces pôles imaginaires. Quels sont, par exemple, les rapports que cette œuvre entretient avec l’idéologie positiviste du progrès qui conçoit comme terme ultime de l’histoire une société scientifiquement organisée ? Dès lors, dans quels mondes possibles nous projettent tous ces engins fabuleux, des robots aux bottes imparables, des tarots musicaux, des machines à paver volantes ? Quelles nouvelles formes d’anticipation Roussel nous offre-t-il ?

Comment cet univers de cirque, de carnaval et de fête peut-il se transformer, comme l’avait indiqué Anne-Marie Amiot en un « hymne au pouvoir prométhéen de métamorphose inscrit en l’homme » ? Qu’advient-il dans l’univers roussellien pour que d’aussi joyeuses références deviennent tout à coup sombres et inquiétantes d’étrangeté ? Comment lire à l’aube du transhumanisme Locus Solus, sorte d’exposition permanente à la croisée des arts et des sciences, hymne au bizarre ? Tout Impressions d’Afrique pourrait parfaitement constituer l’affiche d’un cirque, ou d’une baraque foraine dont le bonimenteur annoncerait « l’homme-orchestre, l’homme à voix quadruple, l’exploratrice aux poumons mécaniques, le cheval parlant, le ver joueur de cithare ».

D’autres pistes de recherche possibles pourraient entraîner l’exégèse vers l’étude et de l’intertextualité et des formes de détournement auxquelles Raymond Roussel soumet des matériaux populaires, naïfs et enfantins et pour quelles raisons fait-il autant appel à ces techniques, elles aussi détournées, que seules une élite serait en mesure de comprendre. Dans quel dessein, Roussel annonce-t-il la récupération des genres et des savoirs dits « mineurs » sans tourner le dos aux inventions techniques de pointe, comme le feront les oulipiens des décennies plus tard ? D’autres textes que Locus Solus et Impressions d’Afrique pourraient naturellement servir de supports à cette lecture.

On constate également que les textes Roussel, tendent à la destabilisation des identités, les êtres traversent facilement les classements ontologiques dans lesquels les sciences tendent à les confiner. Les êtres animés montrent une tendance assez prononcée au changement d’identité, de sexe, voire même d’espèce. Ainsi à travers les hybrides d’humains et de machines qu’il met en scène l’univers roussellien annoncerait-il celui créé par Masamune Shirow dans Ghost in the Shell et les réflexions actuelles sur l’humain augmenté et la transhumanité ?

Les textes rousselliens qui, historiquement, s’inscrivent dans la modernité proposent ainsi davantage des questionnements propres au post-modernisme et aux théories queer qui réfléchissent sur les limites des identités de genre. Kenji Kitayama, Susumu Nijima et Sozita Goudouna ont ébauché des pistes de réflexion dans cette direction qui restent à explorer.

Plus globalement, on pourrait considérer la manière dont le texte roussellien participe doublement d’un « imaginaire machinique ». Issu en effet de la révolution industrielle, il met en scène des engins mécaniques tout à fait fabuleux et d’autre part il se présente lui-même comme résultat d’une sorte de « robotisation » ou d’automatisation du processus d’écriture à travers le Procédé à la productivité duquel il confie la composition de la grande majorité de ses textes. Roussel annoncerait ainsi un devenir « technologique » de la création, tandis que Nouvelles Impressions d’Afrique aurait posé les bases de l’hypertexte.

Le Procédé propose peut-être une efficace machine à casser toute forme de hiérarchie entre les savoirs, et par là-même toute forme de discours dominant ? Quelle forme de collage Roussel pratique-t-il ? Ses gestes annoncent-ils, par une autre voie, les collages et certaines attitudes irrévérencieuses des avant-gardes artistiques et l’on retrouve l’écho des machines rousselliennes chez les plasticiens venus des horizons les plus divers, à commencer par la célèbre Mariée mise à nu... de Duchamp, les Métamatics de Tinguely ou encore la musique de Pierre Bastien. Il s’agit là d’un champ de recherches ouvert qui reste, nous semble-t-il encore très largement à explorer.

Il va de soi que d’autres pistes peuvent être proposées dans le cadre de ce Raymond Roussel n° 7. Si l’œuvre de cet auteur reste bel et bien vivante et qu’elle continue de nous interroger actuellement, c’est notamment parce qu’elle offre un espace de choix où peuvent se croiser des théories et des approches variées qui vont des études biographiques aux théories les plus contemporaines (écocritique, queer theory, etc.)

 

PROPOSITIONS

Nous attendons vos propositions pour le 29 octobre 2018

2001hs@gmail.com ; christophe.reig@free.fr

Après décision définitive, le 18 novembre 2018, les contributions seront à remettre le 30 juin 2019.

Le volume sera publié par La Revue des lettres modernes (Classiques Garnier) lors du premier semestre 2020.

 

BIBLIOGRAPHIE

Volumes individuels et collectifs

Amiot Anne-Marie et Reggiani Christelle (dir.), Nouvelles impressions critiques, Revue des lettres modernes, série Raymond Roussel, n° 1,  Paris-Caen, Lettres modernes Minard, 2001, 247 p.

Amiot Anne-Marie et Reggiani Christelle (dir.), Formes, images et figures du texte roussellien, Revue des lettres modernes, série Raymond Roussel, n° 2, Paris-Caen, Lettres modernes Minard, 2004, 229 p.

Amiot Anne-Marie, Reggiani Christelle et Salceda Hermes (dir.), Musicalisation et théâtralisation du texte roussellien, Revue des lettres modernes, série Raymond Roussel, n° 3, Caen, Lettres modernes Minard, 2007, 294 p.

Amiot, Anne-Marie,  Un mythe moderne : * Impressions d'Afrique +  de Raymond Roussel, Minard, Archives des Lettres modernes, n�1 176, Paris, 1977.

Bazantay Pierre, Reggiani Christelle, Salceda Hermes (dir.), Raymond Roussel : hier, aujourd'hui,  actes du colloque de Cerisy 9-16 juin 2012, Presses Universitaires de Rennes, 2012.

Bazantay, Pierre, Archéologie d'un fait littéraire, Raymond Roussel, Thèse d'Etat, Université de Rennes II, 1987.

Bory Jean-François, Roussel, SARL, Romainville, Al Dante, 2003.

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Caradec, François, Raymond Roussel, Paris, J.J. Pauvert, 1997.

Carrouges, Michel,  Les Machines Célibataires, Paris, Arcanes, 1954.

Colombet Marie, L’Humour objectif : Roussel, Duchamp, Paris, Publibook, 2008.

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Numéros de revues consacrés à Roussel

Raymond Roussel, Cahiers de l’Association internationale des études françaises, n° 56, 2004.

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Articles

 

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— « L'idéologie roussellienne dans Locus Solus. Raymond Roussel et Camille Flammarion », Mélusine, n�1 3, L=Age d=Homme, Lausanne, 1982.

— « Romans d'Aventures et aventures du roman roussellien », Europe, n�1 714, Raymond Roussel, Paris, 1988.

— « Raymond Roussel : Cruauté et Grand-Guignol », Jean-Pierre Goldenstein et Michel Bernard (dir.), Mesure et démesure dans les lettres françaises au xxe siècle : Hommage à Henri Béhar, Paris, Honoré Champion, 2007, p. 57-69.

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Bazantay, Pierre, « Roussel et le feuilleton », Mélusine, n° 25, 2005, p. 121-131.

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Finter, Helga, « L'offrande langagière : scènes », Bazantay P. & Besnier, P., Raymond Roussel, perversion classique ou invention moderne ?, Presses Universitaires de Rennes, 1993.

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