Agenda
Événements & colloques
Rameau, de l'Opéra à l'Église : emprunts et adaptations dans la musique religieuse au XVIIIe siècle

Rameau, de l'Opéra à l'Église : emprunts et adaptations dans la musique religieuse au XVIIIe siècle

Publié le par Alexandre Gefen (Source : CMBV)

À l’occasion du concert donné par Les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles autour d’une messe anonyme composée sur des thèmes de Castor et Pollux de Rameau (http://www.chateauversailles-spectacles.fr/fr/spectacles/2014/rameau-requiem-sur-castor-et-pollux), le pôle recherche du Centre de musique baroque de Versailles (associé au Centre d’études supérieures de la Renaissance, umr7323) propose une journée de réflexion sur les réemplois de thèmes musicaux dans la musique au milieu du XVIIIe siècle. Hommages, références ou clins d’œil, ces citations frappent par leur diversité mais aussi par ce qu’elles disent sur la circulation de la musique et sur les limites alors poreuses de la musique sacrée.

14h00 : Cécile Davy-Rigaud (IReMus) - Présidente de séance
Introduction à la journée

Jean Duron (cmbv-cesr) : Un art de l’emprunt ? quelques réflexions sur la notion de parodie dans la musique française du XVIIIe siècle

Emprunt, réemploi, citation, évocation, plagiat, parodie, centon, collage, hommage… La langue ne manque pas de mots pour signifier les différentes formes de prédation utilisées par les artistes dans leurs œuvres. Les compositeurs français du Siècle des Lumières ne se sont pas privé de puiser dans les productions d’autrui, comme le montrent cette Messe de Requiem anonyme, composée sur des extraits de la seconde version de Castor & Pollux de Rameau, mais aussi les œuvres de Grénon ou de Dénoyer, toutes récemment découvertes. Dans la musique religieuse, cette intrusion d’éléments profanes prend un caractère particulier qui mérite d’être discuté. L’occasion de réfléchir sur les enjeux de ce type de démarche créatrice.

Thomas Leconte (cmbv-cesr) : Une Messe de Requiem sur des thèmes de Castor et Pollux de Rameau : un exemple singulier de transposition de l’opéra à l’église

La Bibliothèque nationale de France conserve dans ses collections une Messe de Requiem inédite anonyme qui s’est révélée être presque intégralement conçue sur des thèmes de Castor et Pollux, opéra qui, dans sa version de 1754, fut considéré par ses contemporains comme l’un des plus fameux de Jean-Philippe Rameau. Sans doute hommage musical plus qu’œuvre plagiaire, cette messe récemment découverte, que l’on peut dater du troisième tiers du XVIIIe siècle, constitue à ce titre un exemple tout à fait singulier de réutilisation à l’église d’un matériau musical profane. Si de tels emprunts transposés au domaine religieux n’étaient pas rares au XVIIIe siècle, cette messe, de belles proportions et de belle facture, est unique par l’ampleur et le systématisme du procédé, qui irrigue l’œuvre et sous-tend son architecture même. On ne doit pas voir dans ces emprunts, qu’ils soient explicites ou plus dissimulés, une facilité d’écriture, tant ce rhabillage musical est un exercice complexe. Au-delà du tour de force, les choix opérés par le compositeur, les modalités des emprunts et leurs mécanismes – dont on examinera les exemples les plus significatifs – constituent également des indices de la réception de la musique du « Grand homme », mais aussi, peut-être, de la manière selon laquelle était jouées et perçues ses œuvres.

Xavier Bisaro (cesr-Université de Tours) : « Porter notre musique dans le plain-chant » : échanges discrets et liaisons dangereuses entre composition musicale et chant ecclésiastique au milieu du XVIIIe siècle

Loin qu’on doive porter notre Musique dans le Plain-Chant, je suis persuadé qu’on gagneroit à transporter le Plain-chant dans notre Musique… C’est en ces termes que Rousseau, dans son Dictionnaire de musique (1768), envisage le plain-chant et la musique comme deux entités par nature différentes mais susceptibles de « transplantation » l’une dans l’autre. En cela, le philosophe s’appuie sur une dichotomie solidement établie dans la littérature ecclésiastique du XVIIIe siècle. Les défenseurs d’une ontologie tant théorique qu’esthétique du chant ecclésiastique voyaient en effet dans tout rapprochement de celui-ci avec la musique la source d’une
perte de sa portée identitaire et rituelle.

Cependant, ces « liaisons dangereuses » si souvent condamnées n’empêchèrent pas les compositeurs de plain-chant de recourir à des procédés a priori empruntés à la composition musicale telle qu’on la pratiquait au temps des Lumières. Après une brève présentation de quelques-uns de ces points de contact entre plain-chant et musique, cette communication aura pour objectif de mieux comprendre la coexistence, parfois chez un même plain-chantiste, d’un discours sur la singularité irréductible du chant de l’Église et d’une méthode de composition laissant place à l’hybridité.

Thierry Favier (criham-Université de Poitiers) : L’interprétation et l’écoute de la musique scénique de Rameau au XVIIIe siècle à travers les recueils parodiques de cantiques spirituels

La présence de timbres issus des opéras de Rameau dans les recueils parodiques de cantiques spirituels du XVIIIe siècle témoigne du succès public de ses opéras. Une étude fine des airs parodiés et de leur répartition dans le corpus livre d’importants éléments concernant la nature de ce succès, la réception et la diffusion de l’opéra de Rameau dans la culture du XVIIIe siècle. Cependant, dans la mesure où ces recueils ont été élaborés conjointement aux représentations des opéras de Rameau et que leur première réception est subordonnée au cadre de la scène lyrique, ils ne peuvent être uniquement considérés comme une simple « chambre d’écho » du succès du compositeur ou comme le témoignage d’un transfert culturel du sacré au profane.

Je fais l’hypothèse que, du point de vue des concepteurs de certains recueils, le choix des airs, leur adaptation au texte spirituel et les modalités de leur présentation matérielle obéissent à un processus cognitif qui intègre la mémoire d’une expérience musicale propre à la scène lyrique. Sans prétendre à une étude exhaustive mais plutôt dans la perspective d’une réflexion méthodologique, je proposerai, à partir de quelques cantiques, une analyse susceptible de repérer l’empreinte de l’interprétation et de l’écoute contemporaines des opéras de Rameau.

Graham Sadler (Université d’Oxford) : Rameau parodié par Rameau : le cas curieux des Paroles qui ont précédé le Te Deum de 1744.

Le 30 septembre 1744, pour célébrer le rétablissement de Louis XV lors d’une maladie grave, la Compagnie des Fermiers-Généraux fit chanter un Te Deum dans l’Église des Augustins de la place des Victoires. Avant l’exécution de ce morceau, dont le compositeur n’est pas identifié, on chanta deux parodies de la musique de Rameau, qui furent ensuite publiées dans une partition réduite intitulée Paroles qui ont précédé le Te Deum que M.M. les Fermiers généraux ont fait chanter pour la convalescence du Roy. Il s’agit des chœurs célèbres « Que tout gémisse » de Castor et Pollux et « Clair flambeau du monde » des Indes galantes, respectivement adaptés aux textes latins « Qui gemitus, quae lachrimae » et « Sperate non in vanum ». Il semble fort probable que Rameau lui-même – volontairement ou non – fut impliqué dans l’élaboration de ces parodies. Non seulement la partition comporte en effet une musique nouvelle qui lie les deux chœurs, mais il apparaît aussi que son mécène, La Pouplinière, prit part à l’organisation de cet événement. Celui-ci se serait certainement attendu à ce que son fameux protégé participât à un tel élan de largesse de la part des fermiers-généraux.

Le lien entre la parodie de Castor et Pollux et le début du De Profundis de Lalande sera aussi abordé ainsi que la parodie de « Que tout gémisse » insérée comme Kyrie II dans la version de la Messe des morts de Jean Gilles, pièces exécutées lors des deux services donnés en mémoire de Rameau en 1764.

17h00 – 18h00 : Table ronde animée par Françoise Rubellin (lamo-Université de Nantes)

La parodie dans tous ses états – approches interdisciplinaires

Avec : Pauline Beaucé (Université Bordeaux-Montaigne), Adeline Collange-Perugi (musée des Beaux-Arts de Nantes) et Judith Le Blanc (Université de Rouen)

 

samedi 11 octobre 2014 à partir de 14h
Centre de musique baroque de Versailles – salle Lalande
Hôtel des Menus-Plaisirs – 22, avenue de Paris – 78000 Versailles
01.39.20.78.10 - www.cmbv.fr
Entrée libre dans la limite des places disponibles